- France
- Paris Saint-Germain
PSG et la poule au Ballon d’or
L’enquête de police en cours sur le PSG a révélé, selon Mediapart et Le Monde, le long travail d’influence et de lobbying du club parisien auprès de France Football. Ce titre organise le Ballon d’or, un enjeu de taille pour les joueurs et leurs employeurs. Finalement, est-ce surprenant ?
Le PSG défraie la chronique en ce moment sur le terrain judiciaire. Après la révélation de l’intervention de l’actuel ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, pour favoriser fiscalement le transfert de Neymar en 2017, une autre affaire vient de sortir sur les sites de Mediapart et du Monde, et concerne cette fois la stratégie d’influence du PSG auprès de la presse et son rôle comme relais du soft power qatari. Les policiers qui poursuivent leur investigation sur le club parisien ont déniché dans le téléphone de Jean-Martial Ribes – ancien directeur de la communication du club parisien (sous le coup de sept mises en examen et toujours présumé innocent) –, des échanges avec ou concernant Pascal Ferré, ex-rédacteur en chef de France Football, désormais salarié au PSG en tant qu’attaché de presse. Si la plupart des faits qui y sont révélés ne semblent pas forcément délictueux ou illégaux, ils jettent une lumière assez crue sur les relations entre la presse sportive et le foot professionnel.
Un lobbying pour le Ballon d’or
France Football organise surtout le Ballon d’or. Cette récompense ne possède pas seulement une dimension symbolique ou sportive. Elle pèse aussi économiquement et surtout dans la stratégie globale d’un club pour s’affirmer en Europe, voire dans le monde. Il n’y a donc rien de surprenant sur le fond qu’après de lourds investissements effectués, par exemple autour de la venue de Lionel Messi, le PSG ait cherché à rentabiliser, y compris en matière de marketing, la venue de l’ancienne star catalane. Les méthodes peuvent surprendre, mais le foot pro, avec les centaines de millions, voire milliards d’euros qu’ils brassent, adopte finalement les coutumes ordinaires du monde des affaires. Le Ballon d’or participe à son échelle à cette réalité.
Dans ce cadre, y compris au quotidien, échanges de bons procédés (une interview d’une star de l’effectif dans l’attente d’une contrepartie) et de cadeaux divers (en l’occurrence, et entre autres, des places pour un PSG-OL) sont fréquents. Une réalité qui ne se limite pas à France football (un journaliste du Monde est également cité), ni à la France évidemment. Ils posent du côté des journalistes les enjeux de l’éthique, voire de la frontière avec la corruption. En face, pour le PSG, ces démarches soulignent une volonté de lobbying, qui s’inscrit également dans le cadre plus global de la diplomatie de Doha.
Des reportages élogieux envers le Qatar
De fait, le plus inquiétant ne réside pas dans les voyages offerts ou les entrées en loges VIP, serait-ce pour favoriser l’obtention d’un Ballon d’or – qui après tout sert d’abord à cela –, mais dans le travail de sape afin de faire pression sur la ligne éditoriale de France Football ou même d’exercer une forme de censure. En juillet 2019, Jean-Martial Ribes, directeur de la communication du PSG, exige quasiment de Pascal Ferré qu’il retire du fil info de L’Équipe et de France Football la reprise des infos d’un article de Mediapart sur des commissions occultes qui embarrassent Nasser AlKhelaïfi. Ce qui sera fait dans la journée. De même, après un déplacement largement payé par le Qatar selon Mediapart, deux articles de Pascal Ferré paraissent dans France Football, très élogieux pour le futur organisateur du Mondial, notamment un photoreportage sur les fameux stades, alors au centre d’une polémique sur le nombre d’ouvriers migrants morts pour les construire. En matière de gravité, ces derniers points, même s’ils ne sont pas forcément répréhensibles par la loi, s’avèrent bien plus préoccupants que les deux Ballons d’or de Lionel Messi durant son passage dans la capitale. L’attaquant argentin n’a, en outre, guère payé de reconnaissance en retour le club parisien pour ses nombreux efforts souterrains.
Par Nicolas Kssis-Martov