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Paris 2024 va-t-il changer la place du sport en France ?

Par Nicolas Kssis-Martov

Paris 2024 se termine sur un sentiment national de triomphe sportif, de bonheur collectif et de fierté tricolore, sous les yeux enamourés du monde entier éblouis par la beauté de la capitale française. Et maintenant, le sport changera-t-il vraiment de dimension dans l’Hexagone comme le foot après 1998 ?

Paris 2024 va-t-il changer la place du sport en France ?

« Le bonheur ne crée rien que des souvenirs », disait Balzac. Ces Jeux olympiques ne se limiteront-ils qu’à cet enthousiasme bleu-blanc-rouge qui saisit la nation ? Comment ne pas comprendre que le peuple français ait éprouvé un tel besoin, intime aussi bien que collectif, d’un gigantesque orgasme après un mois de juin anxiogène, marqué par le traumatisme d’une campagne électorale imposée au pays par Emmanuel Macron. Même les cris d’orfraie du RN et de ses portes-voix dans les médias Bolloré devant la cérémonie d’ouverture, après avoir promis l’apocalypse et la guerre civile en marge des épreuves, sont pour le moment inaudibles, y compris dans leur électorat qui aspirait aussi à souffler le temps des vacances. La France a réappris à s’aimer un peu, les victoires ont au moins ce mérite, à l’instar de la première étoile glanée en 1998.

Joue-la comme la Coupe du monde 1998 ?

Justement, la Coupe du monde à domicile, un peu partout sur le territoire, avait transformé en profondeur le regard sur le ballon rond, aussi bien de la part de nos élites politiques et intellectuelles que dans le peuple. Nous avions déjà remporté l’Euro en 1984, et l’or olympique aux USA la même année. 1998 fut un électrochoc, ou plutôt une révélation. Ce jeu était déjà le préféré de nos compatriotes, essentiellement chez les hommes, y compris en nombre de pratiquants. Mais il demeurait une arrière-cour de la grandeur nationale. La victoire de Zidane et Deschamps a modifié la perspective. Jacques Chirac, qui n’y connaissait rien, l’a pourtant compris dans l’instant. Par la suite, les thèses universitaires sur le sujet se sont multipliées et toutes les personnalités sortent dorénavant en interview leur petite anecdote perso vécue au stade Auguste Delaune ou au Vélodrome. Les Français tapaient pourtant auparavant – beaucoup – dans le cuir, et si la France n’est pas devenue en un soir magique du 12 juillet un « vrai pays de foot », à la manière britannique ou transalpine, le foot pèse désormais lourdement dans les débats et la vie nationale. Il n’est plus ou pas simplement un sport.

Les sports, que représenteront-ils dans la société maintenant que la flamme s’est définitivement posée dans le jardin des Tuileries pour partir vers Los Angeles ? Paris a offert un écrin somptueux à la liturgie du CIO et les photos du Grand palais ou de la Concorde, transformés en temple sportif, ancrent la légende dans les cœurs et les esprits. Cassandre Beaugrand, Antoine Dupont, Léon Marchand, Teddy Riner… Les héros et héroïnes du peuple sont immortels dans l’instant d’une parenthèse enchantée. Les plateaux télé n’ont vibré qu’à l’unisson d’une extase tricolore qui laisse croire que la rentrée s’ouvrira sur la page blanche d’une France réconciliée, symbolisée par un Club France en liesse, accueillant ses médaillés comme autrefois le bus des bleus fendit lentement la foule au lendemain du sacre de Saint-Denis.

La réussite d’une nation sportive

Dès lors, s’est-il construit sous nos yeux, y compris ceux des vilains esprits critiques à deux doigts d’être désormais fichés S, la nation sportive rêvée par Emmanuel Macron ? Nous l’étions déjà grandement en fait, nous l’ignorions juste. Alors que s’égrène toujours le lieu commun d’une France rétive au culte du muscle et toujours obsédée par les lettres classiques, rappelons que ces podiums sont le fruit d’un vaste réseau d’associations, 200 000 clubs au moins rassemblant près de 17 millions de licencié-es encadrés par plus de 3 millions de bénévoles, soutenu par les collectivités (qui investissement plus du double que le budget de Paris 2024 dans le sport), les pouvoirs publics, le ministère…Les Français et Françaises peuvent légitimement considérer ces médailles comme les leurs, le résultat d’un long effort commun mais surtout d’une solidarité nationale qui a construit les stades, les gymnases, les piscines où se sont d’abord murmurés les futurs cris de joie à l’Arena de Nanterre. Les buts de Kylian Mbappé en 2018 ont aussi débuté leur course sur un terrain municipal du coté de Bondy.

Quelle place occupera le sport dans l’avenir du pays une fois sauvegardées les storys Instagram dans le cloud, et le château de Versailles rendu à sa fonction patrimoniale – au passage, nous ne connaissons toujours pas le nom du prochain ministre en charge du dossier et qui devra sûrement négocier les baisses budgétaires avec Bercy. Il n’est pas certain que les doux souvenirs transforment durablement la situation du sport et de l’EPS dans les collèges délabrés de Seine-Saint-Denis et dans le club de VTT d’un village d’Ardèche. Enfin et surtout, ces « Olympix  » qui ont chanté la gloire des anneaux au pied du Trocadéro ou à la Villette seront-ils les dignes descendants des « Footix », qui confondront le fond et la forme, la culture sportive et les paris en ligne ? Ou ne résisteront-ils pas à la longue attente entre deux Olympiades, surtout quand la prochaine se déroulera avec huit a neuf heures de décalage horaire.

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