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Paul Pogba, bras au ciel, pieds à terre

Par Markus Kaufmann
Paul Pogba, bras au ciel, pieds à terre

Lorsque Paul Pogba s'entraîne auprès de Pirlo, Buffon et Chiellini, il se tait, observe, travaille et apprend. « Je ne suis rien du tout, moi », répète-t-il avec raison devant les caméras, les pieds à terre. Mais lorsque Paul Pogba joue avec Pirlo, Buffon et Chiellini, son envie insatiable de jeu, de responsabilités et d'action le pousse à demander le ballon de façon excentrique et pressante, agitant les bras au ciel comme s'il se sentait invisible. Il la veut toujours, la balle. Parce que loin des caméras, Pogba redevient ce qu'il est vraiment : un champion en quête d'exploits. Entre ciel et terre.

Qu’est-ce qui différencie les champions des grands joueurs ? Pour certains, il s’agit de la constance dans la performance. Les plus grands des grands seraient ceux qui parviennent à répéter la grandeur le plus souvent possible. Pour d’autres, le champion serait celui qui apparaît dans les grands rendez-vous, celui qui grandit avec la taille de la scène. Ailleurs, le champion serait celui qui sait se réinventer pour durer le plus haut possible. Et enfin, les plus exigeants estiment que les sommets ne sont atteints que par une poignée d’insatiables héros capables de tutoyer la grandeur tous les jours, sur toutes les scènes, de la plus petite à la plus grande, du jeu de cartes à la finale de la Coupe du monde, pour toujours. Depuis son arrivée à Turin, on ne sait pas encore vraiment à quelle catégorie de champions va appartenir Paul Pogba. Peut-être en définira-t-il une nouvelle. Mais on voit l’insatiabilité insatisfaite du Français tous les week-ends dans tous les coins de la Botte.

Bras au ciel

Nous sommes en février 2014, et une Juventus sûre d’elle accueille une Inter en grosses difficultés. Paul Pogba a 20 ans. À cet âge-là, les joueurs italiens de notre époque cultivent plutôt la manie de ne pas trop se montrer, au risque de se faire prendre en cible par les snipers de la presse transalpine. Pogba, lui, ne calcule pas. En plein match, face au sang, dans le bruit et l’animosité, il a l’air de n’écouter rien d’autre que son instinct. Son plaisir de jouer. Cet instinct qui le faisait frapper au but à 30 mètres des cages dès ses premiers matchs. Ce soir-là à Turin, toute la Juve ressemble à une machine bien huilée, des montées presque mécaniques de Lichsteiner à la gestion du tempo de Pirlo. Toute la Juve, sauf Pogba. La Pioche, elle, s’agite sur chaque possession de balle. Le Français demande, exige, crie. Bras au ciel, s’agitant comme un danseur d’aérobic, Pogba tente de convaincre Pirlo de son bon placement. Pirlo, évidemment, l’a vu avant même de recevoir le ballon. Au milieu de terrain, il se tourne vers Pogba, puis passe la balle à Vidal. Encore et encore.

Pogba, à chaque fois que la situation se répète, baisse violemment les bras, et souffle sa frustration au ciel. De haut en bas. Et puis, il redemande, encore et encore. Quand il la reçoit, et qu’il rate un geste, une passe ou une frappe, il s’énerve. Il s’agace, insatisfait. Ce soir-là, Pogba ne s’arrêtera jamais de demander le ballon, transformant frustration en efforts supplémentaires. Sur les deux buts que la Juve marquera dans des cafouillages dans les 6 mètres, il sera l’élément déclencheur de la hargne turinoise. Face à ce spectacle d’ambition démesurée, d’envie débordante et excentrique de ballons, le Juventus Stadium observe ahuri ce phénomène grandir dans un timing parfait. Car deux ans plus tôt, rien n’était écrit.

D’énergumène à phénomène

À son arrivée à Turin, Paul Pogba avait transmis une image de rebelle égocentrique parti de la superbe académie de Manchester United parce qu’il estimait, lui et son entourage, qu’il devait « jouer plus » . Il n’avait que 19 ans. Les mauvaises langues lui avaient alors prédit un avenir pathétique. Quelques années plus tôt, Pogba avait quitté Le Havre par la petite porte, « volé » d’après ses dirigeants. Cela faisait un épisode de plus, déjà. Sir Alex Ferguson, furieux, avait même parlé de « manque de respect » . Cerise sur le gâteau : Pogba était armé de son agent Mino Raiola. Évidemment, une partie du public s’était attardée sur le culot du bonhomme, et avait même tenté d’y voir une question d’argent. Les autres se demandaient déjà qui pouvait être ce gamin au style arrogant, dont la confiance ne pouvait laisser indifférent. Les médias, eux, attendaient les premiers dérapages, suspendus par la curiosité de voir cet énergumène se casser les dents dans un club connu pour ne pas accorder de privilèges, même à ses plus grandes idoles. Mais non. Pour reprendre une expression d’un autre phénomène, Antonio Cassano, Pogba a fait le « petit soldat » .

En toute conscience, il a commencé ce long chemin qui sépare le champion potentiel du champion défini. « Cela peut aller si vite à cet âge-là » , disait Conte. Les échelons, il les a donc gravis un par un. Pour ne pas grandir trop vite. Remplaçant, puis dans la rotation des titulaires, et enfin titulaire indiscutable. Après deux saisons et demi, sa progression est parfaitement traduite par l’évolution graduelle de ses statistiques dans tous les compartiments du jeu. On se croirait dans un jeu vidéo. Passes clés : de 0,8 en 2012-13 à 1,4 en 2013-14 à 1,6 en 2014-15. Dribbles réussis : de 1,8 à 2,1 à 3,1. Fautes obtenues : de 1,3 à 1,4 à 1,5. Et enfin, passes par match, une statistique qui traduit son influence sur le jeu turinois : de 38 à 42 à 46. En janvier 2015, entre deux déclarations de son agent Mino Raiola, il déclare : « Je vaux zéro euro, je ne m’occupe pas de ces choses-là, je ne pense qu’à travailler chaque jour et tout donner sur le terrain. Je dois m’améliorer parce que je veux devenir un champion, un des plus forts du monde, et j’ai encore du travail avant d’arriver au niveau de Pirlo, Buffon et Chiellini. Mon rêve, c’est le Ballon d’or. »

La dimension Pogba

Pierre Mankowski, sélectionneur de l’équipe de France espoir, racontait son Pogba dans So Foot : « Même tout jeune, il était déjà mature. Je le faisais jouer avec les 17 ans, il en avait 15, et il était capitaine. Tout comme il l’est aujourd’hui en équipe de France. Il est vraiment en avance sur son âge. Parfois au centre, on avait des gamins qui étaient moins talentueux que lui, qui faisaient du n’importe quoi dans leur comportement, mais lui est toujours resté à l’écart. Il ne s’est jamais mis dans des situations délicates. On sentait qu’il savait où il allait, que sa route était tracée. » Sur le chemin, Pogba peut donc se permettre quelques zigzags. Quand on s’est mis à le comparer à Patrick Vieira, pour son intensité et sa verticalité, Pogba s’est mis à jouer un cran plus haut et à placer des virgules avec l’aisance d’un ailier latin. Parce que Vieira n’a pas eu de Ballon d’or ? Qui sait. En tout cas, sur le côté gauche, en milieu récupérateur ou en milieu offensif, son jeu reste toujours le même : celui d’un joueur dominant. « Le prototype du joueur moderne » , disait Conte.

Aujourd’hui, sa seule inconstance reste une inconstance de beau champion : ne marquer que des chefs-d’œuvre et des buts importants. D’après Didier Deschamps, « il a tellement de fantaisie naturelle que tout lui vient facilement. Les coups qu’il tente aujourd’hui dans deux, trois mois lui sembleront vieux, et il en inventera d’autres » . Mais d’où vient ce mélange fascinant de talent, caractère et travail ? Le cocktail Pogba est certainement composé d’un peu de Manchester United, d’une dose d’Antonio Conte et surtout d’énormément d’acquis transmis par un entourage sain. Car si Pogba joue les bras au ciel et les pieds à terre, c’est parce qu’il a tout dans la tête.

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