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Parme-Lazio, l’instant nostalgie
Dans les années 90, un Parme-Lazio signifiait une lutte pour le titre et les honneurs européens. Si les deux courent aujourd'hui après leur glorieux passé, seul les Romains semblent pouvoir raisonnablement y croire.
Il y a 15 ans, Parme-Lazio n’offrait pas une opposition entre la lanterne rouge et le 7e de Série A. Non, on luttait pour le titre. Les Parmesans sortent alors d’un doublé Coupe d’Italie-Coupe de l’UEFA, quand les Laziali viennent de s’adjuger la dernière Coupe des coupes de l’histoire et s’apprêtent à vivre la plus belle des saisons avec un doublé Coppa-Serie A. Prétendants au Scudetto et terreurs à l’échelle européenne, Parme et Lazio le sont alors sans contestation possible. Débarqué en Émilie-Romagne à l’été 2000 en provenance de Monaco, Sabri Lamouchi se souvient : « C’était un club avec une grosse volonté d’embêter les gros. Ils avaient terminé seconds l’année d’avant, ils avaient gagné une Coupe UEFA en 1999 contre l’OM. Ils venaient de vendre Crespo pour une somme record à la Lazio. Il y avait de très grands joueurs comme Veron, Buffon ou Cannavaro pour ne citer qu’eux, sans oublier tous les Français comme Thuram, Boghossian, Micoud ou Djétou. J’avais le sentiment de rejoindre un club qui voulait construire et s’installer parmi les grands. » De Rome, où il pose ses valises trois ans plus tard, Ousmane Dabo garde un souvenir du même acabit : « Dans l’effectif, il y avait Stam, Mihajlović, Claudio López, que des grands joueurs. C’était l’une des meilleures équipes, elle jouait pour le Scudetto. C’était une équipe de Ligue des champions. » La Lazio vient pourtant de dépasser son heure de gloire et s’apprête à rentrer dans le rang, mais l’ancien milieu international français se souvient que l’heure n’était pas encore à la nostalgie. « Pour eux, c’était normal, et ils étaient encore à ce niveau d’ambition, ils baignaient encore dans le haut niveau. Mancini voulait tout gagner. On a terminé 4es du championnat et remporté la Coupe d’Italie. Il souhaitait également que l’on aille loin en Ligue des champions, mais on a perdu en phase de poules. »
« La Lazio, c’est Marseille en pire. » Ousmane Dabo
Si Dabo ne déchante pas forcément, Sabri Lamouchi garde un goût amer de la fin de l’histoire parmesane : « On ne peut pas comparer Parme avec Milan, Turin ou Rome. Ce ne sont pas les mêmes villes, les mêmes histoires de club. Ce n’était pas illusoire de vouloir lutter avec les plus gros, car les résultats étaient là, mais le prix à payer, c’est qu’une fois l’investisseur parti, le club est tombé très bas. » L’ancien sélectionneur de la Côte d’Ivoire fait référence au scandale des finances de Parmalat, l’entreprise qui a assuré l’essor du club avant d’en précipiter la chute : « Les actionnaires de l’époque investissaient beaucoup d’argent pour conquérir de nouveaux marchés. Parmalat était à l’époque présent en Italie, mais pas seulement. Quel moyen aurait été plus puissant que le foot pour gagner de la visibilité ? Mais ils ont voulu aller trop vite et ils l’ont payé à la fin. » L’équipe d’une ville moyenne de la Botte, dopée par les investissements d’un conglomérat de taille mondiale, l’histoire était sûrement trop belle pour durer. « Avec du recul, faut-il accepter de monter si haut si vite et finalement redescendre plus bas qu’on ne l’était ? Avec de faux bilans, de l’argent que l’on n’a pas ? Vendre du rêve et essayer d’accéder à un microcosme où on n’accepte pas facilement les nouveaux arrivants, si on joue avec de l’argent qui n’est pas le sien, il faut s’attendre à connaître une décadence. L’histoire de la Parmalat est d’une tristesse monumentale. »
Si le club parmesan n’a pas vraiment survécu à la Parmalat, la Lazio, quant à elle, n’a pas vécu la même décadence malgré une dynamique descendante. « C’est comme Marseille, en pire » , estime Dabo. L’ancien milieu, qui aujourd’hui gère une marque de vêtements, se souvient d’un club « en termes d’envergure juste en dessous d’un club comme l’Inter Milan, avec une grosse base de supporters » . Sans aucun doute, le fait d’être l’un des deux grands clubs de la Ville éternelle, cela empêche toute monotonie : « La Lazio et la Roma, ce sont les équipes de la capitale, donc c’est prestigieux et très chaud aussi. C’est une grosse pression. À la limite, à la Lazio, j’ai plus ressenti la pression qu’à l’Inter, qui a une plus longue histoire. » Et cela offre également une meilleure assise au plus haut niveau : « La pression populaire était énorme : il y avait 43 000 abonnés quand j’ai signé, et le stade comptait minimum 50 000 personnes à chaque match. Et les derbys, c’était génial. Il y avait moins de restrictions. Maintenant, avec toutes les restrictions sécuritaires, il n’y a pas plus de 50 000 personnes pour un derby, mais en 2003, le stade était plein. » Pour Dabo, cette base populaire romaine, c’est ce qui permet aux Laziali de pouvoir espérer un retour au premier plan, contrairement aux Parmesans : « Pour Parme, cela va être très difficile car ils n’ont pas le potentiel public de la Lazio. Le public, c’est ce qui permet de remplir le stade et de vendre des produits dérivés notamment. Économiquement, c’est important. Sans un gros investisseur, Parme ne peut pas viser beaucoup plus haut. »
« Parme, c’est comme débuter le repas par le dessert »
Le club d’Émilie-Romagne n’a-t-il jamais eu l’ADN pour faire partie des plus grandes écuries d’Europe sur le long terme ? Sabri Lamouchi garde plus le souvenir d’une PME familiale que d’une multinationale : « À Parme, j’allais au stade à vélo. À Milan, j’aurais pu le faire aussi, mais on m’aurait pris pour un fou. À Parme, c’était esprit familial, convivial, à la bonne franquette en quelque sorte, même si, à mon époque, il y a eu un Ballon d’or, le meilleur gardien du monde et d’autres joueurs extraordinaires. Mais pour se hisser au plus haut niveau et y rester, il faut une ferveur, une base populaire, et aussi des fondations solides dans les structures du club… » Et également un propriétaire qui ne participe pas à la fraude du siècle : « On passait Noël chez le propriétaire, le Cavaliere Calisto Tanzi. On se faisait tous des cadeaux, c’était unique, je ne l’avais jamais connu ailleurs. Mais on était loin de se douter de ce qui se tramait en coulisses. Quand on l’a appris, vous pouvez imaginer notre stupeur à tous. » Lamouchi est parti à l’Inter en 2003, « sans se poser de questions » vu la différence de statut entre les deux clubs. Mais avec un pincement au cœur : « Parme, c’est l’un de mes plus grands regrets et l’un de mes plus beaux souvenirs. C’est une ville magnifique et y retourner chaque année, c’est un pèlerinage. Découvrir l’Italie en commençant par Parme, c’est débuter un repas par le dessert. Avec les anciens Français, on parle tous avec nostalgie de notre période à Parme. » Avec nostalgie, car l’âge d’or appartient bel et bien au passé.
La Lazio vers son propre stade ?
Du côté de Rome en revanche, Ousmane Dabo se veut optimiste car « le club est en train de se restructurer, il y a une bonne base de jeunes joueurs. D’ici quelques années, ils pourront lutter pour le titre. » Pour le joueur formé à Rennes, « le retard par rapport à la Juventus ou la Roma n’est pas énorme. Ils sont déjà mieux financièrement avec des bilans positifs, ce qui est rare en Europe. Maintenant, l’équipe doit progresser par petites touches pour rivaliser avec la Juve et la Roma, mais ces deux clubs-là ont mis beaucoup d’argent dans les transferts. À la Lazio, ils ont adopté un modèle qui ressemble plutôt à Dortmund, avec des efforts dans la formation. » Et peut-être un effort dans l’acquisition d’un stade, condition sine qua non selon Dabo pour que la Lazio revienne durablement au sommet : « La Juventus a déjà son stade, c’est un énorme avantage. Dès qu’un club est propriétaire de son stade, cela change la donne. La Roma y travaille, j’espère que la Lazio va aller dans cette voie aussi. Le club doit se caler sur le modèle des clubs les plus modernes. Ils ont un tel potentiel populaire derrière. C’est un club qui doit jouer la Ligue des champions régulièrement. Ils ont les bases pour. » Tandis qu’à Parme, se maintenir parmi l’élite et survivre, ce serait déjà un exploit, quinze ans après avoir mangé sur le toit de l’Europe…
Par Nicolas Jucha