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Paul Le Guen d’Arabie
Il y a près de trois ans, Paul Le Guen acceptait le poste de sélectionneur du Sultanat d'Oman sans que l'on sache trop ce qu'il comptait en faire. En 2015, son équipe n'est toujours pas une référence continentale, mais vend chèrement sa peau à chaque rencontre, ce qui lui vaut des résultats encourageants.
Lorsqu’il prend en main les destinées de la sélection du Sultanat d’Oman en juin 2011, on ne sait pas trop où Paul Le Guen met les pieds. Car il faut l’admettre, pour la plupart des fans de football, il est difficile de situer la petite monarchie arabe au sud-est de la Péninsule arabique. Sur le plan sportif, les Guerriers rouges sont un parent pauvre à l’échelle asiatique : jamais qualifiés pour un Mondial, jamais plus loin que la phase de groupes (trois fois) en Coupe d’Asie, et un seul titre en Coupe du Golfe 2009. Malgré l’intérêt de plusieurs clubs européens, dont certains de Ligue 1, Paul Le Guen et son fidèle staff – Yves Colleu, Joël Le Hir et Christian Mas – optent pourtant pour l’exil et le travail de pionniers.
Ali Al-Habsi, le seul « Européen »
Pour l’ancien entraîneur de Lyon et du PSG, il s’agit d’installer Oman dans la cour des équipes qui pèsent dans la confédération asiatique, alors que son prédécesseur, Claude Le Roy, vient de foirer la Coupe du Golfe au Yemen avec une élimination au premier tour. Avec un groupe qui flirte avec la 100e place FIFA et ne compte quasiment pas d’expatriés européens à l’exception du gardien de Wigan Ali Al-Habsi, Le Guen bricole et tente de faire des miracles. En manque de talents, il va s’appuyer sur la solidité collective. 5-4-1, 5-3-2, 4-5-1, Le Guen décide d’adapter ses systèmes à l’adversaire et d’opter le plus souvent pour des défenses ou milieux renforcés, avec un attaquant -souvent Amad Al-Hosni, passé par les championnats d’Arabie saoudite, Qatar mais aussi de Belgique avec une pige à Charleroi- pour tenter de marquer sur le peu d’occasions créées.
La première campagne de Le Guen parle d’elle-même : dans le cadre des qualifications pour le Mondial 2014, ses Guerriers rouges sortent vivants de la première phase de groupes, alors que le sort leur avait attribué l’Australie et l’Arabie saoudite. Sans concéder le moindre pion à la maison, et à la faveur d’une victoire de prestige sur l’Australie le 11 novembre 2011 à Mascate (1-0), le Sultanat renverse une situation mal embarquée – un seul point après trois journées – pour se glisser derrière les Socceroos et bouter le voisin saoudien hors de la course au Mondial. La seconde phase un an plus tard est bien moins heureuse, Oman réussissant encore une fois à faire dans les bottes des Australiens – deux matchs nuls -, mais échouant à un point de la Jordanie, 3e du groupe et barragiste.
Défense et mental d’acier à défaut de profusion de talents
Après une parenthèse difficile en Coupe du Golfe 2013 à Bahreïn – élimination dès la phase de poules après un nul et deux défaites -, la bande à Le Guen a confirmé ses progrès en Coupe d’Asie des nations. En qualification d’abord, où les Omanais sortent à la première place du groupe A en ne concédant qu’un seul but – contre Singapour pour son dernier match – et aucune défaite. Les Guerriers rouges s’appuient avant tout sur leur mental et leur capacité à faire déjouer l’adversaire. L’objectif avoué pour la phase finale : sortir d’un groupe ultra relevé avec l’Australie, la Corée du Sud et le Koweït, soit deux des meilleures équipes du continent et une ancienne gloire. Et comme entre-temps, le Sultanat a atteint une belle 4e place en Coupe du Golfe, la confiance commence à gagner l’ensemble du groupe.
Le 10 janvier à Canberra apparaît néanmoins comme un retour sur terre. Face aux Guerriers Taeguk, Oman plie, voit son gardien et capitaine Al-Habsi sauver les meubles plusieurs fois, quand ce n’est pas sa barre transversale qui repousse les tentatives sud-coréennes… Puis quelques secondes avant la mi-temps, l’équipe de Paul Le Guen craque sur une frappe lointaine mal négociée par Al-Habsi. Menée 1-0, l’équipe du Sultanat continue de subir les coups de boutoir adverses, avant de frôler l’égalisation contre le cours du jeu par Amad Al-Hosni dans les arrêts de jeu. Une rencontre qui symbolise à elle seule la situation de l’équipe nationale omanaise : encore trop limitée pour rivaliser avec les plus grands, mais avec un état d’esprit lui permettant de s’accrocher et parfois provoquer la chance. Sauf que cette dernière ne s’obtient pas sur commande et fait cruellement défaut le 13 janvier lorsqu’il faut affronter les Australiens à Sydney. Une valise 4-0 plus tard, les rêves de quarts de finale sont envolés pour Oman, mais l’espoir de continuer à progresser n’est que plus vif. Contre le Koweït, Abelaziz Al-Moqbali – plus grand talent de cette sélection omanaise – offre la victoire aux siens et un goût d’honneur sain et sauf à son coach : « Le Koweït est une bonne équipe, c’est bon pour nous et pour notre état d’esprit futur » déclare Paul Le Guen après ce succès et cette troisième place honorable. Après plus de 70 matchs à la tête d’Oman et un ratio de près de 40% de victoires, l’entraîneur breton aspire probablement à passer un nouveau cap : ne plus simplement être un empêcheur de tourner en rond pour les gros, mais une équipe qui gagne des titres. Peut-être dès février 2016 avec la Coupe du Golfe au Koweït.
Par Nicolas Jucha