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Pascal Dupraz, le casque bleu
Pascal Dupraz n’a pas toujours été le sanguin que l’on connaît. L'entraineur sait aussi faire preuve de diplomatie. Notamment durant ses vingt années de service à l’ONU, au Haut Commissariat pour les réfugiés.
Pascal Dupraz est un poète itinérant des conférences de presse : « Je suis content parce que l’espace d’un instant, les mécréants vont fermer leur gueule. J’espère qu’ils vont fermer leur gueule encore un paquet de fois. » Ou encore : « On va prendre des fessées. Et personnellement, les fessées, ça ne me plaît pas trop. Peut-être que certaines personnes s’en réjouissent, de prendre des fessées… Pas moi ! Il y a des boîtes spécialisées pour ça, mais moi, je n’y vais pas, dans ces boîtes-là. » Bref, des citations qui n’ont rien à envier aux poids lourds du rap français. Un talent certain pour l’uppercut verbal que Pascal Dupraz a longtemps dû camoufler sous un costume cravate dans les bureaux de l’ONU à Genève.
« À cette époque, j’ai passé plus de temps avec Pascal qu’avec ma femme »
Au début des années 90, Salvatore Mazzeo et Maryan Bacquerot sont à la tête du FC Gaillard, ancêtre de l’ETG, en division d’honneur régionale. Le premier, maire-adjoint de la ville, et le second, directeur des relations humaines à l’ONU de Genève, n’hésitent pas à faire jouer leurs relations pour leur mercato : « En fait, ils cherchaient des joueurs en fin de carrière, un peu sur le retour, raconte Jacques Veggia, entraîneur de l’époque. Et ils leur proposaient une place dans le système des Nations unies pour leur reconversion. Et ça marchait plutôt bien. » La preuve avec Pascal Dupraz. Le meneur, bagarreur et avant-centre du FC Gueugnon est séduit par l’idée, ce qui lui permet aussi de rentrer du côté de chez lui, dans sa Haute-Savoie natale.
Cinq ou six autres joueurs de l’équipe entrent aussi à l’ONU. Dont un de ses vieux compagnons de route, Thierry Taberner, qu’il a déjà côtoyé du côté de Toulon : « Pascal m’a parlé de cette opportunité à l’ONU. Je l’ai donc rejoint. À l’époque, je passais plus de temps avec Pascal qu’avec ma femme. Par amitié, mais aussi pour le foot et le travail. » La semaine, en journée, les deux compères trient le courrier, prennent le café et les repas ensemble, passent surtout leur temps à parler foot et à débriefer les matchs de la veille. Certains soirs de la semaine, ils se retrouvent à l’entraînement. Et le dimanche, forcément, ils sont présents pour les matchs. Bref, ils ne se quittent plus.
« Thierry, j’ai pas de slip. Tu m’en prêtes un ? »
Et encore plus à partir de 1993, année de la montée du FC Gaillard en Division d’Honneur et de la nomination de Pascal au poste d’entraîneur-joueur. Au Haut Commissariat pour les réfugiés, les deux hommes commencent également à prendre leurs marques : « On a parfois croisé les haut placés, Ban Ki Moon, etc. Mais on ne les côtoyait pas, explique Thierry Tarberner. Pascal mettait des cravates parfois, mais c’était surtout pour se la péter. » Malgré tout, le travail du Haut-Savoyard évolue. Il s’occupe maintenant du matériel informatique : « Réception et acheminement sur le terrain pour le distribuer dans le monde entier. » Et ce, même s’il y est bien moins à l’aise que sur une pelouse : « Quand il est arrivé pour la première fois dans le bureau d’une dame pour réparer je ne sais pas quoi, il a ouvert un escabeau, mais n’a pas réussi à le refermer. Du coup, il est ressorti de la pièce en tirant l’escabeau sans le fermer. Ça a fait un bruit de fou. C’était marrant. »
Si Pascal Dupraz est bien plus discret dans les couloirs de l’ONU qu’en conférence de presse, son naturel revient toujours le hanter. Comme le raconte Thierry Taberner, pas avare en anecdotes : « Une fois, Pascal devait passer la visite médicale, comme tous les deux ans à l’ONU. Il vient me voir et il me dit : « J’ai pas de slip. Tu m’en prêtes un ? » Du coup, on est allé aux toilettes et je lui ai passé mon slip pour pas qu’il se retrouve à poil. » Bref, Pascal n’est pas vraiment ce que l’on peut appeler un homme de bureau, mais une chose est certaine : il bosse comme un acharné, plus de 40h par semaine selon ses dires. Auxquelles viennent s’ajouter celles de son nouveau poste d’entraîneur à partir des années 2000 alors que le FC Gaillard monte en CFA 2.
Son rêve de Premier League
Il prend également largement part aux différentes fusions, évolutions et ascensions du club que l’on connaît aujourd’hui comme l’Évian Thonon Gaillard Football Club. Tout en conservant son poste à l’ONU jusqu’à la montée en National en 2004. Jacques Veggia : « Il faut dire que le système de retraite et de couverture maladie y sont exceptionnels. » Ce qui est loin d’être la seule raison pour son ami Thierry : « On se retrouvait parfois au milieu de réunions où des gens nous faisaient des« Power Point Presentation »en anglais et il suffisait qu’on se regarde pour avoir envie de rire. Mais voilà, on essayait quand même d’être sérieux. Et puis ces jobs à l’ONU nous ont surtout permis d’apprendre une langue étrangère. Les trois quarts du boulot se faisaient en anglais. » Une idée judicieuse. Surtout quand on sait que son rêve ultime est d’entraîner en Premier League.
Par Ugo Bocchi