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Pauline Peyraud-Magnin, gardienne dans sa galaxie
Face à l’Italie, Pauline Peyraud-Magnin ne va pas seulement retrouver de vieilles connaissances : elle va vivre son premier tournoi dans la peau d’une numéro 1. Une ascension fulgurante doublée d’une belle récompense pour la jeune trentenaire, aujourd’hui bien fixée à la Juventus après avoir pas mal bourlingué et galéré dans la peau de la doublure. Aujourd’hui, les Bleues ont l’assurance d’avoir un dernier rempart particulièrement solide à leur disposition. Tant mieux.
La dernière fois qu’on avait parlé à PPM, c’était pour évoquer la question de son coming-out public. Un geste courageux de la part de la gardienne, alors à l’Atlético de Madrid, qui devenait ainsi la deuxième joueuse française à révéler ouvertement son homosexualité. Depuis, celle qui se fait surnommer Hulk par ses coéquipières a trouvé une autre forme de paix intérieure : celle de la stabilité sportive. Après avoir signé à la Juventus la saison dernière, Peyraud-Magnin est sortie d’un exercice plutôt réussi en remportant le triplé Scudetto-Coupe-Supercoupe d’Italie dans la peau de la portière numero uno.
Stable et multiplication
De quoi effacer les années de frustration à Arsenal, où elle a été reléguée sur le banc par l’Autrichienne Manuela Zinsberger, puis de l’Atlético, où elle a connu le même sort avec la Suédoise Hedvig Lindahl. « J’avais besoin de stabilité et de reconnaissance après avoir passé tout ce temps sur les routes. C’est ce que la Juve m’a apporté, confiait récemment à L’Équipe celle qui a fêté ses 30 ans au mois de mars dernier. La première fois que j’ai rencontré mon coach à Arsenal, qui est aussi aujourd’hui mon coach à Turin(l’Australien Joe Montemurro, NDLR), je n’ai rien compris de toute la conversation, à part deux mots :familyettogether. Et j’ai répondu :« Je viens jouer pour toi, c’est pour ça que je joue au foot. » »
Preuve que ses années de globe-trotteuse sont désormais derrière elle, Peyraud-Magnin, dont le contrat courait déjà jusqu’en 2023, a prolongé son bail pour une saison supplémentaire. Et cette fois-ci, aucun nuage à l’horizon pour venir la déloger d’entre les bois de la Vieille Dame. Mais en regardant dans le rétro, la gardienne ne voit pas forcément ses précédentes expériences à court-terme avec un regard négatif : « Le fait d’avoir autant voyagé m’a beaucoup apporté, que ce soit professionnellement ou personnellement, expliquait l’intéressée cette semaine en conférence de presse. Professionnellement, j’ai beaucoup gagné en expérience en passant par de grandes maisons, mais mon voyage a vraiment commencé pour la première fois quand je suis partie de Lyon pour Issy-les-Moulineaux(en 2014, NDLR). Et personnellement, ça m’a donné une ouverture d’esprit : j’ai essayé de m’adapter à toutes les cultures par lesquelles je suis passée, c’est important. Aujourd’hui, on m’appelle Tom Sawyer tellement j’ai voyagé. »
Avec Hulk, on gagne
Et quand Peyraud-Magnin va bien, c’est toute l’équipe de France qui en profite. Depuis qu’elle a récupéré la place de titulaire de Sarah Bouhaddi, laquelle a juré ne plus revenir en sélection tant que Corinne Diacre sera aux commandes, en septembre 2020, le bilan des Bleues est plus que flatteur : 22 matchs, un nul, une défaite et seulement neuf buts encaissés. De quoi se sentir pousser des ailes au moment d’affronter l’Italie ce dimanche, une sélection qu’elle connaît plutôt bien, puisque les trois quarts des adversaires des Françaises jouent habituellement avec PPM à la Juventus. « D’elle-même, elle est venue nous voir pour nous dire qu’elle allait nous renseigner. On sait qu’on peut lui faire confiance, à Popo. Elle a une très bonne analyse, à un poste où elle peut avoir un regard plus large sur toutes les joueuses, révélait ainsi sa coéquipière Marion Torrent. Ce qui est bien, c’est qu’elle peut connaître les qualités de chaque joueuse, surtout au niveau de la frappe, leur pied faible, leur pied fort. On ne va pas rentrer dans le spécifique, mais elle nous a déjà dit pas mal de choses. »
Mais gare à l’excès de confiance : « On a des objectifs, il ne faut pas griller les étapes. Il ne faut pas se dire favorites, car, aujourd’hui, le foot féminin a changé. On n’arrive plus la fleur au fusil en se disant qu’on va gagner, analysait la gardienne dans les colonnes de L’Équipe. Il faut penser comme ça. On n’a rien gagné jusqu’à présent. On n’est pas favorites. Alors, oui, au classement FIFA, on est troisièmes. Mais, pour moi, ce n’est qu’un chiffre. » En attendant, on pourrait l’oublier, mais Peyraud-Magnin va elle aussi disputer son premier vrai tournoi avec le statut de taulière. « Mes qualités, c’est d’abord mon jeu au pied et mon explosivité. Je suis très rapide dans mes décisions, sur ma ligne aussi. Et dans le jeu aérien, j’aime beaucoup aller au contact », listait-elle, sans fausse modestie. Et comme elle le rappelait en conférence de presse, les supporters peuvent dormir sur leurs deux oreilles : elle est prête à assumer son nouveau rôle. « Je ressens énormément de fierté. La grande différence, c’est que maintenant, c’est moi sur le terrain et il n’y a pas de pression. Du moins, pas encore, mais les échéances arrivent. En attendant, j’ai vraiment hâte d’y être. » Nous aussi. Ne serait-ce que pour voir cette immense fan de Queen verser sa larme au moment où résonnera We are the Champions à Wembley.
Par Julien Duez, à Rotherham