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Paul le poulpe
Sorti manu militari de sa retraite en janvier dernier, Paul Scholes, 37 piges, aurait pu faire un come-back de trop. Quatre mois après, le rouquin a repris sa place dans l'entrejeu, à tel point que son absence ne passe pas inaperçue.
C’est une histoire qui a pourtant commencé dans la méfiance. En janvier, quand Sir Alex Ferguson, après un long travail de sape, achève de convaincre Paul Scholes de revenir dans le circuit après six mois de retraite, les rires fusent. Comment le champion d’Angleterre peut-il s’en remettre à un rouquin de 37 ans alors que celui-ci avait raccroché les crampons complètement cramé ? Même l’ennemi intime, City, saute sur l’occasion pour se moquer de l’événement. Patrick Vieira, désormais responsable du développement des Citizens, balançait que sa team n’avait « rien à craindre d’un club qui doit intégrer un membre du staff dans l’équipe » et qu’il s’agissait d’un « aveu de faiblesse » de la part de United. Une provocation sur laquelle Fergie est revenue. Avec son tact habituel. « Si c’est un acte désespéré de faire revenir dans l’effectif le meilleur milieu de terrain de Grande-Bretagne des vingt dernières années, alors je ne le prends pas mal« , avait expliqué Ferguson avant d’embrayer par un : « Si vous voulez parler de quelque chose de désespéré, c’est de faire jouer un joueur [Carlos Tevez] l’autre soir, qui avait refusé d’entrer sur le terrain et dont le manager avait dit qu’il ne jouerait plus jamais avant de partir cinq mois en vacances en Argentine…« . Une chose est certaine, depuis le retour de Paul Scholes, MU a glané 33 points sur 39 possibles et s’est emparé du maillot jaune de la Premier League avec cinq points d’avance sur le voisin honni. Est-ce une coïncidence ? Assurément non.
Douze matches disputés (neuf titularisations) et trois caramels plus tard, le Cantona Roux est (re)devenu la pierre angulaire du milieu de terrain mancunien. Mercredi d’ailleurs, lors de la défaite surprise des Red Devils à Wigan (0-1), Scholes ne jouait pas. Tout est dit. Cet après-midi, il reprendra sa place sur le pré pour affronter Aston Villa. « Scholesy a été ménagé mercredi. Il a démontré toute son influence depuis son retour. Nous avons fait ce qu’il fallait en le laissant souffler mercredi. Il jouera dimanche« , a déclaré Sir Alex lors de sa conférence de presse d’avant match. Preuve que le numéro 22 est un titulaire à part entière. Le vieil Écossais sait l’importance de son homme. Néanmoins, on peut toujours s’intéresser sur la genèse de ce retour. Il faut l’avouer, ce come back part d’un constat d’échec : il manque un distributeur derrière Wayne Rooney. Cleverley est encore trop jeune, Anderson n’arrive pas à franchir le palier et Fletcher est blessé pour de longs mois. Fergie avait donc le choix entre raquer 20 plaques sur un mec (Sneijder, Modric, Fellaini…) sans être certain de son intégration ou rappeler l’ancien de la maison. Il a fait le choix du collectif. Scholes connaît l’ADN du club, son style de jeu et sa mentalité. Et force est de constater que le scepticisme qui entourait son retour s’est, petit à petit, transformé en respect. Comme une évidence.
Et maintenant ?
Au sein de l’effectif en tout cas, les avis sont unanimes. Les cadres sont sous le charme du pourceau anglais. « Beaucoup de choses ont été racontées à propos de son retour, certains se sont demandé si c’était bien ou pas pour nous. Mais vous voyez bien l’influence qu’il a dans les résultats qu’on a obtenus depuis qu’il est revenu. C’est un joueur formidable et pas seulement dans les matchs que vous voyez, mais aussi à l’entraînement et autour du centre d’entraînement. C’est un exemple pour tous les jeunes du club« , déclarait Rio Ferdinand sur Sky Sports après la victoire (2-0) sur QPR, où Paul Scholes avait reçu le trophée d’homme du match. C’est la grande force de l’Anglais. Être l’un des rares footballeurs du Royaume à faire l’unanimité. Xavi ou Zidane n’ont d’ailleurs jamais caché leur admiration pour le lascar. Un mec toujours capable d’orienter le jeu d’une caresse ou d’une diagonale de 40 mètres. Un type capable de mettre des coups, de ratisser, de tacler, de nettoyer des lunettes, de placer une tête. Unbox-to-boxcomme on n’en fait plus.
Techniquement, Scholes sait tout faire. On parle d’un mix entre Steven Gerrard et Andrea Pirlo. Avec le CV qui va avec (dix titres de Premier League, quatre FA Cup, trois Coupes de la Ligue, deux Ligues des champions et une Coupe du Monde des clubs). Sauf que ce retour, aussi intelligent qu’il soit, pose un souci. En juin, qu’est-ce qu’on fait ? Fergie ne pourra plus se voiler la face. Son renouvellement des cadres n’est pas encore au point. Il faut se rendre à l’évidence. Sans le retour de Scholes en janvier, United ne serait jamais revenu sur City. Ça montre la force du bonhomme. Et la faiblesse de l’ensemble, sans lui. Fin mai, les dirigeants mancuniens feront tout pour convaincre le natif de Salford de prolonger d’une saison. Par contre, il s’agira d’aller dénicher la perle rare au milieu de terrain. Histoire de laisser Paulo passer le témoin. Car toutes les bonnes histoires ont une fin.
Par Mathieu Faure