- Italie
- Juventus
Paul Pogba et le sacrifice turinois
On parle de Manchester United, de José Mourinho, de Mino Raiola, de Paul Pogba et de sa valeur financière, mais qu’en est-il de la Juventus ? Gagnante ou perdante dans l’histoire ?
Si la Vieille Dame reste discrète à ce sujet-là, à l’image de son entraîneur Max Allegri qui préfère fixer de vagues objectifs – « Je pense que nous pouvons remporter un sixième titre de champion consécutif et faire une grande saison en Ligue des champions » –, les nouvelles recrues n’hésitent pas à le clamer haut et fort : la prochaine étape, après cinq années de règne national sans partage, c’est la Ligue des champions. Le 28 juin dernier, Dani Alves déclarait : « L’histoire du club me frappe. Et puis vivre une nouvelle expérience, dans un nouveau pays, ça m’intéresse. La Juventus a un rêve, qui est de gagner la Ligue des champions, et je veux l’aider à le réaliser. Je ferai le maximum pour écrire l’histoire ici. » Pareil pour Mehdi Benatia et Miralem Pjanić. Bref, chaque mouvement de ce mercato est réfléchi en fonction de cet objectif. Et la vente éventuelle de Paul Pogba à Manchester United fait également partie de ce nouveau dessein.
Qui sait perdre, gagne
Alors, c’est quoi l’idée avec Pogba ? Il n’a pas le potentiel pour amener la Vieille Dame sur le toit de l’Europe et la Juve préfère se renouveler ? Ou bien, son sacrifice peut-il permettre à la Juve de rêver plus fort ? Il semble que la deuxième option soit la plus plausible. Si la Pioche est lui-même réticent à l’idée de partir, tout comme la plupart des proches du club, son départ combiné à l’arrivée d’un nouvel attaquant pourrait permettre de multiplier les systèmes de jeu (5-3-2, 4-3-2, 4-5-1), de mélanger jeunesse, expérience et promesses, et de pouvoir aligner deux équipes presque types : Buffon et Neto – Barzagli, Benatia, Chiellini, Bonucci et Rugani – Alves, Lichtsteiner, Sandro et Évra – Pjanić, Marchisio, Sturaro, Khedira et Asamoah – Dybala, Pjaca, Mandžukić et Higuaín.
Ce qui revient, plus ou moins, à appliquer le fameux sacrifice utile avancé par Sun Tzu dans son Art de la guerre. Ici, il s’agit de lâcher intentionnellement petit pour viser bien plus gros, « sacrifier le prunier pour sauver le pêcher » , perdre Pogba pour gagner en diversité. C’est sale pour le Français, mais pas si handicapant pour la Juventus, voire relativement une bonne chose. D’ailleurs, la plupart des médias italiens donne la Vieille Dame gagnante au change. La Gazzetta parle d’un accord « gagnant-gagnant » pour le Français et la Juve, alors que Tuttosport préfère surtout mettre en avant les 120 millions d’euros et les possibilités que ça leur ouvre, notamment la venue d’Higuaín et d’un autre top player, comme Rakitić, tout en oubliant l’état de leur compte en banque.
« Avec ou sans Pogba, la Juve aura une grande équipe »
En tout cas, pour Luciano Moggi, ancien dirigeant du club, le doute n’est pas permis quant à l’éventuel sacrifice et de ses futures retombées : « Je vendrais immédiatement Pogba pour signer Higuaín ensuite. J’irais à Porto, mettrais Herrera à sa place et personne ne ferait la différence. Higuaín est un joueur décisif. Les chances de gagner la Ligue des champions augmenteraient avec lui. » De son côté, Massimiliano Allegri met aussi son poulain, son ambition sans fin et sa marge de progression de côté face à la destinée de son club : « Avec ou sans Pogba, la Juve aura une grande équipe. » Au final, la Vieille Dame n’a peut-être pas autant à gagner que Mino Raiola dans l’histoire, mais elle ne semble pas non plus trop à plaindre dans cette histoire. Que ce soit financièrement ou sportivement. Et ce seront finalement le reste du mercato (si la Juve réinvestit tout l’argent) et son parcours en Ligue des champions cette saison qui confirmeront, ou non, le bienfait de ce transfert historique.
Ugo Bocchi