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Bradley Barcola, l'autre exception
Débarqué dans la capitale à 20 piges avec tout juste une demi-saison de Ligue 1 dans les pattes, le gamin de Lyon a réussi ce que peu de joueurs de son âge avaient réussi avant lui au PSG : s’imposer comme une pièce maîtresse, le tout sans s'appeler Mbappé. Confirmation ce mercredi face à la Real Sociedad ?
Même âge au moment de s’engager au Paris Saint-Germain, même secteur de jeu, mais les comparaisons s’arrêtent là. Un an après Hugo Ekitike – parti cet hiver à Francfort après dix-huit mois très compliqués –, les Rouge et Bleu ont de nouveau misé sur un gamin de 20 ans pour venir renforcer leur attaque l’été dernier. Sauf que cette fois, Bradley Barcola est en train de leur donner raison. Une réussite loin d’être acquise en novembre dernier, quand le garçon ratait son entrée en jeu contre Newcastle, avant d’être le sacrifié après l’expulsion de Gianluigi Donnarumma au bout de dix minutes, le week-end suivant au Havre. Un enchaînement terrible qui aurait pu faire sombrer l’intéressé. Mais qui a au contraire définitivement lancé son aventure dans la capitale.
Adaptation express
Ce mercredi soir face à la Real Sociedad, l’homme tressé fêtera vraisemblablement sa deuxième titularisation en Ligue des champions, signe qu’il est désormais une pièce maîtresse de la machine assemblée peu à peu par Luis Enrique. « Moi, j’étais confiant, il fallait surtout se concentrer sur la qualité intrinsèque du joueur, assure Fabrice Pancrate, lui aussi arrivé à Paris à un jeune âge (24 ans), après une grosse saison de Ligue 1 au Mans. La première fois que je l’ai vu jouer avec Lyon, je me suis dit : “Mais c’est qui, ce joueur ?” Ce qu’il faisait était impressionnant. Lyon doit se bouffer les doigts, même s’ils n’avaient pas le choix. C’est l’une des meilleures recrues, si ce n’est la meilleure, que le PSG ait faite. Enrique s’est vite rendu compte que le penchant de Dembélé à gauche, c’était Barcola. »
Le technicien espagnol a d’ailleurs joué un rôle majeur dans sa venue en août dernier, quand la cible offensive prioritaire de la fin de mercato se nommait plutôt Randal Kolo Muani. Lequel s’assiéra sur le banc du Parc des Princes face aux Txuri-urdin, pour faire place nette à son jeune coéquipier. « C’est remarquable pour un jeune joueur comme lui. Au vu de ce qu’il fait, c’est plus qu’étonnant, apprécie Guy Lacombe, bien conscient de la difficulté pour des joueurs en manque de vécu de conquérir la Ville lumière. Je pense qu’il est tombé sur un entraîneur qui l’aime bien et, surtout, utilise tout le potentiel des joueurs. C’est la marque d’un joueur qui va vers le très haut niveau. » « À partir du moment où l’entraîneur te met titulaire, il s’en fout que tu aies 21, 22 ou 23 ans. Il estime que tu vas faire gagner l’équipe, que tu es important. Tu prends de l’assurance et tu es libéré, tu n’as pas d’état d’âme », embraye Pancrate.
« Chape d’aura » ou « insouciance » : Paris passe la jeunesse au crible
Le club de la capitale est pourtant habitué à voir les jeunes pépites venues des quatre coins de l’Hexagone éprouver de grandes difficultés à leur arrivée. Ce fut notamment le cas d’Amara Diané, venu de Strasbourg du haut de ses 23 printemps avec de grands espoirs sur les épaules. « Quand Amara est arrivé à Paris, il y a eu une chape d’aura qui lui est tombée dessus, avant même d’avoir pu exprimer son talent sur le terrain, se souvient Guy Lacombe. Ça a été beaucoup plus compliqué que Barcola, je me souviens d’un match où il n’était pas titulaire et il arrive au Parc en étant déjà une idole avant même d’avoir joué. Pour Barcola, c’est vraiment naturel. On a l’impression qu’il joue comme il l’a toujours fait. Il vient quand même d’un club très reconnu et très médiatique, c’est quelque chose qu’il maîtrise bien, je pense. »
Passer le cap au pied de la tour Eiffel est toujours un peu plus difficile qu’ailleurs pour ces jeunes pousses. « Paris, avec la pression qu’on lui connaît, un effectif plus conséquent, c’est plus compliqué de s’y imposer que dans un autre effectif de Ligue 1. C’est un club qui fait sans cesse parler de lui avec une pression populaire, médiatique, on doit gagner tous les matchs », appuie Jérémy Clément, lequel avait également dû en passer par là pour lancer une aventure parisienne débutée à 22 ans après avoir notamment fait ses gammes… dans le Rhône. Lui voit au contraire l’âge comme un atout potentiel : « Je suis arrivé à une époque où le club n’était pas très bien classé. Avec l’insouciance de la jeunesse, peut-être qu’on se pose moins de questions. Ça a du bon et du moins bon, ça permet de se dire : “voilà je suis sur un terrain, je ne réfléchis pas trop aux conséquences.” »
« Des fois, je me vois un peu en lui. Il s’en fiche, il joue son football comme il jouait dans son quartier. Tu sens qu’il ne doute pas, il est sûr de ses qualités, enchaîne Pancrate, qui s’était servi de la même recette pour faire son trou voilà 20 ans. J’ai eu la chance que le contexte soit particulier, je suis arrivé sur la pointe des pieds comme doublure de Fabrice Fiorèse, donc je savais que je n’avais pas de pression à me mettre. J’ai joué sans complexes, je savais très bien les qualités que j’avais au Mans. » Une pression à laquelle ces jeunes venus de l’extérieur sont moins habitués que les Titis issus du centre de formation. « Les gars de Paris sont baignés dedans, ils connaissent le contexte, assure Lacombe. Je me souviens que Chantôme, Mabiala, ça ne leur posait pas de problèmes de jouer. Certains joueurs venus de l’extérieur ont du mal à prendre toute cette dimension qu’est Paris. Comme je disais à l’époque, il faut être au Paris Saint-Germain et pas à Paris. Le PSG, c’est au Camp des Loges (à Poissy désormais, NDLR). L’inconvénient de Paris, c’est que c’est une ville qui attire beaucoup la lumière vers vous, mais en contrepartie, vous pouvez vite vous brûler. »
Une tête bien faite
À moins de disposer d’une force de caractère à toute épreuve, ce qui semble être le cas de Barcola, ancien habitué de la cellule mentale de l’Olympique lyonnais. « Son arrivée chez les pros l’a métamorphosé à ce niveau-là, affirmait l’été dernier Eric Hély, son entraîneur chez les U19 de l’OL, dans le n°208 de So Foot. Mais il n’est jamais passé outre sa personnalité. C’est sûrement un défaut, vu le monde méchant dans lequel on vit, mais c’est avant tout une qualité, car cela montre à quel point c’est un gamin intègre. » Une façon d’être qui impressionne tout le monde. « Quand je suis arrivé à Paris, je n’étais clairement pas programmé pour jouer 80 matchs en deux ans. J’ai débarqué pour être un second couteau. Ce qui a fait que j’ai joué autant, ce sont mes qualités personnelles et mentales », illustre pour sa part Lionel Potillon, recruté par Paris avec un bagage plus conséquent, après huit saisons à Saint-Étienne.
Au sein d’un PSG version QSI qui a souvent rechigné à aller piocher en Ligue 1 (Barcola est seulement la douzième recrue débarquée directement de l’Hexagone depuis 2011), les exemples de cracks n’ayant pas encore prouvé leur valeur et devenus des joueurs majeurs ne sont pas légion. Surtout que tout le monde ne s’appelle pas Kylian Mbappé. « Peut-être qu’à Paris, tout est allé trop vite pour Ekitike, mais vous allez voir ce qu’il va faire à Francfort, croit Pancrate. C’est un joueur incompris, même s’il a peut-être pris un peu la grosse tête en allant à Paris et qu’il n’a pas su assumer. Paris est un lieu spécial, il ne suffit pas d’avoir des qualités, il faut que ça suive mentalement. Si tu n’es pas fort dans la tête, tu te fais bouffer à tous les niveaux. » Heureusement pour Paris, l’échec de l’ancien Rémois n’a pas découragé les dirigeants de miser sur une nouvelle pépite. « Ekitike n’a pas marqué ce but qui aurait pu lui déclencher des choses, regrette Lacombe. C’est très différent, mais quand j’ai débuté, j’étais à Nantes, qui était champion de France. Vous jouez avec de bons joueurs, quand les ballons arrivent, il ne faut pas trembler. »
Encore plus impressionnant, le n°29 – tiens tiens, comme un certain Kylian Mbappé à son arrivée – est en train de passer outre son tempérament réservé dans la vie pour briller sur le pré. « Sa timidité, je pense que c’est une force. Il joue au football comme s’il jouait dans son jardin », affirme Pancrate, suivi par Clément : « Ce n’est pas négatif. Lorsqu’on est bon sur le terrain, on est accepté dans un groupe. Il vaut mieux être performant en ayant un caractère introverti plutôt que de parler beaucoup, mais que les prestations ne soient pas bonnes parce que ça, les joueurs le ressentent. » Ce rendez-vous face à la Real Sociedad apparaît comme l’occasion idéale de confirmer son nouveau statut, lui qui a longtemps peiné à performer dans les plus gros matchs. « Il y avait le Bradley de National 2 et le Bradley de Youth League. En championnat, il s’amusait. Mais quand arrivait l’Europe, il se contentait du minimum. Comme s’il était inhibé parce qu’on jouait contre Benfica et Salzbourg. Il a donc fallu le détendre, en lui disant que c’étaient des mecs de son niveau », raconte encore Eric Hély. Le continent ne demande qu’à s’enflammer à son tour.
Par Tom Binet, avec Andrea Chazy
Tous propos recueillis par TB, sauf ceux de Lionel Potillon, recueillis par AC, et ceux de Eric Hély, tirés du magazine So Foot.