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Pau López : « Avec ma femme, on adore l’ambiance au camping »
Pour beaucoup de gardiens, prendre le relais de la légende Steve Mandanda à l’OM avait tout d’un traquenard. Pas pour Pau López. À 28 ans, le portier espagnol traverse une deuxième saison réussie à Marseille, une ville qu’il ne se voit pas quitter de sitôt.
Ce dimanche, vous allez à Lyon pour conserver votre deuxième place. Tu es confiant dans ce sprint final ?
On travaille pour ça, non ? La fin de saison va être difficile, avec beaucoup de matchs contre des équipes solides. On y va avec la détermination nécessaire, puisque chaque match sera une finale. Contre Lyon, c’est d’ailleurs comme un derby. Jusqu’ici, on a perdu beaucoup de points à la maison, c’est dommage. Peut-être que certaines fois on méritait mieux, que d’autres on a mal joué. C’est vraiment difficile d’expliquer ça. On parlerait peut-être d’autre chose aujourd’hui…
On parlerait de titre ?
Non, non, non ! Mais on aurait de l’avance pour la deuxième place… C’est comme ça. Dans un championnat, de toute façon, tu finis toujours à la place que tu mérites. C’est vrai que là, on va affronter de grandes équipes à l’extérieur (Lyon, Lens et Lille, NDLR), mais à la maison, celles qui viendront auront aussi des choses à jouer. Chaque match sera plus difficile que le précédent vu qu’on se rapproche de la fin. Mais pour l’instant, on est deuxièmes avec notre destin en mains.
Tu t’apprêtes à finir ta deuxième saison ici. Il y a quelques mois, tu disais que tu étais « redevenu heureux » à Marseille. Pourquoi ?
Déjà parce que je suis très content de ma saison. J’ai fait mieux que l’année dernière et puis, je me sens très, très bien ici. Je sens que le président, Javier (Ribalta, le directeur du football de l’OM, NDLR) et le coach ont confiance en moi. Je me sens bien dans la ville, avec les fans. Depuis mon arrivée, j’ai une connexion particulière avec cette ville. L’an passé, pourtant, Mandanda était encore là, et je savais que ce serait compliqué pour moi de jouer puisqu’il était numéro un. Ma famille se sent bien également à Marseille, notamment mes enfants. J’avais peur qu’ils vivent mal ce nouveau déménagement, et aujourd’hui, les deux plus grands parlent déjà français avec un accent parfait ! C’est extraordinaire. Je profite de chaque moment ici, de l’ambiance, du stade, même des matchs à l’extérieur, car dans le football, c’est difficile de prédire l’avenir.
Cette ferveur, tu la connaissais avant de venir à Marseille ? Parce que tu as déjà joué dans des clubs chauds avec le Betis et la Roma.
Oui, mais ici c’est encore plus chaud. J’aime beaucoup ces clubs comme le Betis, la Roma ou l’OM, parce qu’il y a beaucoup de ferveur. C’est l’essence même de ce sport. Il faut s’intéresser aux supporters, à l’histoire du club pour la comprendre : « Pourquoi ces supporters s’intéressent-ils tant à leur équipe ? Pourquoi la pression existe dans ce stade précisément ? » Tu comprends pourquoi il y a toujours 60 000 personnes au Vélodrome quand tu écoutes les gens et leurs sentiments. La différence avec l’Espagne par exemple, c’est qu’on trouve ces nombreux supporters même en déplacement. Forcément, je ne me vois pas jouer dans un autre club en France, parce que n’importe quel autre club serait moins bien que l’OM. Maintenant, j’ai pris l’habitude de jouer devant beaucoup de public à chaque fois. Pourtant, l’ambiance du stade ou la ferveur n’a jamais été un critère dans mes choix de clubs. Mais j’ai toujours été bien servi. Là, j’ai 28 ans et j’ai presque réalisé tout ce que je voulais faire dans le football, donc je profite de chaque instant ici. Je n’ai rien d’autre en tête que l’OM. Je ne partirai pas d’ici, parce que j’ai tout ce dont j’ai besoin, sauf si le président et le coach me le demandent. Après la pression que j’ai vécue à Rome, je profite (López avait notamment été pris en grippe par les supporters après une erreur dans le derby contre la Lazio, le 26 janvier 2020, offrant le nul aux Biancocelesti 1-1, NDLR). Même si jouer à l’OM, c’est aussi une lourde responsabilité à porter. C’est normal, ce club le mérite.
Quand tu es arrivé, tu étais en concurrence avec Steve Mandanda qui est une légende à l’OM. Comment as-tu géré cette concurrence ?
Je savais que ce serait compliqué. Ça dépendait aussi beaucoup de Steve, mais il a été super avec moi. Il m’a rendu les choses faciles. Il aurait pu s’agacer, agir autrement, mais pas du tout. Moi, j’essayais surtout de bien m’entraîner, de ne pas le déranger et de comprendre la situation. Steve est une belle personne, je le respecte beaucoup. Le coach faisait ses choix, on a alterné dans la saison et on a réussi à terminer deuxièmes.
Entre gardiens, vous avez une connexion spéciale, différente du reste du vestiaire ?
Oui, c’est obligé ! On passe beaucoup de temps ensemble, on partage tout. Dans le champ, si tu n’aimes pas un joueur, tu peux en privilégier un autre et ne pas parler à ceux que tu n’aimes pas. Chez les gardiens, ce n’est pas possible. On fonctionne à trois. Cette saison aussi, ça se passe super bien avec Rubén et Simon. Et c’est pour eux que c’est le plus dur, parce qu’ils veulent forcément jouer plus. Mais ils me soutiennent tout le temps. C’est simple : le deuxième gardien, c’est la personne qui détermine l’ambiance dans le groupe. C’est lui, le curseur. Parce que c’est toujours facile d’être souriant quand tu joues, mais l’être quand tu ne joues pas…
Cette année, tu joues beaucoup plus bas et tu touches aussi beaucoup moins de ballons. C’est frustrant ?
Ce n’est pas grave non, c’est le coach qui le demande. Tudor me demande autre chose que Sampaoli, et le football c’est toujours pareil : s’adapter à ce qu’on te demande. Je l’écoute parce que je veux jouer, faire de mon mieux. À la fin, l’important c’est de gagner, pas de savoir si j’ai fait 5 passes ou 150.
Votre parcours en Ligue des champions ainsi qu’en Coupe de France s’est avéré décevant. Qu’est-ce qui était le plus dur à digérer ?
(Il coupe.) Le pire, c’est l’élimination en Coupe de France. Je n’avais jamais ressenti ça. C’est la pire sensation que j’ai eue sur un terrain de football. On venait de battre Rennes, Paris, et là, on sort contre Annecy, à la maison. C’était très dur. On savait que le public espérait un truc important en Coupe de France cette année et nous aussi. Franchement, c’est la pire émotion que j’ai connue…
Pire que l’élimination en C4 l’an passé contre Feyenoord ?
Oui, parce que tu peux perdre contre Feyenoord. Mais en Coupe de France, avec cette ambiance dans le stade, contre une équipe de Ligue 2… C’est dur. Avec tout le respect que j’ai pour Annecy, qui a évidemment mérité sa victoire, j’étais triste. En Ligue des champions, ce n’était pas évident non plus, mais à la limite, tu joues contre Tottenham, ça se comprend.
Tu as déjà connu des moments difficiles dans ta carrière, en passant notamment un an sans jouer à Tottenham. Pourtant, tu dis y avoir beaucoup appris. Comment apprend-on sans jouer ?
Je vais vous expliquer. Quand je signe professionnel à l’Espanyol, en 2014-2015, je joue dix matchs. Ensuite, j’enchaîne sur une première saison complète. Étrangement, je sentais qu’au niveau mental, je n’étais pas prêt pour évoluer à ce niveau. Je faisais trop d’erreurs, j’étais irrégulier. Dans le même temps, Mauricio Pochettino me demande en prêt comme troisième gardien à Tottenham et me propose d’éventuellement signer en fin de saison (ancien joueur de l’Espanyol, Mauricio Pochettino échangeait beaucoup avec son ancien club concernant le recrutement de jeunes joueurs, NDLR). J’ai accepté parce que là-bas, il y avait deux gardiens de calibre international : Hugo Lloris et Michel Vorm. Avec eux, j’ai progressé dans l’appréhension du jeu, dans l’analyse des situations, au niveau mental, et je savais même mieux utiliser mes jambes après ce passage là-bas. J’ai un peu tout compris, finalement. La semaine, je m’entraînais avec Hugo et Michel et je faisais des matchs en U21 le week-end. À mon retour à l’Espanyol, mes performances s’en sont ressenties. Je suis devenu régulier, j’ai pu signer au Betis et être convoqué en sélection dans la foulée. Lors de mon départ pour Londres, tout le monde se moquait et disait que j’étais parti en Erasmus ou en vacances. Quand je suis revenu, le discours était : « Oh putain, il a changé. » C’était difficile de partir en sachant que je ne jouerai pas le week-end, mais c’est la meilleure décision de ma carrière.
Si partir à Londres était la meilleure décision de ta carrière, quelle était la pire ?
La manière dont j’ai quitté l’Espanyol. C’est toujours mon plus grand regret. (Les fans l’Espanyol lui ont reproché de ne pas avoir prolongé, puis d’avoir ensuite signé au Betis, NDLR.) Durant cette dernière saison, beaucoup de gens ont donné leur avis sur ma situation, si j’allais rester ou pas. Moi je les ai laissés parler, sans intervenir. À force d’entendre certaines choses, j’ai fini par me frustrer et quitter le club brusquement, sans prendre le temps de remercier tout le monde. C’est le club de mon enfance, qui m’a donné la possibilité de jouer à ce niveau et je pense avec le recul que c’était une erreur d’avoir agi de la sorte.
Justement, tu supportes l’Espanyol depuis toujours, là où beaucoup de Catalans choisissent le Barça…
Mais c’est facile de supporter un club qui gagne toujours ! De toute façon en Espagne, on supporte le Real Madrid ou le Barça selon leurs succès. Moi, je me retrouve plus dans l’ADN de l’Espanyol qui est un club de « proximité », c’est aussi une histoire familiale qu’on se transmet. En ce moment par exemple, le club est en difficulté et ça me touche beaucoup. Une nouvelle descente serait très dure à vivre pour tout le monde.
Puisqu’on parle de Catalogne, parle-nous de Sant Esteve de Llémena, le petit hameau montagnard d’où tu viens ?
Il y a plus de vaches que d’habitants ! (Rires.) C’est niché au centre des montagnes, et mes parents y vivent encore. Je suis l’enfant du milieu dans une fratrie de cinq : deux frères, une sœur et une autre que mes parents ont accueillie, puisqu’ils étaient famille d’accueil. Pour nous occuper, on faisait énormément de sport. Bon, je ne faisais pas beaucoup de vélo, mais je jouais pas mal au basket. Même notre école était située dans le village juste à côté. J’y ai d’ailleurs rencontré ma femme à mes 14 ans. C’est vous dire toutes les années qu’on a passées ensemble !
Tu as toujours eu ce caractère serein ?
C’est vrai que depuis petit, je m’énerve assez rarement. Du moins, j’ai appris à surtout être calme dans les mauvais moments. Quand tu es gardien, c’est d’abord dans la tête que tout se joue. Techniquement, tu ne trouveras pas beaucoup de différences entre un gardien de Ligue 1 et un gardien de Ligue 2. C’est le mental qui change tout. Ce calme, on le tient aussi un peu de famille. Sauf peut-être mon petit frère, qui est un peu plus fou.
À t’entendre, tu n’as jamais fait de bêtise. Même ta première voiture de joueur professionnel, c’était une Polo…
C’est vrai ça ! Aujourd’hui, c’est la voiture de ma sœur. Je l’ai achetée à mes 18 ans pour 6 500 euros ! Je me souviens qu’en arrivant avec en équipe première, tout le monde s’est moqué de moi. Ils me disaient : « Mais change ce truc ! » C’était hors de question. Je n’ai été obligé de changer de voiture qu’après la naissance de ma fille, en achetant un Monospace. Sinon, les voitures, le matériel je m’en fous. Regarde, je n’ai même pas de montre.
Qu’est-ce qui t’intéresse, du coup ?
J’aime beaucoup aller manger au restaurant. Sinon, j’ai des centres d’intérêt normaux : cinéma, théâtre, séries avec ma femme. Récemment, j’ai regardé la série documentaire de Netflix sur l’avion de la Malaysia Airlines. C’est fou, ce truc ! Je m’occupe aussi de l’éducation de mes enfants, ce qui n’est pas toujours facile, notamment quand tu as la possibilité de faire des choses que peu de gens peuvent faire. Donc je leur explique qu’on a de la chance, qu’il faut en être conscient, mais que la vie n’est pas facile. Il y a beaucoup d’argent dans le sport, mais ce n’est pas parce que je suis footballeur et bien payé que je vaux plus que vous qui êtes journaliste ou quelqu’un d’autre. Chacun fait le travail qu’il veut, et surtout, qu’il peut.
On a compris que tu ne paniquais pas souvent. Mais comment as-tu réagi au moment de changer ta première couche ?
Que c’était compliqué ce jour-là ! Je me souviens que mon aînée Mia est née à 20 heures. Nous sommes restés à l’hôpital toute la journée, sans dormir. Au moment où je m’endors, la sage-femme arrive, allume la lumière et me dit : « Allez le papa, c’est l’heure de la première couche ! » Il était 4 heures du matin ! Je dormais à moitié, je ne comprenais rien à ce qu’il se passait. Attention, je l’ai fait hein, mais c’était le chaos. Par contre, aujourd’hui pas de problème, je le fais très bien. (Rires.) Mais vraiment, devenir papa, ça change la vie. En plus, moi c’était jeune, à 24 ans. Sans t’en rendre compte, le football passe au second plan, et le bien-être de ta famille devient la priorité absolue. Avant, faire une erreur dans un match était la pire chose qui soit à mes yeux. Maintenant, je relativise directement, car je sais qu’il y a beaucoup plus important que le football. Même après l’entraînement, ça t’aère l’esprit, tu penses tout de suite à autre chose.
Tu dis avoir atteint tous tes objectifs sportifs. Mais tu n’as pas beaucoup porté le maillot de la Roja…
C’est comme ça, j’ai joué un petit peu (deux sélections en 2018 et 2019 face à la Bosnie et Malte, NDLR), après on m’a dit que d’autres gardiens seraient appelés. Je respecte ces décisions, ça ne me préoccupe pas. Je reviendrai peut-être un jour en sélection, mais sincèrement, je n’y pense pas plus que ça. La sélection de Catalogne ? Il y a des matchs amicaux en fin de saison, mais c’est difficile parce qu’on doit partir en vacances.
Tu as déjà réservé tes vacances ?
Tout est planifié : on va d’abord faire une semaine de camping en Espagne, parce qu’avec ma femme, on adore l’ambiance au camping. Ensuite, on bouge à Orlando pour les enfants, avec les parcs d’attractions, et on termine par un séjour aux Bahamas pour se reposer un peu. J’avoue qu’avec les enfants, c’est compliqué de se reposer, impossible même. On rentrera ensuite en Espagne avant le début de saison.
Un footballeur au camping, ce n’est pas courant… Tu as vu le film français à ce sujet ? C’est avec Franck Dubosc, et c’est culte.
(Intrigué.) Sérieux ? Je ne connais pas, mais je vais regarder ! En fait, le camping est une idée de ma femme, car elle en faisait étant petite et souhaitait y retourner. Moi, j’y suis allé vraiment dans un esprit de découverte et franchement j’ai beaucoup aimé l’ambiance de petit village. C’est top. Bon, par contre on ne dort pas en tente, on prend un mobile home. Pas de camping intégral pour nous. (Rires.) On aime bien la vie dans le camping, aller chercher ses courses à vélo et tout ce qui suit. En plus, en Espagne je passe encore incognito. Ce qui n’est plus le cas à Marseille.
Propos recueillis par Adel Bentaha et Adrien Hémard-Dohain, à Marseille