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Patrick Regnault : « Des salariés vont rester sur le carreau… »
La sentence est tombée ce mardi : le CS Sedan-Ardennes, d’abord condamné à une relégation en National 2, a finalement été envoyé en Régional 1 par la DNCG. Patrick Regnault, emblématique gardien de but sedanais pendant dix ans et notamment lors de la finale de Coupe de France 2005, a l’estomac noué par cette rétrogradation administrative.
Quel est le sentiment qui prédomine au lendemain de l’annonce ?
J’ai surtout – et je répète bien surtout – une pensée pour les supporters. Ce sont eux qui vont faire vivre le club désormais. De mon côté, je suis un peu mitigé car on s’est maintenu sportivement, c’était plutôt bon signe. Pour la suite, il ne peut y avoir que de la déception et elle est immense. Des salariés vont rester sur le carreau donc il faut aussi penser à eux.
Comment est perçue la situation dans la région ?
Il y avait beaucoup d’espoir jusqu’à hier. Depuis hier soir, par contre, on a le sentiment de s’être fait berner. Sur les réseaux sociaux, j’ai vu beaucoup de supporters revenir sur terre avec ce goût amer. Sur le coup, c’est le sentiment de la colère qui ressort. Après, je pense qu’il faudra creuser un peu plus pour vraiment comprendre ce qu’il s’est passé.
Chez toi aussi, c’est la colère qui ressort ?
J’ai plutôt un sentiment de gâchis. Sedan ne doit jamais être en R1, ça, c’est une certitude. C’est une vraie terre de football, il y a une âme. Il y a des gens qui ont contribué à l’histoire de ce club. J’ai peur qu’elle se termine très mal. Je n’ai pas d’accroche particulière avec le président du CSSA, mais je préfère penser aux salariés et aux supporters. On leur retire violemment leur travail ou leur bien-être du week-end.
Pour quelqu’un qui a marqué cette grande histoire, ça fait mal de voir la façon dont est géré le club ?
Je ne peux pas me substituer au président, je n’ai pas les capacités et le rôle pour le faire. J’ai connu Pascal Urano à ce poste et je peux dire que c’était une vraie pointure. J’ai connu un président que je respecterai à jamais dans ma vie, et c’est lui. C’est facile de dire maintenant que le club a été mal géré par la suite. Je dis souvent que Marc Dubois a sa vérité et qu’on a la nôtre, sans forcément tout savoir. J’ai toujours dit ce que je pensais, sans avoir ma langue dans la poche, et peut-être que ça n’a pas plu à certains. En tout cas, je me souviens que ça ne marchait pas trop mal quand il y avait les deux frères Dubois, Gilles et Marc. Je pense que c’est parce que Gilles aimait vraiment le football et qu’il savait comment ça fonctionnait.
Pas Marc ?
Je n’ai jamais eu de contact avec lui, et on ne m’a jamais ouvert la porte du club, donc je ne connais clairement pas son rapport à la présidence.
Au moment de ton départ en 2009, sentais-tu déjà le vent tourner et la dégringolade arriver ?
Non, pas du tout ! Quand j’ai arrêté ma carrière, il n’y avait vraiment aucune indication sur le fait que ça pouvait s’arrêter du jour au lendemain. Tout ce que Pascal Urano avait promis a toujours été tenu. Aucun président ne fait ça pour s’enrichir, j’imagine que Marc Dubois a perdu beaucoup d’argent aussi. Mais à un moment, quand on n’a plus rien à mettre dans le club, ça ne peut pas marcher.
La situation est-elle la même qu’en 2013, quand le club avait été placé en liquidation judiciaire et rétrogradé en National 3 ?
Pour moi, elle est complètement différente. Déjà, à l’époque, je trouve que ça avait été bien mieux expliqué, bien plus clair. On n’est évidemment qu’au lendemain de l’annonce, mais j’ai l’impression que tout est plus flou. Je suis assez pragmatique, je ne crois que ce que je vois, donc je vais attendre la suite en espérant qu’on nous en dise plus. Mais je pense que la différence entre National 3 et Régional 1 est immense. Les deux sont amateurs et il n’y a qu’une division d’écart, mais, en réalité, c’est un monde. Il n’y a que très peu de perspectives pour remonter aussi haut.
Marc Dubois s’est dit prêt à quitter le club pour laisser place à des repreneurs. Est-ce la bonne solution pour tenter de remonter rapidement les échelons ?
J’ai vu l’information, mais je suis sceptique. Je pense qu’il peut y avoir des investisseurs parce que l’histoire de Sedan est quand même attirante, c’est un club qui parle à beaucoup de monde aux alentours. Par contre, à ce niveau-là, j’ai peur qu’il n’y ait pas grand monde qui toque à la porte. Le « vrai » monde amateur, c’est très compliqué. Comme je viens de le dire, la R1, c’est un tout autre monde… J’espère qu’il y aura toujours nos supporters. On va sûrement avoir le plus grand stade de France dans cette division.
Ça suffit à garder le sourire ?
Mon sourire est pathétique. Je suis désabusé plus qu’autre chose, je suis triste. Le CSSA rendait tout le monde heureux ici, mais maintenant on est triste en voyant l’état du club. Après la colère vient la tristesse et, ensuite, on sera sûrement résigné. J’attends surtout la prochaine phase : soit on lâche complètement le club, soit on se retrousse les manches et on tente d’aider le club en le supportant comme avant.
En as-tu déjà discuté avec tes anciens coéquipiers sedanais ?
L’annonce a été assez tardive hier, donc je n’en ai encore parlé à personne. Finalement, même en 2012, je n’avais pas énormément évoqué la situation, j’avais déjà coupé. Je vais sûrement avoir des échanges rapidement avec certains de mes anciens coéquipiers.
L’idée de se retrousser les manches ne te pousse-t-elle pas à t’investir au sein du club ?
Je suis et j’ai toujours été très fidèle, en amour comme en amitié. Je suis actuellement entraîneur de l’Olympique de Charleville-Mézières et ne compte pas quitter le club maintenant. Je ne vais surtout pas intégrer le CSSA maintenant alors qu’on ne m’a jamais intégré auparavant. Je ne ferai rien de plus que de supporter le club tant que je n’ai pas eu de discussions entre quatre yeux avec Marc Dubois.
Propos recueillis par Enzo Leanni