ACTU MERCATO
Paris sur Dybala : une bonne idée, vraiment ?
C'est la dernière rumeur d'un mercato parisien qui n'en manque franchement pas : Leonardo et le Paris Saint-Germain auraient pris langue avec l'entourage de Paulo Dybala, que son frère et agent annonce sur le départ de la Juve. Mais pour quoi faire ? Si, financièrement, l'opération semble envisageable, elle l'est beaucoup moins sportivement. Du moins dans l'immédiat.
Il souffle, depuis son retour à la direction sportive du Paris Saint-Germain, le chaud et le froid sur le mercato parisien. Surtout le froid, d’ailleurs. Illustration dimanche encore, dans les colonnes de L’Équipe, à l’heure pour le beau Leonardo de faire un rapide point sur les dossiers estivaux du PSG : « Cette équipe-là est presque faite, au sens où elle est complète, déjà compétitive.(…)On avait parlé d’un défenseur central et d’un milieu défensif. Le premier est arrivé avec Abdou Diallo, on cherche le second. » Un six et « terminé bonsoir » , donc ? Pas un mot, en tout cas, sur cette rumeur, balancée vendredi par RMC Sport, d’un intérêt – réciproque – du club de la capitale pour Paulo Dybala. Parce qu’elle n’a pas lieu d’être ?
L’aile ou la fuite
Peut-être bien que si, si l’on se souvient cette sortie du frangin de Dybala, Gustavo, dans l’émission Futbolémico, diffusée sur Radio Impacto, radio 100% sport émettant depuis Córdoba, la ville où le numéro 10 de la Juve a effectué ses débuts en pro (en deuxième division argentine, à l’Instituto de Córdoba) en 2011-2012 avant de s’envoler pour Palerme. « Il y a de fortes possibilités que Paulo quitte la Juventus cet été, il a besoin d’un changement, a ainsi distillé celui qui est aussi l’agent de la Joya. Je ne peux pas dire s’il restera en Italie ou à l’étranger. Il était très à l’aise en Italie, il ne l’est plus. » C’était le 15 mai dernier, au sortir de la quatrième saison de Paulo Dybala sous le maillot bianconero. De loin son exercice le moins abouti chez la Vieille Dame, le gaucher, bien moins influent qu’avant l’arrivée dans le Piémont de Cristiano Ronaldo, ne facturant que dix petits pions (contre 23, 19 et 26 lors des saisons précédentes), dont cinq en championnat, lui le troisième meilleur buteur de Serie A (22 buts) en 2017-2018.
Des stats au rabais s’expliquant en partie par le positionnement fluctuant du garçon, parfois décalé sur l’aile droite d’un 4-3-3, parfois placé en 10 derrière deux attaquants ; souvent un peu plus loin du but, en tout cas, que dans son rôle favori, celui de neuf et demi. Un poste inexistant dans le 4-3-3 de Maurizio Sarri, plus du genre à forcer la nature de ses joueurs – à l’image de N’Golo Kanté, systématiquement utilisé comme relayeur plutôt qu’en sentinelle à Chelsea – qu’à s’adapter à leurs qualités. Dans ce système, Dybala n’aura sans doute guère le choix : ce sera à droite ou rien. La perspective semble convenir à l’Argentin, si l’on en croit Le Corriere dello Sport, qui assurait ce week-end que l’Argentin donnait toujours sa priorité à la Juve. Dans le cas contraire, et si le PSG se décidait à aller chercher plus qu’un joueur d’ici la fin du mercato, Dybala constituerait-il la solution idoine pour le club de la capitale, et inversement ?
Abondance d’ego nuit
Au prix annoncé çà et là, oui : dans un monde où Aaron Wan-Bissaka, une saison de Premier League dans les pattes, coûte 55 millions d’euros, et où Youri Tielemans, en perdition à Monaco pendant dix-huit mois, en vaut 45, un Paulo Dybala dont le montant se situerait entre 50 et 60 plaques a des allures de casse du siècle. Plus qu’une réponse aux besoins parisiens du moment, l’Argentin représenterait ainsi, à ce prix et à seulement 25 ans, ce que certains médias appellent « une opportunité de marché » à côté de laquelle peut difficilement passer le PSG. Un achat compulsif, en d’autres termes, ce à quoi ressemblerait, en dépit du talent indéniable du bonhomme, son acquisition. Du moins dans l’immédiat, c’est-à-dire aussi longtemps que Neymar portera la liquette parisienne. Car si Thomas Tuchel décide de faire du 4-4-2 utilisé lors des deux premiers matchs amicaux son schéma préférentiel, la deuxième place dans l’axe aux côtés de Mbappé semble, pour peu qu’il reste, promise au Ney, fréquemment utilisé dans ce registre avant de se péter la saison dernière.
L’abondance de talents ne nuit pas ? L’abondance d’ego si, en revanche. L’ego, c’est pourtant ce à quoi tiennent en bonne partie les velléités de départ d’un Dybala lassé de l’omnipotence de CR7 sur le rectangle vert à la Juve, si l’on en croit son frère, toujours au micro du RMC nord-argentin : « Hors du terrain, Paulo n’a jamais eu de problèmes avec Cristiano Ronaldo. C’est une très bonne personne, ils s’entendent bien. Les problèmes sont sur le terrain : on ne peut rien contre lui et Paulo est jeune… » D’ego, il est aussi pas mal question depuis l’été 2017 à Paris, où il était déjà difficile de faire cohabiter Neymar et Cavani, et où Mbappé aspire désormais à « plus de responsabilités » . Ajouter Dybala dans une telle équation pour, au choix, l’aligner à droite où Di María et Sarabia vont déjà être mis en concurrence ou l’installer dans l’axe aux dépens de Neymar, alors confiné dans le couloir gauche, aurait quelque chose d’assez périlleux. Déjà réalisable financièrement aux conditions évoquées, une éventuelle venue de l’international argentin (24 sélections, 2 buts) semble, du coup, suspendue à un départ de l’homme aux chevilles d’argile. Comme la fin du mercato parisien, en fait.
Par Simon Butel