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Pascal Berenguer : « Je veux rendre hommage à ma femme »

Propos recueillis par Alexandre Doskov
10 minutes
Pascal Berenguer : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je veux rendre hommage à ma femme<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Clap de fin pour Pascal Berenguer, qui a annoncé la semaine dernière sa retraite. Mais entre diplômes à passer, jeunes Tourangeaux fougueux à gérer, et une famille à cajoler, le néo-retraité à la frappe de buffle a encore quelques journées bien remplies devant lui.

Salut Pascal. Tu as annoncé ta retraite sportive. Est-ce que c’est une décision que tu avais prise depuis longtemps ? Qu’est-ce qui t’a conduit à ce choix, en plein milieu de la saison ?

On va dire que c’est depuis l’année dernière, où j’ai vécu une saison difficile sportivement, où je n’ai pas été titulaire pendant presque un an. Quand Olivier Pantaloni est parti de l’équipe et qu’Alexandre Dujeux a repris l’équipe, je n’ai pas eu sa confiance pour être titulaire malgré les résultats négatifs. Quand on est compétiteur, quand on est un joueur qui, comme moi, a toujours gagné sa place dans les entraînements, par mon abnégation, au fil des séances, au fil des mois, c’est devenu difficile mentalement. Donc j’ai pris un peu plus de recul, en profitant de ce rôle de remplaçant, de ce rôle de vestiaire, pour analyser un peu les rencontres de façon plus technique. Donc je n’ai pas perdu mon temps, j’ai voulu tendre déjà vers le métier d’entraîneur.

Tu es réputé pour ton style de jeu très physique, avec un engagement maximal. Tu penses que ça a joué sur l’état d’usure de ton corps, sur la fatigue générale ?

Oui, inconsciemment. Vous croyez que vous êtes encore bien, mais c’est vrai que j’ai misé toutes ces années sur mon physique, et c’était une force. Mais à 34 ans, il y a des jeunes qui arrivent au poste de milieu de terrain avec plus de bagage, en matière de vivacité, d’explosivité. Donc à un moment donné, il faut prendre conscience qu’on n’a plus nos jambes de 20 ans.

Ce poste de milieu de terrain, tu l’as vraiment vu évoluer au cours de ta carrière ?

Oui, c’est vrai que le numéro 6 aujourd’hui, c’est une pièce maîtresse du système, il doit avoir le bagage le plus étoffé de l’effectif. On doit même marquer des buts, être bon techniquement, tactiquement, physiquement, à l’image de Pogba, Matuidi. C’est ça, le rôle du 6 dans le football moderne.

Tu avais prévu de rester dans le football après ta retraite sportive, ou tu as d’autres domaines dans lesquels tu te vois travailler ?

Là, je suis amené à rester dans le football, en m’occupant des moins de 19 ans à Tours, et en passant mon diplôme. Mais je n’ai pas trop eu le temps de penser à l’avenir, parce que c’est tellement arrivé d’un coup que je ne peux pas dire ce que j’aimerais faire ou pas. Je sais qu’aujourd’hui, je suis dans le foot, je commence dans le métier d’entraîneur. Il y a une charge de travail qui arrive d’un coup, avec le diplôme aussi, c’est pas évident.

À Tours, ils t’ont proposé immédiatement de rester avec eux comme entraîneur des jeunes après la résiliation de ton contrat de joueur ?

On est en pourparlers pour ça. Actuellement, je reste au sein du club, mais on n’a rien signé, je n’ai pas encore de formation. Pour l’instant, c’est frais, donc on n’a pas encore parlé de quoi que ce soit. Tout arrive d’un coup, c’est pas facile à gérer. Mais dans l’avenir, mon but sera forcément d’entraîner au haut niveau. Transmettre des choses, à travers mon vécu, faire passer des messages, avec mes mots. En matière de charisme et de discours, j’ai vu Pablo Correa, pour qui c’était un art. On sortait des causeries, on était super motivés, on savait qu’on allait faire un bon match, même si on n’allait pas gagner. Mais je suis toujours en réflexion, on va dire, puis ils ont mis en place les nouveaux diplômes depuis un an et demi, et c’est quelque chose hein…

Les jeunes Tourangeaux, ça donne quoi ? Une génération dorée à prévoir ?

Hmmmmm, oui, il y a pas mal de bons petits joueurs, mais ce sont les générations d’aujourd’hui, ils veulent tout vite, tout de suite. Il faut leur apprendre la patience. En matière de qualités, je dirais qu’à Tours, en 19 ans, c’est un collectif, il n’y a pas de grosse individualité qui ressort. Mais ils sont jeunes, il y en a pas mal qui ont 17 ans aussi. Et dans le football, il y a une part de chance qui est importante. Et on ne peut rien dire en fait : ils n’ont même pas encore fini leur croissance. Ils peuvent prendre un autre chemin aussi, même si c’est en dehors du centre de formation. Parfois, il y a d’autres chemins vers le haut niveau. Il faut voir l’Anglais qui jouait contre l’équipe de France. En 8 mois, il est passé de je ne sais plus quelle division à titulaire en équipe d’Angleterre, c’est incroyable.
Je suis devenu un homme à Nancy. J’ai construit ma famille à Nancy. C’est ça qui passe avant tout, la famille.

Tu es né à Marseille, tu as été formé en Corse. Tu n’avais pas envie de retrouver le soleil ? D’aller couler des jours heureux sur la côte ?

(Rires) Oui, oui, c’est sûr ! Mais après, ce sont les aléas de la vie, les rencontres, qui ont fait que j’ai fait toute ma carrière dans le Nord. Aujourd’hui, je suis à Tours, je n’ai pas eu encore d’appel du Sud. Mais j’ai 34 ans, je suis jeune !

Pourtant, le début de carrière a été difficile à Bastia, avec même un moment où tu avais repris les cours…

Oui, c’est vrai. J’ai débuté, je me suis entraîné à l’âge de 16 ans avec les pros. Pendant deux ans, quand vous vous entraînez tous les jours, tous les jours… J’avais pas la prétention d’être dans le groupe tout le temps, l’équipe était extraordinaire à l’époque où j’y étais. Et à un moment donné, il y a une lassitude qui s’installe. Vous donnez tout aux entraînements, un peu ce qu’il s’est passé l’année dernière à Tours, quand j’étais en fin de carrière. J’ai commencé à être un peu blasé, et dans ce monde professionnel, j’ai été un peu déçu par certaines personnes. Donc à 18 ans, j’ai décidé de retourner à la fac, en STAPS, chez moi, à Corte. J’étais toujours sous contrat avec Bastia, mais pendant 6 mois, j’ai repris mes études. J’étais avec des potes, mais à un moment donné, il y a un déclic, il fallait que je reprenne. Mais ça m’a fait vraiment du bien dans la tête, de revenir à la source, d’être avec mes potes.

Et les jeunes de Tours, tu vas leur révéler le secret de ta frappe d’éléphant, ou tu la gardes pour toi pour toujours ?

Pour l’instant, je n’ai encore rien révélé, on ne va pas aller jusque-là ! Non, mais il n’y a pas de secret, c’est à force de travailler, à force de répétition. Le football, c’est de la répétition.

Quand on fait le bilan de tes seize saisons de footballeur pro, on se rend compte que tu es tout le temps resté en France. Tu n’as jamais voulu aller te tester à l’étranger ?

J’ai toujours voulu aller tenter une aventure à l’étranger, mais c’est vrai que c’est difficile. Et puis j’ai eu cette étiquette de joueur de club, qui me convenait bien, mais qui fait en sorte que vous ne bougez pas de votre club. J’ai eu la chance de connaître une épopée avec Nancy qui a duré dix ans, où j’ai vécu de belles choses. Donc je suis resté en France, mais je suis content. On parle souvent de l’Angleterre, mais bon, l’herbe n’est pas toujours plus verte ailleurs.

Tu parles de Nancy, la grande ère de ta carrière. Une décennie passée en Lorraine, à régaler Picot. Quel regard portes-tu sur ces années ?

Je suis devenu un homme à Nancy. J’ai construit ma famille à Nancy. C’est ça qui passe avant tout, la famille. Après, il y a eu des rencontres, des gens, l’engouement qu’il y avait autour de cette équipe. Et cette fierté qu’il y a aujourd’hui de recevoir des messages de la part des Lorrains. Comme quoi, mon travail a été apprécié.

On a parlé à Youssouf Hadji cet été, qui nous disait à quel point il avait aimé jouer avec cette fameuse équipe de Nancy dans laquelle on retrouvait lui, toi, Mike Crétien, Issar Dia… Il repensait à cette saison 2007-2008, où vous aviez joué le podium en Ligue 1. Toi aussi, ça fait partie de tes plus beaux souvenirs ?

C’est vrai que c’était une superbe année. C’était une année pleine d’émotions pour moi parce que j’ai eu le malheur de perdre ma mère cette année-là. Et à la fin, le dernier match où on perd la troisième place… On était invaincus à domicile, on avait les cartes en main. Si on gagnait, on aurait fini troisièmes, on pouvait jouer le tour préliminaire de la Ligue des champions. Donc forcément, en matière d’émotions, c’était marquant. Des souvenirs, il y en a chaque année. Moi, j’ai jamais été titulaire en début de saison, donc j’ai dû me battre, surmonter des choses, et ça a été ça tout au long de ma carrière. Mêmes les années difficiles, vous en tirez le positif.

Les difficultés qui ont suivi à Nancy, les saisons compliquées qui ont conduit à la descente en Ligue 2, tu les analyses comment ?

Dans le football, il y a des gens qui s’en vont, des gens qui arrivent… On ne fait pas toujours les bons choix. C’est sûr que ça m’a peiné d’être sous contrat avec Nancy, d’être à Tours (en 2013, il y était alors en prêt, avant d’y signer un contrat la saison suivante, ndlr) et de voir l’équipe descendre en voyant ça de l’extérieur. C’est difficile, avec tout ce qu’on a bâti, on met des années pour construire quelque chose et en quelques mois, on peut tout détruire. C’est pas évident de voir qu’aujourd’hui, Nancy lutte pour retrouver un peu la lumière.

Tu quittes quand même le football avec quelques buts d’anthologie derrière toi. Dans l’immédiat, on pense à cette reprise démentielle après un coup franc repoussé par le mur contre Lens, en 2011 . Si tu ne devais en garder qu’un ?

Il y en a deux. Celui contre Lens, parce qu’il fallait à tout prix qu’on gagne. J’avais vécu une année vraiment difficile, et c’était un peu mon petit moment à moi, personnel. J’ai toujours été un porteur d’eau, comme on dit, un coéquipier qui ratissait des ballons pour ses attaquants. Et là, le fait d’avoir eu un peu de lumière par ce doublé, comme j’avais mis un doublé ce soir-là, c’était une petite fierté personnelle. Et mon dernier but, avec Tours, à Orléans. Il est magnifique aussi, je suis aux 35 mètres, je lobbe le gardien. Finir sur ça… J’avais débuté à 16 ans au centre de formation à Bastia, je devais être remplaçant, et le numéro 6 se fait les croisés à l’échauffement. Je suis titulaire, et je mets un but de 35 mètres dans la lucarne. Je ne sors plus. Après, il y a eu les équipes de France en jeunes, puis tout mon parcours. Donc avec ce dernier but à Orléans, la boucle est bouclée.

Ce sont les images dont tu te souviendras ? Les repères qui te resteront ?

Oui. Je voudrais aussi dire que j’arrête ma carrière, mais derrière un homme, il y a une femme, et je veux rendre hommage à ma femme. Elle y est pour beaucoup. Dès que je l’ai rencontrée, ma carrière a pris un tournant, et c’est pas un hasard si j’ai pu continuer et avoir les belles années qui ont suivi. Dans les moments difficiles, sur le terrain, on cherche la motivation. Et quand vous avez votre famille, vos enfants… Moi, j’ai dû faire 11 ans de lutte pour le maintien, en me sauvant trois ou quatre fois à la dernière journée, ou à la toute fin. J’ai toujours joué avec un couteau sous la gorge, entre guillemets. C’est une fierté de ne pas avoir connu de descente malgré les situations parfois catastrophiques. Il y a des miracles, et les cordes, ce sont votre femme, vos enfants, ils ont su gérer aussi ces moments-là. Votre femme, c’est la personne qui est là après les défaites.
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