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- PSG-Naples (2-2)
Paris, il était un soir de leçon
Après avoir lâché dans les derniers instants à Anfield mi-septembre, le PSG a saisi les dernières notes de sa troisième sortie européenne de la saison pour sauver les apparences mercredi soir. Mais ce PSG-Naples est surtout un carrefour après douze semaines de Tuchel : aujourd'hui, Paris semble devoir accepter de mettre de côté la possession pour laisser place à un football plus intense, percutant, qui colle davantage à ses individualités. Le contraire risque de continuer à servir une caricature lorsque le niveau s'élève et la Ligue des champions se gagne difficilement ainsi.
Thomas Tuchel ferme les yeux et semble retourner la chose comme un tangram. Puis, il souffle : « Honnêtement, je ne sais pas pourquoi… Je ne sais pas pourquoi, d’un coup, nous avons perdu la structure de notre jeu, nous avons commencé à nous compliquer les choses, à perdre des ballons faciles. Et quand tu fais ça face à Naples, une équipe composée de joueurs qui évoluent ensemble depuis plusieurs années, tactiquement, ça devient super difficile. » On rembobine. 21h42 à l’horloge, quarante-deux minutes écoulées sur la montre de l’arbitre du soir, Felix Zwayer : alors que Tuchel avait annoncé vouloir que son PSG avance avec « courage et intensité » , Adrien Rabiot casse une ligne italienne et se retrouve seul. Ballon suspendu au bout du pied, le milieu français lève le menton et constate. Aucun mouvement. Rien. Naples mène 1-0 au Parc des Princes, Thomas Tuchel est parti se planquer sur son banc depuis une bonne dizaine de minutes : le PSG cavale dans le vide et se retrouve ligoté par son ancien bosco, Carlo Ancelotti, réduit aux envols individuels d’un quatuor offensif incapable de ressortir ses schémas du week-end. Un vieux classique.
Mariage de sensibilités et supériorité numérique
Il paraît pourtant qu’ils avaient appris. Tuchel avait passé son apéro médiatique à le vendre, dépliant sa vision du foot comme « un effort collectif » et affirmant que la défaite d’Anfield, mi-septembre, avait été « nécessaire » dans le processus d’apprentissage d’un groupe désormais capable, aux yeux de l’entraîneur allemand et de la Ligue 1, d’avancer via un ensemble compact, variable et proactif. Reste que « sans une structure fiable, l’intensité ne peut exister » comme l’a planté mercredi soir Thomas Tuchel, quelques minutes après le deuxième accroc de son aventure parisienne (2-2). Entraîner est avant tout une affaire de mariage entre des hommes et des sensibilités : l’ancien coach du Borussia Dortmund en a fait sa cheville de style, le voilà face à ce col à Paris. C’est ce qu’aura avant tout raconté la réception de Naples (2-2), toujours invaincu cette saison en C1 et désormais en position de force pour rejoindre les huitièmes de finale de la compétition avant de retrouver le PSG au San Paolo, le 6 novembre prochain. Retour au terrain : face à Ancelotti et son fidèle 4-4-2 – qui a plutôt pris la forme d’un 3-5-2 au départ –, Tuchel avait décidé de ne rien changer, relançant sur la table son 4-2-3-1 et prenant ainsi le risque de voir son milieu affronter le mur de la « supériorité numérique » dans l’intérieur du jeu.
Après quinze premières minutes parisiennes, au cours desquelles Cavani, Neymar et Mbappé auront chacun eu leur flèche, c’est sur ce détail qu’est intervenue la première bascule, Marek Hamšik et surtout Allan fermant le moindre espace face à une doublette Verratti-Rabiot rapidement étouffée. Cette donnée a posé plusieurs problématiques au PSG, notamment celle de ne pas pouvoir sortir sur le porteur de balle sans prendre le risque d’ouvrir une porte, ce qu’a expliqué Marco Verratti après la douche : « Nous n’étions pas bien placés, récupérer des ballons dans ces conditions était difficile, d’autant qu’il fallait gérer cette supériorité numérique (provoquée par le placement de Fabián Ruiz, que les Parisiens ont été incapables de maîtriser sur plusieurs séquences). On ne pouvait pas attaquer le porteur du ballon, faire un pressing fort car derrière, il y avait toujours un joueur libre disponible. » Ainsi, Paris a plongé, laissé Naples empiler les vagues, poser ses triangles sur la pelouse, Thomas Meunier plier en solitaire sur son côté et finalement Lorenzo Insigne ouvrir le score à la demi-heure de jeu, cinq minutes après une reprise en bout de course de Mertens sur la barre.
Le déséquilibre plus que le contrôle
Ici, le contexte n’a rien à voir : c’est une histoire de maturité collective, mais aussi de méprise. Le 4-2-3-1 de Tuchel semble aujourd’hui contraire, lorsque le niveau s’élève, à ses demandes : ainsi construit, le PSG ne peut prétendre vouloir contrôler le ballon. Il lui faut fermer les espaces à l’intérieur du jeu, couper la zone d’expression des créateurs adverses – mercredi soir, Mertens, Insigne, Fabián Ruiz ont passé la première période sans aucune menotte –, tout en y ajoutant une intensité dans le pressing, où Paris n’a longtemps pas su répondre. D’où le réajustement des pions au retour des vestiaires, Bernat étant remplacé par Kehrer et le PSG formant un 3-4-2-1 avec deux numéros dix (Mbappé, Neymar), plus deux ailes disciplinées et tranchantes offensivement (Di María, Meunier). C’est dans ce système que Paris est revenu dans le match, après 45 minutes assez caricaturales, Ancelotti avouant avoir dû s’adapter rapidement – ce qu’il a fait grâce à la blessure d’Insigne, suppléé par Zieliński.
Ainsi, le cours de maîtrise d’Ancelotti a progressivement cessé, et le PSG a pu exister, Meunier poussant Mário Rui à une première égalisation et Ángel Di María en réussissant une seconde dans les arrêts de jeu pour sauver les apparences. Car les faits auront lâché d’autres conclusions : si Tuchel veut vraiment laissé Mbappé libre, il doit protéger le couloir du Français (via Meunier, dans un 3-4-3 par exemple) ; s’il souhaite que Neymar, dont le pressing mercredi soir a été inexistant, ce qui a favorisé les circuits de relance napolitains, soit un véritable dix, il doit assumer sa volonté de chercher le déséquilibre plus que le contrôle, mais aussi fortifier un milieu qui ne pourra assumer de la sorte de telles vagues trop souvent ; s’il décide de signer pour un football imprévisible, il doit parier pour cette défense à trois qui permet une projection à moindre frais et une concentration des forces au cœur du jeu, soit là où se fait bien souvent la décision d’un tel affrontement. Cette soirée doit être le moment d’un choix de plan, de direction : Tuchel l’a dit entre les lignes mercredi soir. Ce qu’il n’a pas dit, même si on jure qu’il y a pensé, c’est que si l’on sait aujourd’hui que la Ligue 1 a récupéré un sacré coach avec Thomas Tuchel, il est parfois aussi bon de mesurer la chance qu’on a eu de voir Carlo Ancelotti dans le coin. Ce PSG-Naples était un bon rappel.
Par Maxime Brigand, au Parc des Princes