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Pascal Tagnati : « Filmer le foot a peu d’intérêt »

Propos recueillis par Thomas Andrei
Pascal Tagnati : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Filmer le foot a peu d’intérêt<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Le 20 avril sort au cinéma I Comete, premier long métrage de Pascal Tagnati qui dépeint « ce temps particulier » que constitue l’été dans un village corse. Au bal, au bar, au bord du lac, les protagonistes parlent de sexe, d’amour, d’argent, de la relation de la Corse à la France et forcément un peu de football. Rien de surprenant quand on sait que le réalisateur est un fan du GFC Ajaccio et de Manchester United.

Il y a deux scènes qui traitent de foot dans votre film : une discussion autour d’un café et un match sur un terrain en tuf. Pourquoi sont-elles dans le film ?Mise à part la politique, le football est le sujet le plus abordé en Corse. Au moins, majoritairement, par les hommes. Cela fait l’objet de débats envolés et passionnés. C’est un fait culturel. Traiter d’un été au village sans parler de foot, c’est passer à côté de quelque chose d’important dans la vie des gens.

Vidéo
Mise à part la politique, le football est le sujet le plus abordé en Corse. Traiter d’un été au village sans parler de foot, c’est passer à côté de quelque chose d’important dans la vie des gens.

Vous incarnez à l’écran le personnage de Théo, qui dit à ses amis, Greg et François-Régis : « Maintenant, ça ne veut plus rien dire. À une époque, tu regardais la Coupe d’Europe, tu avais le club anglais contre le club italien, tu avais une opposition de style et de culture. Maintenant, c’est quoi la différence entre United, City, Chelsea, le PSG et le Real ? » Pourquoi ce personnage pense-t-il ça ? Parce qu’il est le personnage le plus proche de ma personnalité. C’est un amoureux du foot. Il sent que tout se barre un peu en sucette, et le foot l’intéresse de moins en moins. C’est une réaction épidermique à sa passion. Il regrette cette époque à laquelle l’identité des clubs était plus marquée. On entend des discussions comme celles-ci régulièrement, en Corse. Cette conversation permet aussi de révéler la relation entre Théo et Greg. C’est un motif de dispute. Ils ont l’habitude de se disputer depuis qu’ils sont tout petits. Ils ne sont jamais d’accord. Et François-Régis, au milieu, essaie de tempérer. Même s’il est plus d’accord avec Greg. Greg est toujours un peu à côté. Il a un regard plus global sur le village, une certaine distance. Et il a la pertinence de relever que Théo est un Ajaccien qui supporte un club anglais. Ce qui est absurde.

Vous supportez vous-même Manchester United. Comment ça se fait ?Comme beaucoup de gens : Cantona. C’est Canto qui m’a fait aimer ce club, avec énormément de passion. D’abord, en étant un joueur génial. Il ne jouait pas au foot comme tout le monde. Puis par sa grande gueule. Le refus de l’injustice, quitte à dépasser les limites et se tromper. Le discours sur Henri Michel, je n’en suis pas fan, mais c’était une preuve de courage de ne pas s’écraser devant une institution. Une preuve un peu stupide, mais quand même. C’est un génie incompris qui a eu besoin de partir de chez lui pour qu’on le reconnaisse à sa juste valeur. Ce mec était incroyable. Puis il y a eu Ferguson. Puis l’histoire du club, la ville, la musique. Adolescent, Manchester était mon eldorado. Quand United gagne la Coupe d’Europe en 1999, c’est le fruit d’un long travail. Ferguson, comme on le sait, avait repris United quand ils étaient au plus mal. Cette équipe, c’était son visage. Une équipe qui ne lâche rien, très offensive, peut-être moins technique que d’autres, mais avec une certaine détermination, un fighting spirit.

Avant le match, l’entraîneur de foot commence son discours en disant qu’il y a plein de choses importantes : « Y a le sexe, y a l’argent. Mais l’amitié, en tout cas chez nous, c’est une des choses les plus importantes.[…]Ce qu’on va vivre, c’est quelque chose de grand, parce que vous êtes ensemble. Sur le terrain, je veux des frères. » Vous avez écrit ce discours ? Non. C’est de lui. C’est énorme. C’était un match entre l’équipe de Tolla, le village du film, et celle du village voisin de Bastelica, qui est un peu plus haut dans la vallée du Prunelli. Ils jouent quatre matchs dans l’été. Aller-retour, deux fois. C’est des équipes créées spécialement pour l’été. L’entraîneur s’appelle Louis Frassati. C’est une figure de Tolla, il s’occupe beaucoup des gosses l’été, il leur fait faire beaucoup d’activités, il est très investi dans le village. Il m’a beaucoup aidé. Il n’avait pas besoin de caméras pour faire un discours comme ça. C’est quelqu’un qui sait rassembler les jeunes. Même s’il s’agit juste de leur faire faire des sandwichs pour le méchoui. Ce qu’il dit, c’est fort. On est tombé sur un moment magique. Ce n’est pas voir des jeunes jouer au foot qui m’intéressait. Mais ce discours est précieux. Il dit beaucoup de choses sur le film. Il y a des valeurs très fortes dans ce qu’il dit, et ça m’a beaucoup touché. Pour moi aussi, l’amitié, c’est ce qu’il y a de plus fort. Dans le film, Théo et Greg se mettent les mains dessus, mais ils se réconcilient à la fin. Ils mangent une langouste ensemble. Ils passent à autre chose. Ça raconte de manière plus générale que, dans le village, il a beau y avoir des clans, des familles qui ne se parlent plus, il y a quand même un savoir-vivre. Les parents qui ne se parlent plus n’interdisent pas à leurs enfants de se fréquenter. Cela raconte quelque chose sur la communauté. Cette communauté a pas mal de défauts, mais ce qui prédomine, c’est des valeurs d’amitié et de groupe. J’aime bien montrer ce qui brille chez nous. Il n’y a pas que des gens qui se tirent dessus.

Comme un entraîneur, je prends des acteurs de différents âges, de différents parcours, des personnages très différents et je dois créer une harmonie.

Ce discours, c’est le genre de choses que ton entraîneur te disait ? C’est représentatif d’un entraîneur de foot en Corse ?Peut-être. À Bastia, je pense que Mathieu Chabert avait des discours comme ça. Brouard a repris un groupe qui était en mauvaise posture, mais qui était très soudé. J’aime aussi me projeter là-dedans en tant que metteur en scène. Comme un entraîneur, je prends des acteurs de différents âges, de différents parcours, des personnages très différents et je dois créer une harmonie.

Il est commun de dire que personne n’a jamais vraiment réussi à filmer le foot au cinéma. Comment ça se fait ?Déjà, parce que je pense que ça présente peu d’intérêt. Le foot, on le voit tout le temps à la télé. L’histoire s’écrit sous nos yeux. C’est compliqué de retranscrire ça dans une fiction. Dans le film, le terrain existe, mais on ne filme pas ce qu’il s’y passe. Même quand il est dans l’image, on est plus concentré sur le personnage de Lisandru ou celui de l’entraîneur en train de gueuler. Dans Le Fan de base (court métrage sorti en 2017 sur un Ajaccien qui part à Manchester suivre United, NDLR), on est au stade Ange-Casanova (du GFC Ajaccio, NDLR). On filme le terrain pour voir le score, mais le contre-champ est tout de suite sur le personnage, qui comprend qu’il s’est emplâtré dans son pari sportif. Je préfère filmer le contre-champ. Ensuite, si tu filmais plus que des highlights, que tu mettais en scène la totalité d’un match, ça pourrait être intéressant. Mais voir juste une scène de foot, juste une action, ça ne raconte pas grand-chose. Il marque à la fin : « Hourra ! On a gagné ! » Quand on filme ça, on ne filme pas le foot, mais seulement un levier de l’histoire. On pourrait aussi suivre une équipe au quotidien, mais on aurait quand même tendance à raconter la vie des joueurs plutôt que ce qui se passe sur le terrain. Si je veux avoir des émotions avec du foot, je regarde un match, pas un film.

On parle beaucoup de la Corse actuellement. À quel point le foot a-t-il dicté la vision que les Français se font des Corses, selon toi ?Pas tant que ça, mais ça alimente une vision. Avec la question corse, tout participe. À chaque évènement, nous sommes regardés à travers le prisme du Corse violent, du Corse rebelle. C’est fort dommage, parce que l’histoire est bien plus complexe que ça. Au foot, les Corses sont considérés comme des espèces de barbares. On dit que c’est bien fait pour nos gueules quand nos clubs sont relégués. En Corse, il y a évidemment des événements qui sont à bannir. Mais j’ai fait beaucoup de stades et je pense c’est en Corse que j’ai vu le moins de violence. Le Nice-Marseille, c’était aussi des Corses ? Le football a complètement explosé. Les ultras ont trop de pouvoir. Certains vivent une vie par procuration, mais dans l’excès. Aujourd’hui, dès que des ultras ne sont pas contents, ça casse, ça frappe, ils se battent entre eux, ils arrachent les sièges et se les jettent dans la gueule. Des arbitres se font démonter dans des matchs de district. À Paris, à Marseille, à Lyon. C’est la guerre civile. Pourquoi pas, mais j’ai du mal à comprendre pourquoi on pense qu’on est plus violents en Corse qu’ailleurs. Mais ça leur plaît de penser qu’en Corse, il y a une certaine violence. Dans les stades comme ailleurs. Ça leur plaît de penser que le Corse est comme ça. J’ai mis des années à comprendre pourquoi des gens me craignaient. Pourtant, je ne joue pas du rapport de force. J’ai dû me battre trois fois dans ma vie. Ils me jugeaient sur ma façon d’être. Ma façon de parler. Ma franchise. On met tout ça sur le dos d’une charge de violence. Mais ce n’est pas de la violence, ça s’appelle de la passion. Va parler avec les Italiens du Sud ! Quand ils te parlent, même s’ils sont contents, tu as l’impression qu’ils vont te gifler. La violence n’est pas propre à la Corse. Elle est généralisée. Donc il faudrait un peu laisser les Corses tranquilles.

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Propos recueillis par Thomas Andrei

Photos : Louis Maurel pour SO FILM / IconSport / Lotta Films.

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