- 68e Festival de Cannes
- 13 mai / 24 mai 2015
Pas de Festival pour l’AS Cannes
Après des années d'empêtrement en National et une descente administrative en CFA, l'équipe première cannoise a évolué cette année en DHR. Malgré les strass et les paillettes de la Croisette, l'AS Cannes n'est plus sous le feu des projecteurs.
26 mars 2014. Une atmosphère des grands soirs règne dans l’enceinte Pierre-de-Coubertin de Cannes La Bocca. Sur la pelouse, les Dragons cannois affrontent les Bretons de Guingamp en quarts de finale de la Coupe de France. Les Cannois se battent comme de beaux diables, mais rien ne fonctionne. La réussite n’est plus de leur côté. Coup de sifflet final. L’AS Cannes perd 2-0 face à une équipe qui lui était supérieure. Pas de tristesse chez les supporters, uniquement la fierté d’avoir vu l’équipe de la Croisette tutoyer à nouveau les sommets de l’Hexagone. C’était il y a un an. Cannes se payait les scalps de Saint-Étienne (1-1, 4-3 t.a.b) et de Montpellier (1-0) en Coupe de France. La ferveur était de retour en ville et les matchs se jouaient à guichets fermés. Aujourd’hui, voir une telle chose relève du fantasme. L’AS Cannes est en DHR. Mais au fait, comment en est-on arrivé là ?
La Croisette, les stars hollywoodiennes et la Coupe d’Europe
Il y a fort longtemps, dans un autre siècle, existait un club dont l’ambition avait dépassé les frontières nationales pour viser l’Europe. Difficile à croire, mais si l’on retourne vingt ans en arrière, l’AS Cannes jouait la Coupe d’Europe. Ce n’était « que » la C3, mais pour une si petite ville – 70 000 âmes peuplent Cannes – c’était incroyable. Et quand on regardait les joueurs sur le terrain, on ne pouvait qu’apprécier. Durix, Fernandez, Bokšić et évidemment Zidane pour ne citer qu’eux. Cette époque faste est tout de même marquée du sceau de la relégation en L2 en 1991, mais cela importe peu. Les Dragons ont de l’ambition et un atout pas si secret que cela : son centre de formation.
Dans les années 90, l’AS Cannes possède en effet l’un des meilleurs – si ce n’est le meilleur – centre de formation de toute la France. À l’époque, les jeunes ne vont pas vers Marseille, Nice ou Monaco, les autres places fortes de la Côte d’Azur. Non, ils viennent au stade Pierre-de-Coubertin pour apprendre et comprendre le football. Vieira, Zidane, Clichy, Zebina, Escudé ou, si l’on remonte plus loin, Bernard Casoni, ils appartiennent tous à cette formation à la cannoise qui fait la fierté du club. L’autre point fort de l’ASC, c’est son culot. Sa spécialité ? Jeter dans le grand bain des coachs sans la moindre expérience. Le plus célèbre d’entre eux étant sans aucun doute Luis Fernandez. Après un intérim sans succès d’Erick Mombaerts, c’est lui qui récupère le groupe cannois en 1993. Et c’est encore lui qui permet à l’AS Cannes de retrouver la Ligue 1 cette même année. Avec sa grande gueule et sa pugnacité, Luis Fernandez donne l’occasion aux Dragons de reprendre goût à la saveur des victoires. Mais son départ en 1996 sonne le glas des ambitions cannoises. Sous la houlette du plus silencieux Safet Sušić – encore un ancien du PSG -, Cannes retrouve avec amertume la Ligue 2 en 1998 avant de sombrer définitivement en 2001, avec la relégation en National.
Le National, soit tu remontes, soit tu crèves
Rétrogradation rime dans certains cas avec renouveau. En National, ce concept n’existe pas. La particularité de ce championnat réside dans son rapport avec la licence professionnelle. En effet, le troisième niveau de compétition en France est semi-professionnel. Les clubs titulaires de la licence pro ne peuvent en jouir que deux saisons consécutives à ce niveau. Au bout de la troisième, elle disparaît et avec elle ses nombreux avantages. C’est ce qui est arrivé à l’AS Cannes. En 2004, le club perd sa licence après trois saisons en National. En 2006, la sanction tombe : le centre de formation ferme ses portes, la licence pro étant nécessaire à son existence. L’AS Cannes était un bar auquel on interdisait de produire sa propre bière. Jusqu’en 2011, le club lutte pour retrouver la Ligue 2, mais à chaque fois, il manque un petit quelque chose en plus. Malgré la présence de joueurs du calibre de Jan Koller qui, malgré ses 38 ans, restait plus puissant et technique que tous les attaquants de National, Cannes n’y arrive pas. Et le destin réservait encore une mauvaise surprise aux Rouge et Blanc.
Le club qui ne valait plus qu’un euro
Le corbeau de mauvais augure, aka la DNCG, pointe le bout de son bec en 2011. La raison ? Un problème financier, évidemment. Le déficit du club ne pouvant être réglé, la Direction nationale du contrôle de gestion exauce le vœu cannois de quitter le National. Pas par le haut, mais vers le bas : bienvenue en CFA. Un vrai cauchemar, mais heureusement pour le club, la famille Fakhri, détentrice de l’équipe, refuse de quitter le navire et réinjecte des liquidités. « J’aime mon club, tout comme mon père, on ne partira pas sans lui avoir rendu sa gloire d’antan et c’est ce que je compte faire » , confie fin 2013 Ziad Fakhri, le président du club. En 2014, on pense Cannes enfin guéri. Un magnifique parcours en Coupe de France et une remontée en National presque acquise abondent dans ce sens. Il n’en est rien. En février 2014, le 1er choc : la mort de Saïd Fakhri, le patriarche de la famille, celui qui était prêt à tout pour sauver son équipe.
La seconde estocade intervient quelques mois plus tard. Et encore une fois par l’intermédiaire de la DNCG. Cette fois-ci, il manque 2,2 millions d’euros dans les caisses cannoises. En conséquence, l’AS Cannes est reléguée en DHR. Conscient de leur incapacité à refinancer le club, les Fakhri se désengagent. La dette est épongée, le club est mis en vente et les historiques du club mettent trop de temps à réagir. Luis Fernandez se prend le chou avec la mairie de Cannes en raison d’anciennes querelles, le duo Roustant-Micoud ne donne pas suite aux rumeurs de reprise, et la quinzaine de personnalités contactées par la ville ne répond pas. Finalement le club est vendu pour un euro symbolique à Pierre Cancian, le président de l’association « AS Cannes » . Les Dragons ont donc passé cette saison 2014-2015 en DHR(A) et ont assuré leur montée en Division Honneur. On se dit rendez-vous dans dix ans ?
Par Lhadi Messaouden