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Patrice Lair : « Autrement plus difficile qu’en 2011 et 2012 »
Trois couronnes continentales de rang, jamais une équipe française d'un sport collectif majeur n'a réussi un tel exploit, aujourd'hui à la portée des féminines de l'OL. Avant d'affronter Wolfsburg à Stamford Bridge en finale de C1, l'entraîneur lyonnais Patrice Lair a accepté de nous parler de son groupe, mais aussi de son amour pour le foot allemand. Masculin comme féminin.
Patrice Lair, il vous reste trois rencontres à jouer cette saison, dont la finale de Ligue des champions jeudi, et celle de Coupe de France, le 8 juin. Pour que votre saison soit réussie, ce sont précisément ces deux rendez-vous qu’il ne faut pas rater…C’est surtout celle de Champions League qu’il ne faut pas rater. Bon, la Coupe de France, ce n’est pas prioritaire. On se devait d’absolument la gagner l’an passé, car c’était la première avec l’appellation Coupe de France. Mais là, c’est surtout la Coupe d’Europe qu’il nous faut prioritairement.
L’OL féminin reste sur un triplé et une incroyable dynamique, ce qui lui confère en quelque sorte l’obligation de tout rafler. Cette obligation de résultat permanente, n’est-ce pas aussi une condition sine qua non pour la pérennité du projet lyonnais ?Je pense que ça représente surtout beaucoup pour le football féminin français. Avoir cette équipe, « ambassadrice » en quelque sorte, c’est bien, mais il faut qu’elle reste à haut niveau pour que cela soit profitable à tout le football féminin de notre pays. Et aussi à l’institution lyonnaise et son rayonnement, c’est certain. Si on perd ? Ce ne sont pas des doutes qui s’installeront, ça sera plutôt un moyen de voir si nous sommes capables de rebondir aussitôt après. Aujourd’hui, nous sommes déjà qualifiés pour la prochaine édition, tout le monde ne peut pas en dire autant. Et puis dans ma tête, j’ai enlevé cette idée de défaite depuis un certain temps déjà, ce qui n’empêche pas de rester vigilant.
L’heure n’est pas encore à la passation de pouvoir, mais on a l’impression que malgré la domination et le jeu déployé par vos filles, toutes ces couronnes sont plus dures à aller chercher cette année, notamment au vu des polémiques allumées ces dernières semaines…Non non, je ne crois pas. La saison dernière, nous avons concédé des nuls en championnat. L’important, c’est surtout de ne pas perdre. Un championnat, ce sont de longs mois de compétition. On jouera bientôt à Rodez pour aller chercher notre 22e victoire en championnat sur 22, ce qui serait quelque chose d’énorme. Après, c’est vrai qu’on dérange car on forme un club professionnel, un club qui a des moyens. Mais Paris en a plus que nous.
Être la grosse bête que toute l’Europe veut abattre, c’est un formidable moteur, non?Ouais c’est sympa, c’est une bonne adrénaline. Et puis je préfère ma position à celles des autres, j’aime bien ce rôle là. Pour un entraîneur, ça démontre vraiment que les joueuses affichent un niveau international.
Justement, dans quel état se trouvent vos filles à l’heure actuelle ?On a travaillé lundi, c’était moyen. Ce matin, nous sommes allés sur la plage, où on a fait un toro et une balle au prisonnier. Nous avons fait le choix de nous installer en Bretagne comme il y a deux ans, pour se rapprocher des conditions londoniennes. Après, même dans la préparation, il y a des hauts et des bas. Mais j’aime bien ces ambiances plus tendues, avec des filles elles aussi plus tendues. C’est dans ces contextes hostiles que les grandes joueuses se dévoilent.
Et le président Aulas, comment est-il ?Je pense qu’il est tendu. Pour lui aussi, c’est important. Il s’agit de l’image de son club. Il fait tout pour qu’on reste dans le coup et qu’on garde ce trophée. On aimerait bien lui offrir une troisième fois d’affilée. Jeudi, il mangera et restera avec nous durant la journée. Et avant la finale, je vais faire la causerie et annoncer la composition, avant qu’il ne dise aussi un petit mot pour motiver un peu plus les filles, même si elles seront déjà à bloc.
« Je n’ai jamais été un grand partisan du Barça »
Ce dernier vous a fixé un objectif autrement symbolique avant cette finale : développer un jeu qui soit une référence chez les féminines, à la manière du Barça chez les hommes ces dernières saisons. Il aime bien les petits coups de pression JMA, non ?Alors d’abord, je n’ai jamais été un grand partisan du Barça car cette équipe demeure limitée au niveau athlétique à certains moments. Ça s’est vérifié avec la victoire du Bayern et j’ai tendance à plutôt être adepte de cette alternance jeu long – jeu court et cette complémentarité entre les grands, les petits, les physiques, les techniques, etc.. Le football allemand démontre une vraie identité. C’est plus que de la simple puissance. Il y a beaucoup de technique et un beau fonds de jeu derrière. Pour moi, c’est ça la référence. Après, de notre coté, pour être performant, bien sûr qu’il faut un beau fonds de jeu et des qualités physiques, techniques, tactiques, etc. Je prône un jeu offensif, mais l’idéal est d’être capable de jouer de différentes façons et d’offrir une certaine harmonie jeu long – jeu court. Mais de là à devenir une référence…
Votre adversaire de jeudi, Wolfsburg, vous fait-il peur si on tient compte du fait qu’il a déjà signé le doublé dans son pays et atteint la finale de C1 pour sa première participation ?Oui, c’est une très bonne équipe, à mon avis meilleure que le Turbine Potsdam (NDLR : finaliste C1 2011), qui était dans le registre de la puissance, ou de Francfort (NDLR : finaliste C1 2012), qui s’appuyait plus sur des individualités. Là, on a affaire à un vrai collectif, qui a survolé le championnat allemand, qui est la référence dans le monde. On va rester favoris comme le trophée est encore en notre possession, mais ça sera autrement plus difficile qu’en 2011 et 2012. Il y a en face un 4-4-2 de qualité, qui joue en zone, à plat. C’est performant derrière (NDLR : meilleure défense d’Allemagne), on retrouve des milieux qui harcèlent bien. Puis offensivement, sans citer de nom, on retrouve des joueuses de qualité internationale (NDLR : meilleure attaque).
L’une des armes de Wolfsburg sera son avant-centre internationale, Conny Pohlers, qui a marqué à 42 reprises toutes compétitions confondues cette saison. Malgré tout, au vu de son potentiel, l’OL doit avant tout se concentrer sur sa performance et son rendu plutôt que l’allure de son challenger pour l’emporter de nouveau, non ?Ça a toujours été mon leitmotiv. Si nous sommes capables d’imposer notre jeu, tout en gardant un équilibre hein, on a le potentiel international et la capacité de l’emporter.
Ces Allemandes bénéficient d’un projet et d’une politique volontaristes de la part du club pro, qui s’est aussi tourné vers le foot féminin. Un peu à la manière de l’OL, non?Oui, bien sûr. Derrière, il y a un gros groupe, Volkswagen. C’est un football ambitieux comme ce qu’on peut trouver dans une bonne partie de l’Allemagne. Et comme ce pays a déjà perdu deux fois en finale européenne contre l’OL, je crois qu’ils font tout pour changer la donne. Les clubs mettent les moyens, ont beaucoup d’argent, comme à Francfort, malgré sa saison ratée. La section du Bayern Munich arrive progressivement. C’est certain qu’on y trouve un football plus ambitieux et un championnat plus homogène, d’ou le fait de voir autant de finalistes allemandes depuis quelques années.
Si on élargit le débat, on se rend compte que la plupart des clubs champions dans les ligues féminines d’Europe s’appuient sur des structures professionnelles, si on prend votre cas, celui du Barça en Espagne, de Wolfsburg en Allemagne ou d’Arsenal en Angleterre. Peut-on encore réussir dans le football féminin sans tout ce que vous apportent ces structures ?À mon avis, c’est de plus en plus compliqué. Etre pro, ça permet évidemment aux filles de travailler et de répéter beaucoup plus les choses qu’on met en place. Elles sont aussi plus consacré à la récupération et à cette passion du ballon. Et quand on veut aller chercher des titres, et des joueuses de choix, il vous faut avoir un vrai projet de club, une ambiance. À Lyon, de ce côté-là, ça se passe pas trop mal. On réussit à garder nos joueuses, même celles à qui on a déjà proposé plus ailleurs, donc c’est bon signe.
Propos recueillis par Arnaud Clement