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« Appelez 20 coachs, 19 d’entre eux ont déjà reçu des menaces ou des insultes par message »
Dans la nuit du 28 au 29 octobre dernier, deux voitures appartenant à des éducateurs de l’US Colomiers en Haute-Garonne ont été brûlées en pleine nuit. Ancien pro à Istres et Gueugnon, actuel directeur technique du club, Patrice Maurel se confie sur l’évènement qui a secoué le monde du football amateur et pointe le comportement des parents.
En tant que directeur technique du club, quelle a été votre première réaction au moment d’apprendre la nouvelle ?
C’est la stupéfaction. On a l’habitude de voir des problèmes au bord des terrains, que certains coachs sont parfois chahutés, mais en arriver à ce point-là… Cela me fait d’autant plus mal car ce sont des gens avec qui je travaille depuis de nombreuses années. L’incident de lundi dernier, c’est un sujet de JT ou le genre de reportages que l’on voit sur Marseille. Pour revenir sur les évènements, tout le monde a crû que les deux actes étaient dissociés. Même les deux coachs ne se sont pas appelés le matin même. Et c’est assez normal, puisque chacun a eu son problème de son côté, devaient appeler les assurances, etc. Ils ne s’en sont rendu compte que l’après-midi quand l’un à téléphoné à l’autre.
Quel rôle avez-vous eu auprès des autres membres du personnel ?
Nous sommes un club de football amateur donc par conséquent une association. On se voit très souvent. Il a d’abord fallu informer, puis expliquer calmement ce qu’il s’était passé, avertir que nous fermerons les portes du club provisoirement. C’est notre rôle au quotidien de les tenir au courant, de les appeler, de les voir pour essayer de les rassurer.
Les éducateurs touchés par cet incident s’occupent de la catégorie U11. Vous avez rencontré les enfants ?
Je n’en ai vu aucun depuis, puisque le club a fermé juste après les faits. Ils sont allés directement au tournoi à Bordeaux. Ensuite, il est évident que nous les verrons au moment où le club rouvrira (le 11 novembre, NDLR).
Selon vous, qu’est-ce qui aurait pu provoquer une telle réaction de la part des individus recherchés ?
Notre position est assez claire : nous ne sommes pas dans le jugement. Je suis dans le football depuis toujours, j’ai connu le monde professionnel… Et, même si j’ai une forme d’expertise dans ce milieu, nous n’avons pas les compétences pour régler ce type de problèmes. Nous avons juste vocation à protéger nos éducateurs, faire état d’une situation grave en prônant la communication. Le reste du travail est pour la justice. Une enquête est actuellement en cours.
Avant la semaine dernière, est-ce que vous avez perçu des comportements douteux autour de l’encadrement des jeunes ?
Je ne suis pas dupe. Je me rends bien compte que le foot crée de la frustration dès le plus jeune âge. C’est d’autant plus difficile à gérer quand les parents s’y mettent aussi. Mais l’enfant accepte d’être remplaçant et l’a toujours accepté. Les parents, eux, c’est une autre paire de manches. Aujourd’hui, trop de parents se plaignent parce que leur enfant est en équipe deux. Et ce problème est spécifique à tous les clubs. Si vous prenez votre téléphone et que vous appelez 20 coachs, je peux vous jurer que 19 d’entre eux vous diront qu’ils ont reçu des menaces ou des insultes par message.
Cet incident témoigne-t-il de l’environnement malsain dans lequel évolue la jeune génération ?
Ce qui s’est passé est gravissime, mais il faut tempérer. Nous, on a rarement des problèmes avec les enfants au sein de notre club. Ils aiment le foot de la même manière que ma génération quand nous étions petits. Ce sont simplement les codes qui ont changé. La génération actuelle s’identifie à d’autres choses et c’est tout à fait normal. Les parents font le raccourci entre la réussite des stars et le parcours de leur enfant. Derrière, il y a trop de pression dans l’air.
Propos recueillis par Aurèle Toueille