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Pascal Dupraz a-t-il atteint son plafond de verre à Toulouse ?
Malgré un effectif qui fait jalouser pas mal de coachs de Ligue 1, Pascal Dupraz a du mal à faire décoller son TFC. Devant les matchs, les supporters « s’emmerdent », et le Savoyard s’énerve. La preuve qu’il n’est qu’un coach commando incapable de faire progresser des joueurs sur le long terme ? Pas si sûr.
Que fait-on des druides lorsqu’ils n’arrivent plus à fabriquer la potion magique ? Si Toulouse était un petit village gaulois, ses habitants seraient sans doute à cette heure rassemblés devant la chaumière du druide Pascal Duprix à se poser cette question. Avec un bel effectif entre les mains pour la saison 2017-2018, l’entraîneur savoyard a du mal à faire jouer son équipe. Si le TFC n’est pas dans une situation d’urgence au classement (10e avec 16 points), les productions rendues par la troupe du druide savoyard sont en deçà des attentes, et le principal intéressé ne s’en cachait pas après le dernier écueil de son équipe à domicile, face à la lanterne rouge messine (0-0) : « Ce soir, on a dit merde au football. » Simple, basique.
Une belle gueule, c’est tout
Alors qu’il était parvenu, à son arrivée en Haute-Garonne, à faire sur-performer un effectif a priori moyen pour le maintenir en Ligue 1, c’est l’inverse qui semble se produire depuis le début de 2017. Lors des derniers mercatos, le TFC a en effet négocié les grandes manœuvres d’import-export avec dextérité. De sorte que certains se sont mis à rêver à autre chose qu’une 10e place, l’objectif affiché chaque année par le président Sadran. Corentin Jean, Max-Alain Gradel, Jimmy Durmaz, Christopher Jullien, Andy Delort et Gianneli Imbula sont tous venus compléter ces dix-huit derniers mois un effectif jeune et déjà talentueux. Sur les feuilles de match, Toulouse a belle gueule. « Il y a peu d’équipes qui sont armées comme le TFC en Ligue 1 » , tranche même Élie Baup, entraîneur du seul TFC de l’histoire à s’être qualifié pour un tour préliminaire de Ligue des champions (en 2006-2007).
« Avec son effectif, Toulouse devrait prétendre au top 6 et rivaliser avec Bordeaux, Saint-Étienne ou Rennes, poursuit-il. Il y a de tout dans cette équipe : des jeunes à fort potentiel – Lafont, Diop, Amian, Michelin… –, des gens d’expérience avec Cahuzac ou Imbula, et beaucoup d’attaquants internationaux. Mais quand je les regarde jouer, je ne vois pas d’enthousiasme, pas le plaisir de jouer ensemble. Il y a du sérieux et de l’application, mais il manque de l’audace. » Sur l’année civile, Toulouse n’a récolté que 34 points en 32 rencontres – seuls Metz (28) et Dijon (33) font pire en Ligue 1 – et marqué 27 buts, le moins bon total après Caen (25) et Metz (26). Pas normal.
Where is the love ?
Pas de plaisir à jouer ensemble : c’est aussi le constat que dressait Pascal Dupraz lui-même dans les colonnes de La Dépêche du Midi, quelques jours après une prestation indigente au Vélodrome (2-0), en septembre : « Il faut davantage s’aimer quand on joue ensemble. Ce n’est pas que mes joueurs ne s’aiment pas, néanmoins il faut plus de connivence, de complicité, de partage. Il faut avoir envie de donner le bon ballon au bon moment. Délivrer un amour de passe à son partenaire, en résumé. »
Arrivé en mars 2016 à Toulouse avec une réputation d’excellent meneur d’hommes, mais de formateur et tacticien limité, Dupraz avait à cœur de décoller à l’eau bouillante ces étiquettes engluées sur son dos et de casser son image de « pompier de service » . La courbe de ses résultats sur le long terme ne va, pour l’heure, pas dans ce sens. Le spectacle offert sur le terrain par ses joueurs depuis un an non plus. « Les gens s’emmerdent en tribunes. Le jeu du TFC ? Il n’y en a pas, tout simplement. Il n’y a ni fonds de jeu ni l’envie d’en faire » , déplore Marco, le porte-parole des Indians Tolosa, principal groupe de supporters du TFC. « Ça confirme ce qu’on disait sur lui quand il est arrivé : c’est quelqu’un qui est très bien pour une mission commando, mais, sur le long terme, ce n’est pas convaincant. On a l’impression que les joueurs ne progressent plus depuis six-huit mois, qu’ils rentrent dans le rang. D’ailleurs, les travées du Stadium commencent de nouveau à se vider, et le stade à siffler ses joueurs » .
Milieu de terrain de Toulouse entre 2008 et 2016, le Guingampais Étienne Didot, qui a évolué sous les ordres du Savoyard lors de sa dernière année au club, estime quant à lui que le temps donnera raison à Pascal Dupraz : « Toulouse a des joueurs de grande qualité, mais plusieurs d’entre eux sont en manque de compétition. C’est le cas de Sanogo, Gradel ou Imbula. Quand on ne joue pas pendant un an, on ne retrouve pas son niveau en quelques semaines, estime l’ancien capitaine des Violets. Les gens en attendent beaucoup, mais je pense qu’au fur et à mesure de la saison, quand ces joueurs-là reviendront à leur niveau, ça ira crescendo pour le TFC et que les critiques contre Dupraz s’atténueront. »
Du temps, il n’est pas idiot d’en réclamer avant de juger le travail de Dupraz lorsque l’on sait que Toulouse présente en 2017-2018 le troisième effectif le plus jeune du Big 5 (24,2 ans en moyenne) derrière Lille et Leipzig, et que le TFC est le club français qui fait le plus jouer les jeunes formés au club cette saison*. Ce temps, précieux, Dupraz l’aura. Car si le football brûle ses icônes aussi vite qu’il les érige, lui a accumulé grâce au « miracle d’Angers » suffisamment de crédit pour ne pas être inquiété au moindre pas de travers de son équipe.
Seul Casa fait mieux que Dupraz
D’autant que sur le plan comptable, le bilan provisoire de l’ère Dupraz (19 victoires, 21 nuls, 21 défaites) est encore loin d’être indéfendable : seul Alain Casanova présente de meilleurs résultats que lui depuis la remontée du club en Ligue 1, en 2003.
Mais ces résultats sont aussi à mettre en perspective avec les moyens mis à disposition de chacun de ces entraîneurs. Depuis l’arrivée de son coach savoyard, le TFC a investi autour de 20 millions d’euros sur le marché des transferts, ce qui fait du club le 10e plus dépensier de France sur cette période. Lors du premier été de Dupraz en Haute-Garonne, le TFC a même lâché 7 millions d’euros pour recruter, se classant ainsi à la 5e position des dépenses en L1. Une prise de risque peu habituelle au sein du club violet. Voilà aussi pourquoi l’exigence de résultats et de jeu envers Pascal Dupraz est sans doute sensiblement plus élevée que pour ses prédécesseurs : le village toulousain aimerait bien pouvoir rêver un peu, bâillonner son barde qui chante à la gloire du ventre mou et, pourquoi pas, s’asseoir de nouveau à la table des grands banquets européens. Reste à remettre la main sur la formule de la potion magique – et cela demandera sans doute du temps –, ou à trouver l’adresse d’un nouveau druide.
Par Albert Marie
*D’après le rapport d’octobre 2017 du Centre international d’étude du sport (CIES).