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Pardew et le piège de Crystal
Plus qu'un retour à la maison, à Crystal Palace, Alan Pardew a quitté les Magpies, agacé par les vents contraires, provenant du board ou des tribunes. Mais ce départ vers le premier relégable de Premier League interroge tout de même sur l'attractivité de Newcastle.
« Les supporters avaient l’habitude de lui mener la vie dure, et pourquoi ? Parce qu’il portait ses shorts trop haut ? Parce qu’il avait les cheveux décolorés ? C’était un mec super pour nous, Super Al. » Ian Wright rappelait il y a peu dans la presse anglaise qu’Alan Pardew, son coéquipier à la fin des années 80 à Crystal Palace, n’avait pas attendu d’être coach de Newcastle pour subir l’humeur – versatile – des fans. Et pourtant, c’est officiel depuis ce samedi, « Super Al » sera bien sur le banc dimanche, contre Douvres, en FA Cup, pour son premier match à la tête de Crystal Palace, après une négocation aboutissant au versement de 4,5 millions d’euros par les Eagles aux Magpies.
Le modèle Arsenal s’envole
On peut parler d’un joli coup – certes cher – pour Crystal Palace. 18e de Premier League, le club londonien a réussi à rapatrier le coach du 10e du championnat, d’un plus gros club, après s’être fâché avec Tony Pulis – le coach qui ne descend jamais – juste avant le départ de cette saison, après avoir enrôlé à la hâte un Neil Warnock clairement limité et en rachetant le coach au contrat le plus long du Royaume. En septembre 2012, Alan Pardew avait en effet paraphé un bail de 8 ans avec les Magpies. À l’époque, Derek Llambias, le directeur sportif des Geordies, avait justifié cette folie : « Si vous regardez des clubs comme Manchester United et Arsenal, Sir Alex Ferguson et Arsène Wenger ont montré que la stabilité donne la meilleure des bases pour arriver au succès, et c’est le modèle que nous souhaitons adopter ici. » Il faut donc croire que le modèle a changé, ou alors que Pardew ne faisait plus vraiment l’affaire, si Newcastle l’a autorisé à engager des discussions avec les Eagles.
Pardew double son salaire
Branché sur courant alternatif avec la Toon Army, auteur d’un coup de tête impensable contre un joueur de Hull City la saison dernière, frustré par son manque de pouvoir dans le recrutement des Magpies (la future probable vente de Moussa Sissoko par exemple), irrégulier dans les résultats et le fonds de jeu, il ne restait finalement qu’un seul atout à Alan Pardew pour rester à Newcastle, même contre son gré : le prix de son contrat (environ 1 million d’euros l’année), gros frein à un licenciement. Pour raconter l’histoire d’un départ sans fracas, tant d’un point de vue financier qu’humain, l’opportunité Crystal Palace était donc parfaite pour le board des Magpies. Newcastle s’évite un licenciement à 5 millions d’euros (soit le transfert payé pour un Cabaye par exemple), reçoit une belle compensation, Alan Pardew réussit à doubler son salaire à Londres, revient à la maison et aura les pleins pouvoirs sur les transferts. « Le board et le président n’ont jamais stoppé un entraîneur pour le transfert d’un joueur. Ce sera du ressort d’Alan, rassure Keith Millen, intérimaire sur le banc depuis le licenciement de Warnock, dans les colonnes du Guardian. Je ne pense pas que ce soit l’unique raison pour laquelle il soit venu à Palace, mais je sais que dans ce club, il aura son mot à dire sur les joueurs qu’il veut. »
Le but décisif d’Alan Pardew, belle toison blonde, sous les couleurs de Palace contre Liverpool, en demi-finale de FA Cup.
Mais au-delà du coup de force financier opéré par Newcastle dans cette opération, ce transfert plutôt surprise interroge sur ce qu’est devenu Newcastle. « C’était difficile parce que je quitte un grand club à Newcastle, justifie Pardew dans le Daily Mail. Mais c’est une décision que j’ai prise parce que je la sentais bonne pour moi-même, ma famille et ma carrière. » Tellement un grand club donc qu’il a sauté sur l’occasion – Newcastle aussi d’ailleurs – pour rejoindre le 18e de Premier League et Marouane Chamakh. En laissant partir Pardew, les Magpies se compliquent une nouvelle fois l’hiver. Dans les dernières heures du mercato hivernal en 2011, ils avaient laissé partir – contre près de 40 millions d’euros – leur buteur maison, Andy Carroll. Dans les derniers jours du mercato hivernal 2014, c’est Yohan Cabaye, leur maître à jouer, qui rejoint le PSG et son banc contre un chèque de 30 millions d’euros. Et aujourd’hui, c’est leur entraîneur, élu manager de l’année en 2012, qui quitte le Tyneside, mais cette fois-ci pour une destination de petit calibre.
« Ma maison est ici »
Sans gagner quoi que ce soit, Newcastle United est, contrairement à ce qu’avait récupéré le président Mike Ashley lors du rachat du club en 2007, un club aujourd’hui financièrement viable. Comme Arsenal, ce qui aurait pu faire plaisir à Derek Llambias, aujourd’hui à la tête des Glasgow Rangers. Sauf qu’Arsenal se qualifie chaque saison pour la Ligue des champions, alors que Newcastle peine à accrocher la Ligue Europa. Plus dispendieux, sexy et spectaculaire avant, Newcastle est malheureusement désormais devenu quelconque. Alan Pardew est, lui, retourné à la maison, sans se retourner : « À chaque fois que je suis revenu ici, j’ai toujours reçu un superbe accueil et je savais à un certain moment que j’aurais un jour la possibilité de travailler pour ce club parce que, vraiment, ma maison est ici. À tel point que je peux ranger ce club comme mon propre club. » Short haut ou pas.
Par Ronan Boscher