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Partido : « Del Bosque, c’est le Charles Bronson espagnol »
Au pays des tubes de l’été, les Barcelonais de Partido ont décidé de se distinguer par leurs textes en anglais et une pop jouissive à souhait. Interview avec Edu Martinez, le synthé' de la révélation de la scène espagnole, à quelques heures du choc entre la Roja et les Bleus.
En France, pendant longtemps, le monde de la musique a snobé celui du football. C’est pareil en Espagne ?C’est complètement différent. Tous les groupes ont leur équipe de cœur et en sont fiers… Il n’y a qu’à voir toutes les chansons dédiées à des footballeurs ou à des clubs. Je ne sais pas comment est perçu le football par les artistes français, mais ici, le football, pour nous, c’est de la pop. On est plutôt décomplexés dans notre relation avec le ballon. Ce n’est pas quelque chose qu’on cache honteusement, au contraire.
Est-ce qu’on peut être pour la Roja en vivant à Barcelone ?Ici, le nationalisme catalan est important, alors il n’y a pas vraiment de ferveur autour de la Roja, même si beaucoup de joueurs du Barça la composent. Lors de la dernière Coupe du monde, au fur et à mesure que l’Espagne s’approchait de la finale, les gens ont commencé à se prendre au jeu. Le jour de la finale, tout le monde était dehors, comme si le Barça avait gagné la Coupe d’Europe. Pour les Catalans, la Selección, c’est un peu comme Yannick Noah avec les Français. Quand il gagnait, il était français, et quand il perdait, il était camerounais. Bah c’est pareil à Barcelone : ils sont avec la Roja quand elle gagne, mais quand elle perd, tu les entends dire : « Les autres ont perdu. »
En temps de crise, comment se défend la musique par rapport au football ?La musique ne peut pas lutter contre le football. À Barcelone, l’offre culturelle est très importante, il y énormément de groupes, de salles de concerts et de festivals, comme le Sonar ou le Primavera Sound, mais les gens préféreront toujours mettre 80 euros pour aller au Camp Nou plutôt que 40 euros pour aller écouter un groupe. C’est triste, mais c’est comme ça. En temps de crise, les gens ne veulent pas voir plus loin que le bout de leur nez. Ils veulent du prémâché, des valeurs refuges, des trucs qu’ils connaissent par cœur. Des trucs comme la Liga ou le Barça… Après, c’est vrai que Guardiola a ouvert les yeux à pas mal de gens concernant la musique. C’était un leader d’opinion qui a fait découvrir des petits groupes alternatifs aux fans du Barça et à ses joueurs. Par exemple, le groupe catalan Manel lui doit beaucoup.
Et Vicente del Bosque, tu crois qu’il aime la musique malgré sa moustache?Lui, c’est notre Charles Branson à nous, mais sans muscles. C’est un mec impassible, mono-expressif, alors je suis pas vraiment sûr que la musique lui procure des émotions.
Justement, tu ne trouves pas que ça manque de joueurs fun dans le groupe de Del Bosque ?Je pense qu’il y a pas mal de mecs qui choisissent le football pour être célèbres, riches et connus. Regarde Ronaldinho, c’était un génie avec le ballon, mais s’il avait pu gagner sa vie autrement qu’avec le football, je crois qu’il n’aurait pas hésité une seconde. Là, au Brésil, il passe son temps à faire la fête et à jouer des percus… Les joueurs de la sélection, en revanche, je crois qu’ils s’en foutent pas mal de tous les à-cotés que peut leur offrir leur statut. Ils ont l’air d’être émus par ce qu’ils font et quelque part, c’est touchant.
Ton pronostic pour le match ?Quand tu regardes jouer Xavi, t’as l’impression qu’il ne peut rien t’arriver. Et puis, si je ne me trompe pas, je ne crois pas que la France ait un joueur comme Iniesta, donc 2-0 pour l’Espagne.
À écouter : « Leaving all behind » (Warner Music Spain, 12)
À visiter : http://www.thisispartido.com/
Propos recueillis par Javier Prieto-Santos