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Patrice Évra, perdu dans le multivers du foot

Par Nicolas Kssis Martov
4 minutes
Patrice Évra, perdu dans le multivers du foot

Patrice Évra a finalement annoncé aujourd’hui la fin de sa carrière. Beaucoup avaient sûrement oublié qu’elle continuait officiellement, derrière les polémiques, les vidéos, les réseaux sociaux et les procès médiatiques. Comment rendre grâce aujourd’hui à l’immense joueur qu’il fut, un pilier de Manchester United, détruit par la génération gâchée des Bleus ? Il faudra peut-être qu’un jour quelqu’un découvre l’un des secrets les mieux gardés du foot français.

Il devait être attaquant. Il fut un grand défenseur, atypique, stylé, puissant. Il a réduit en cendres des pelletées de jeunes prétentieux venus encaisser leur chèque en Premier League. Il fut immense en club, l’équipe de France le fit tomber dans son trou d’air dès le début des années 2010. Car le joueur semble aujourd’hui devenu fantomatique. Les recherches YouTube sont impitoyables : les Top 10 de ses déclarationss tapageuses, provocatrices ou maladroites noient sans problème en nombre de vues ceux de ses exploits sur le rectangle vert. Ce qui rend l’affaire encore plus douloureuse. Que Patrice Évra, taulier sur le terrain, n’ait désormais plus sa place dans notre mémoire collective que pour une saillie sur le « traître parmi nous » , ou pire encore, pour ses envolées douteuses d’après PSG-United. Que son but d’anthologie contre le Bayern de Munich en quarts de finale de Ligue des champions soit éclipsé derrière son Janus à la Jean-Claude Van Damme, entre délires mystiques au vocabulaire désordonné, si possible dans la langue de Shakespeare, et bagarre désarticulée façon Street Fighter avec un supporter phocéen.

L’EDF m’a tuer !

Les temps ont changé, le gamin des Ulis beaucoup moins. Il ne s’agit pas de rien excuser, on aimerait que tout ne soit pas oublié, les services rendus autant que les posts sur Instagram ou Snapchat. Certes, les grandes gueules n’ont plus la cote. Nous pleurons pourtant tous les joueurs trop lisses, l’eau tiède qui sert désormais de liquide amniotique à toutes les interviews. Bien sûr, tout le monde ressort les meilleures citations en noir et blanc de George Best. Raoul Diagne, grand fou du Racing Club de Paris, les « Pingouins » champions de France en 1936, se baladait avec un guépard en laisse dans sa voiture de sport. L’image est belle et l’anecdote fait joli. Seulement, la lenteur qui façonne les légendes n’est plus de mise. Le palmarès de Patrice Évra ne résistera pas longtemps à la digestion instantanée de ses écarts, de ses excès et parfois de ses raisons. Comment se souvenir de l’immense latéral, quand le provocateur s’exhibe « à l’insu de son plein gré » .

2010, fin du monde…

Et bien sûr, il y eut Knysna. Le mauvais rêve du foot tricolore est paraît-il désormais presque oublié. Purgé d’une seconde étoile par une nouvelle vague de gentils garçons qui ont eu la chance d’être là au bon moment. Serait-ce faire néanmoins offense à Benjamin Pavard d’expliquer qu’il y a peu de chances qu’il égale la carrière de l’ancien Monégasque ? Si ce n’est qu’en une reprise de volée, sa page Wikipedia l’a hissé au-dessus. Mais revenons à 2010. Tout ce qu’il a fait avant ou après aurait finalement pu passer en perte et profit : les clashs avec Pierre Ménès, les insultes entre anciens collègues, etc. La France reste jacobine. Y compris dans le foot. Rien ne surpasse la cape en bleu. Une banale affaire de vestiaires devint un drame national. Un capitaine dépassé, un marginal. Et il n’y eut pas un Euro salvateur en 2016 pour effacer l’ardoise et sceller la réconciliation. Comme d’autres, comme Karim Benzema le vivra sûrement, on n’égratigne pas facilement les symboles par chez nous.

Le regard porté sur Patrice Évra est fondamentalement révélateur de ce fait encore indiscutable. La France n’est toujours pas un pays de foot, même si on y joue au football, et qu’on en consomme beaucoup. Pourtant, il y aurait une tout autre histoire à raconter. Il aurait été tellement facile de détester Manchester united, ce géant d’alors qui dévorait tout, une sorte de Facebook du ballon rond. Mais il y a eu Cantona, souvent horripilant aussi d’ailleurs. Et puis Patrice Évra… La finale de 2008 contre Chelsea où il nous fit presque souhaiter voir pleurer Lampard. Et la manière dont il se vengea du racisme sans pudeur de Suárez, en grand seigneur, balle au pied. Bref. Souvenons-nous de cela, plutôt que d’un mec qui suce les pattes d’une dinde crue.

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