Comment deviens-tu gardien, Parfait ?
J’ai commencé défenseur central. Puis un jour, vers 9-10 ans, notre gardien était absent, je suis allé dans les buts et j’ai fait un bon match. Mais en continuant dans les cages, je me suis vraiment rendu compte que c’était difficile, surtout que j’avais un coach assez sévère. Plusieurs fois, j’ai voulu arrêter… Ce qui a fait que j’ai continué, c’est que je faisais à chaque fois des bons matchs. Et puis ça me plaisait d’être applaudi par – à l’époque – les papas et les mamans qui disaient parfois « Waah, c’est impressionnant l’arrêt que t’as fait là ! »
On imagine qu’il n’y a pas que les acclamations, mais aussi les sauts, les prises de balle…
Ouais en plus, c’étaient des arrêts assez spectaculaires, comme je pense que j’ai l’habitude de faire… Je me suis dit que j’avais peut-être ça dans le sang, et ça m’a beaucoup plu. Surtout qu’en tant que défenseur, si tu loupes ton tacle spectaculaire, t’as un carton rouge. Si tu te loupes en tant que gardien, il y a but, mais tu restes sur le terrain (sourire).
Tu arrives au centre de formation de Caen vers quel âge ?
J’y débarque à 14 ans, en tant que gardien. J’ai fait quatre belles années là-bas, puis on ne s’est pas entendus en matière de contrat et je suis allé à Bordeaux. J’avais plusieurs possibilités : Le Havre – où je ne voulais pas signer parce que mon frère y était -, Metz, Bordeaux, mais au départ, je voulais aller à Amiens pour avoir un contrat pro en Ligue 2, mais ça ne s’est pas fait. Il y a eu le PSG aussi. J’ai été y faire un essai, ils ont vraiment aimé, mais je n’ai pas voulu y aller. À Paris, c’est désormais presque impossible pour un jeune d’éclore là-bas, mais déjà à l’époque, c’était très difficile.
Après Bordeaux, en 2009, tu refuses un contrat à Ipswich Town ?
À la base, j’étais allé à Cardiff. Là-bas, ça s’était très bien passé, mais ils ont finalement eu un gardien de Manchester United en prêt à ma place. Et même s’ils voulaient le faire partir, lui ne voulait pas. Cardiff m’a donc conseillé d’aller à Ipswich pour me garder dans les parages. Mais là-bas, c’était voilà… Je ne me sentais pas à l’aise, et j’ai décidé de revenir en France.
À ce moment, tu n’as pas l’impression d’être un peu trimbalé partout ?
Non parce qu’à l’époque j’étais jeune et c’était flatteur parce que c’étaient les clubs qui s’intéressaient à moi, pas moi qui venais vers eux. Je me disais « Ouaah, c’est que j’ai de la qualité, je peux réussir dans le football ! »
Tu te mets une pression pour être dans un club d’un certain standing, compte tenu de la carrière de ton frère ?
Mon frère, c’est mon frère, moi c’est moi, chacun a sa carrière. Si par exemple, mon frère était médecin et moi éboueur, ça n’aurait rien changé. C’est vrai qu’on fait le même métier, mais on ne va pas vivre notre carrière à deux.
Tu as déjà dit : « Mon nom de famille m’a valu beaucoup de méfiance et de méchanceté. »
Oui, mais c’est surtout en France que ça m’a porté préjudice. Je ne suis pas le seul à le vivre, mon petit frère Riffi est passé par là, et j’espère qu’Over (le quatrième frère est également gardien, ndlr) ne vivra pas ça. Mais moi, à partir du moment où on me met des bâtons dans les roues, je me sentais obligé de partir de France. Quand je suis arrivé à Beauvais, après Bordeaux, j’étais en concurrence avec le gardien titulaire. Puis vers la fin de la saison, le coach me demande des places pour Nancy-Marseille. On était le jeudi, et le match se jouait le lendemain, automatiquement c’était impossible. Et du jour au lendemain, je me suis retrouvé quatrième gardien. Pourtant, ma mentalité et mes qualités n’avaient pas disparu… Le coach ne m’a rien dit du tout, mais je me retrouvais même sur le banc en réserve, donc je ne vois rien d’autre comme explication.
Tu pars donc en D2 turque où tu te fais ta place au point de séduire Manisaspor (D1) où tu es prêt à signer, mais le président n’est jamais venu…
Être deuxième gardien de D1 à 21 ans, pour moi c’était bon ! Je fais la préparation avec eux, je reste un mois et demi pendant lequel on parle de contrat sans rien signer. Puis un jour, j’apprends que le président a disparu. Là, je me dis « Oooh c’est chaud, imagine que le club ferme ! » Je reste quand même encore un peu, puis je suis parti avant de prendre des risques et finalement le club a été rétrogradé en D2 (et il a appris que le président était en prison pendant son « absence » , ndlr).
Qu’est-ce qui t’a surpris le plus en Belgique en tant que voisin français ?
Je pense que c’est le flamand. Comment peut-on avoir deux langues dans un pays ? Parce qu’en plus, ce sont des mentalités différentes. Je l’ai un peu appris lors du passage d’un entraîneur néerlandais, avec des « Verdoemen » , « Manneke » , etc. Mais mon premier match… Bon, il y a eu des bonnes choses, mais ça s’est mal passé parce que lors d’un coup franc au milieu de terrain botté dans ma zone, je recule pour la prendre tranquillement, mais elle fait un rebond et rentre dans le but. Je pense que le club a paniqué et s’est dit : « Qu’est-ce que c’est que ce gardien encore ? » Et ils ont donc ramené un autre gardien pour la saison.
On te surnomme le chat pour tes sauts : qu’est-ce que tu préfères comme arrêt ?
Avec l’expérience, j’ai beaucoup changé. Avant, j’étais un peu fou fou, je sortais n’importe où, j’allais sur tous les ballons… Petit à petit, je me suis calmé, je préfère anticiper le jeu, alors qu’avant, j’adorais plonger et m’étendre sur des grosses frappes. Désormais, je préfère être sobre que faire du show parce que derrière, tu ne sais pas ce qui peut t’arriver.
Ton frère Steve a fait de la boxe, et toi ?
Moi aussi j’ai fait un peu de boxe, mais un jour, à l’entraînement, j’avais dû faire un combat contre une fille et elle m’a mis KO. Depuis ce jour-là, j’ai arrêté…
Tu as connu la chance, voire la bizarrerie, de jouer contre ton frère en sélection nationale… (Parfait et Steve se sont rencontrés avec la RDC et l’équipe de France A’, ndlr)
À part nous, il y a peut-être les frères Boateng, donc c’est quelque chose que tu ne vas pas oublier, que tu vas raconter à tout le monde, même quand je serai vieux à mes petits enfants. J’étais sur le terrain, je voyais mon frère de l’autre côté… T’as envie de gagner, mais tu ne veux pas que ton frère fasse une boulette ou prenne des buts, comment veux-tu gagner ?
C’était ta première sélection, à 18 ans. Pourquoi avoir choisi le Congo ?
En fait, on s’était concertés avec les Congolais d’Europe et on a décidé d’y aller tous pour faire honneur au pays. On était une dizaine à y aller, aujourd’hui on n’est plus que quatre de cette génération.
C’est en équipe nationale que tu as eu l’occasion de rencontrer Robert Kidiaba, est-ce qu’il est aussi fantasque que sa danse du cul le laisse transparaître ?
Il faut savoir que Robert a quand même 40 ans, et en dehors du terrain, on l’appelle « papa » . C’est quelqu’un de calme, de réservé… Mais sur le terrain, il faisait des trucs à son âge que même moi maintenant je ne pense pas que je les ferais. En jouant, il devenait une autre personne, un enfant. Mais uniquement sur le terrain hein : à l’extérieur, tu voulais rigoler avec lui ? Non.
https://www.youtube.com/watch?v=aMk5Ay0OeYk
Une rumeur dit qu’il existe une photo où on voit les Léopards du Congo par terre dans un avion au retour d’une défaite ?
C’était le mois dernier, même moi j’en ai entendu parler ! Mais non non non, il y a une rumeur qui a circulé parce qu’on avait perdu en Centrafrique, et c’était censé nous représenter punis dans l’avion, ce n’est pas vrai. À côté de ça, la Centrafrique est un pays en guerre et ça faisait trois ans qu’ils n’avaient plus accueilli un match de foot quand on est arrivés. Mais ça s’est mal passé : tu vas jouer un match de foot et tu vois un char, des lance-rockets, des militaires avec des armes… tu ne te sens pas en sécurité. Mais il faut savoir que quand tu vas jouer dans un autre pays, l’armée appartient à ce pays. Imagine que tu bats ton adversaire, si tu crois que l’armée va te protéger alors que t’es en Afrique…
Tu as dit : « En Libye avec le Congo, on s’est arrangé pour ne pas marquer, sinon on ne revenait pas vivants. »
La Libye, c’était encore pire que la Centrafrique… À l’entraînement, tu entends des tirs, des bombes, tu ne sais pas ce qu’il se passe, on nous dit « Ils s’entraînent comme vous. » Pendant le match, il y avait deux hélicoptères constamment et quand l’arbitre a sifflé la fin du match, l’armée n’était plus là autour du terrain. Qui va te protéger des supporters ? Ils nous lançaient des pierres, c’est choquant. Va gagner dans un pays comme ça, tu rentres comment ?
Tu ne lis pas les articles te concernant, mais tu rigoles des photos, c’est vrai ?
C’est à cause de Harlem Gnohéré (Dinamo Bucarest) qui aime bien me critiquer. Il paraît que quand je joue, je fais des têtes bizarres, donc quand je vois des photos, je regarde directement ma tête pour ne pas me faire charrier.
On termine avec le jeu de mot le plus ridicule avec ton prénom ?
« C’est parfait, Parfait ! »
L'homme qui répare les maillots cassés