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Pas de montée pour Sedan, deuxième de National 2 avec une défense en béton
Avec quatre buts encaissés seulement lors d'une saison entamée par treize victoires et autant de clean sheets, Sedan ne montera pas en National : l'interruption de l'exercice officialisé par la FFF après la 21e journée en raison de la pandémie de coronavirus le laisse sur le carreau, à la deuxième place du championnat de National 2. Incroyable, mais vrai.
14 décembre 2019, au stade Louis-Dugauguez. Le ballon roule depuis 74 minutes quand Ilan Kebbal, ancien de la réserve des Girondins de Bordeaux, fait trembler les filets de Sedan. Une première depuis le début de la saison, soit… treize journées, pour autant de victoires et de clean sheets. Le tournant de la saison 2019-2020, dans la poule A de National 2 ? Peut-être. Car après ce 1-1 concédé contre Reims B, le large leader – qui a compté jusqu’à huit points d’avance sur Bastia, finalement promu – a subitement ralenti avec cinq nuls et une défaite pour un seul succès malgré cinq nouvelles rencontres terminées sans prendre de but. Résultat : après l’officialisation par la Fédération française de football de l’interruption du championnat après 21 matchs en raison de la pandémie de coronavirus, les Sangliers loupent le train de la montée en National alors qu’ils n’ont encaissé que quatre buts (répartis sur deux parties) en 21 matchs. Complètement dingue, et sans doute jamais vu dans l’histoire.
« Il y avait plusieurs solutions envisagées : saison blanche, phase aller seulement comptabilisée… On ne savait pas laquelle allait être choisie, donc on ne s’attendait pas du tout à ça. On est forcément surpris de cette décision, et hyper déçu par rapport aux efforts fournis, regrette Geoffrey Lembet, gardien d’une défense qui est peut-être la plus impressionnante de la planète en matière de statistiques. C’est frustrant, parce que le coronavirus a été annoncé à un moment où on était encore premiers. À quelques semaines près, le résultat final était totalement différent. » Et de regretter la manière, sans pour autant être en colère : « La gestion n’a pas été au niveau, ça a été bâclé. Je ne suis pas dans les bureaux, mais on a l’impression qu’ils ont choisi la facilité. Sans tomber dans le complotisme, il y a des choses qu’on ne sait pas. Les présidents qui se sont réunis n’ont pas été écoutés, la FFF a pris sa décision de son côté sans en parler avec les clubs concernés, et c’est surtout ça qui nous embête. »
Défense de continuer
L’interrogation, légitime, mais qui restera à jamais sans réponse, se pose : Sedan avait-il les ressources nécessaires pour refaire son retard de cinq unités sur Bastia, alors que les deux équipes connaissaient des dynamiques croisées ? Avis de Geoffray Durbant, meilleur buteur des Sangliers (15 buts sur les 27 de son équipe, soit 55% des pions sedanais), mais aussi de toutes les poules confondues de N2 : « Au regard de la saison exceptionnelle qu’on faisait… Il restait neuf journées, il y avait largement moyen de revenir à hauteur de Bastia. Là, ça allait repartir de plus belle. Les bons moments allaient arriver, tout le monde était rechargé à bloc. Il y a un goût d’inachevé, c’est clair. On est dé-goû-tés. »
« Tactiquement, on était hyper solides. Niveau qualité, travail et discipline, c’est le meilleur groupe que j’ai connu. Je suis persuadé qu’on avait la meilleure équipe du championnat, corrobore son portier. Notre solidarité, c’était un truc de fou, donc on ne se faisait pas de souci pour rebondir. On était programmés pour se relever, et finir en beauté. Et on nous coupe l’herbe sous le pied… » Sur le terrain, il semble en tout cas que ce soit le duel contre Haguenau qui ait brisé les jambes du favori.
Marche arrière, toute !
Plus que le but rémois, le nul contre Haguenau (0-0, évidemment) deux journées plus tard ressemble en effet à une vraie fracture. Le 11 janvier, quelques semaines après avoir été sollicité par de nombreux médias pour évoquer l’efficacité dingue de son arrière-garde, Sedan enchaîne son troisième partage des points et laisse Bastia le doubler. Surtout, il écope de deux cartons rouges à quelques minutes de la fin du temps réglementaire. Dont un pour son dernier rempart, suspendu huit matchs (dont deux avec sursis) pour avoir bousculé l’arbitre. « Les expulsions et les blessures nous ont mis dedans, perdre des éléments précieux met un coup au moral », souligne Durbant. Lembet confirme, de manière un peu plus véhémente : « Ça a sûrement joué dans la tête du groupe, sur la dynamique. Surtout vu la façon dont ça a été fait… Les jugements ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Sans faire les victimes, on se pose beaucoup de questions. »
Autre possibilité, pour expliquer le relatif déclin sportif : l’obsession des cages inviolées. Et si cette défense en béton armée avait desservi les Sangliers, trop occupés à protéger leur but plutôt qu’à attraper les trois points ? « Non, l’objectif était toujours de mettre plus de buts que l’adversaire, rétorque le striker de N2. En prendre quatre si on en mettait cinq, ça nous allait hein ! » « Même si c’était peut-être le cas individuellement dans les têtes, on n’a jamais commencé un match en se disant : « On n’encaisse pas de but » » , renchérit le gardien, qui n’en revient toujours pas d’avoir encaissé un seul pion en championnat.
S’asseoir sur le trône, est-ce flippant quand on est bon derrière ?
Gary Coulibaly, milieu de Bastia qui ne nie pas les qualités défensives du concurrent, émet une dernière hypothèse : « Tout le monde n’est pas forcément préparé à la pression. Quand on est premiers et que les résultats s’enchaînent, tout roule. Mais dès qu’un caillou s’installe dans la machine, qu’on commence à perdre un match et à aller chercher la balle dans les filets, qu’on prend des rouges… Comment on réagit, alors qu’on a l’habitude de tout gagner sans prendre de but ? Dans cette situation, c’est délicat pour l’aspect mental et on peut craquer. »
Pas vrai pour Sedan, selon Lembet : « La première place nous a boostés. Ce n’était pas un facteur de stress, on a juste eu un coup de pompe comme toute équipe peut connaître dans une saison. » « On préfère la position de chassé à celui de chasseur, renchérit son coéquipier. L’adversaire te craint, donc il ne joue pas son football. En plus, là, il pensait davantage à nous marquer un but qu’à gagner. » Seules deux équipes auront réussi à planter contre les Sangliers, une seule à s’imposer (Sainte-Geneviève, 3-1). Et aussi improbable que cela puisse paraître, elles auront la possibilité de recommencer l’année prochaine.
Par Florian Cadu
Tous propos recueillis par FC