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« On sera tristes si Saint-Étienne ne monte pas, mais ça ne changera rien à notre soutien »
Auteur de La Vie en vert, Pascal Pacaly revient avec un second tome et la volonté de donner la parole aux ultras d’un club mythique du championnat de France : l’AS Saint-Étienne. Une manière de revisiter la ferveur stéphanoise avant un barrage d’accession à la Ligue 1 contre Metz qui s’annonce bouillant.
Quelle a été la genèse de ce projet, qui est prolongé avec un second tome ?
Je suis un pur produit de l’ASSE, je vais au stade depuis que j’ai 10 ans, je suis né à cinq kilomètres de Saint-Étienne et j’ai remarqué qu’il manquait un livre qui mêle le côté sociétal et le côté sportif, le tout en ayant un regard vers l’histoire. Ce tome m’a pris deux ans, j’ai rencontré des groupes de supporters, des anciens joueurs, des personnalités… Je voulais raconter l’histoire et le quotidien des supporters de ce club si spécial. Par exemple, un de mes témoignages, c’est Aimé Jacquet qui travaillait dans une aciérie à Saint-Chamond, juste à côté de Saint-Étienne. Pour se rendre à l’entraînement, il devait prendre de multiples moyens de transport. C’est pour montrer que même les personnes qui ont ramené la première étoile sont parties de ce quotidien-là. L’important dans ce tome, c’est la sociologie stéphanoise.
Est-ce qu’on peut dire que Saint-Étienne est un des derniers clubs représentant du foot populaire en France ?
Ce qui nous frappe, c’est que tout le monde connaît Saint-Étienne. Grâce à l’épopée de 1976, ça a marqué les générations, il y avait des dizaines de millions de téléspectateurs devant les matchs, et comme en plus ça gagnait, ça a permis d’établir une grande notoriété. On était le centre de la France, tout le monde nous aimait. Maintenant, il y a des clubs comme Paris, Marseille, qui sont très clivants, mais nous, on échappe un peu à ça. C’est vrai qu’on est un peu l’anti-football business, les gens sont surpris quand ils viennent au stade pour la première fois, ils apprécient l’ambiance, des gens qui viennent des quatre coins de la France ! De Toulouse, du Nord de la France, et même de Glasgow pour le match de jeudi ! Cet engouement, ça montre que Saint-Étienne est vraiment populaire. La ferveur reste là, malgré des résultats sportifs moyens.
Tu as pu t’entretenir avec divers groupes d’ultras, habituellement silencieux. Qu’est-ce que tu en retires ?
J’essaie de montrer une nouvelle facette des ultras. On a vu le mauvais versant lors de PSG-Lyon, mais à côté de tout ça, ils peuvent aussi faire des bonnes choses. Ils font des dons pour les hôpitaux, ils montent des opérations avec des associations caritatives, mais malheureusement on ne parle que des affrontements, les mauvais côtés des ultras. Ce qui ressort de mes entretiens, c’est l’amour du groupe, du club et de la ville. De la communauté. Ils sont tous amis, solidaires les uns envers les autres. Au sein de ces groupes, il y a aussi un souci d’éducation, quand on donne des responsabilités à un gamin de 14 ans pour être capo le temps d’un match. Au lieu de traîner dans la rue, ça les fait grandir, mûrir. Il y a des liens forts entre eux, quand ils se soutiennent, c’est sincère et vrai.
On sent la volonté de rétablir une certaine image des ultras…
Oui, parce qu’il y a une certaine hypocrisie à leur propos. On le voit surtout sur les réseaux, quand il y a des problèmes, tout le monde tape sur les ultras, c’est le nœud du problème, mais quand on met l’ambiance, quand il y a des superbes tifos de réalisés, quand les fumigènes sont craqués, tout le monde les prend en photo, et là les ultras sont géniaux. Alors je voulais appuyer sur les bons côtés, même s’ils peuvent être têtus, surtout sur la question des fumigènes !
Parlons du sportif, en tant que supporter, comment tu as vécu toutes ces dernières années ?
Je trouve que c’est dur, et même s’il y a des guerres d’égos au niveau de la présidence, on reste quand même derrière le club et on n’a pas tous les tenants et les aboutissants de ce contexte. Sportivement, on n’est clairement pas là où on devrait être, on est un club qui a sa place en Ligue 1, on espère une nouvelle dynamique.
On parle d’un nouveau repreneur…
Oui c’est vrai, mais la complexité pour les possibles repreneurs, c’est qu’on veut de l’argent à Saint-Étienne évidemment – parce qu’aujourd’hui, le foot sans argent, tu ne vas pas loin –, mais on veut garder notre identité stéphanoise. Par exemple un naming comme le Groupama Stadium, ça ne marchera pas ici. Une fois, ils avaient parlé dans le passé de construire un nouveau stade, à Andrézieux, avec des grandes galeries commerciales comme à Lyon, etc. Les kops s’y sont opposés avec des grandes manifestations. Ils doivent nous prendre comme on est. Si les mecs nous disent : « Je ramène Neymar, Messi, mais je change tout », on préfère encore avoir des joueurs simples, pas des stars.
On sent d’ailleurs qu’il y a une vraie alchimie entre les supporters et l’équipe actuelle.
Forcément, par rapport aux saisons précédentes, on a des bons résultats, alors ça se passe mieux ! Mais au-delà de ça, on sent qu’il y a des joueurs concernés par le club. Par exemple, Aïmen Moueffek a fait une vraie déclaration d’amour au club, ils ont vraiment envie de remonter le club en Ligue 1, pas forcément pour eux, mais aussi pour le peuple stéphanois. Ils voient bien qu’on est toujours avec eux-mêmes à l’extérieur. Ils ne trichent pas, comme nous. On a hâte d’être au barrage !
Ce barrage justement, c’est un moment pivot dans l’histoire du club pour ne pas s’engluer en Ligue 2 ?
Non, je ne pense pas, on a un socle assez solide, avec bientôt des nouveaux dirigeants, pour repartir l’année prochaine. Notre situation est différente de celle de Bordeaux par exemple. On sera tristes si on ne monte pas, mais ça ne changera rien à notre soutien. Mais ce soir, tous en maillot, écharpe, au stade avec tout le monde pour les pousser ! Je vais mettre mon maillot fétiche, celui avec le logo rouge Casino, le maillot de mon enfance, c’est un peu ma madeleine de Proust.
Propos recueillis par Maxime Verhille