Depuis bientôt 4 ans, le Paris Saint-Germain a changé de dimension. Que ce soit sur le terrain, avec l’arrivée massive d’argent venu du Qatar, ou en tribunes avec le plan de sécurité instauré au printemps 2010 par le président de l’époque Robin Leproux, suite à la mort d’un habitué de la tribune Boulogne, Yann Lorence, lors d’incidents avec des supporters d’Auteuil. Depuis, si les résultats du PSG sont à la hauteur des ambitions de ses nouveaux dirigeants, peut-on en dire autant de l’ambiance au stade ? Pas si sûr. En instaurant un placement aléatoire en virages et en dissolvant toutes les associations de supporters, le PSG et l’État français ont transformé radicalement la composition des tribunes.
Se sentant mis à l’écart et s’estimant victimes d’une répression policière excessive, certains anciens abonnés du Parc mènent depuis 2010 un combat pour retrouver le droit de supporter leur équipe à la mode ultra, aussi bien à domicile qu’à l’extérieur. Certains d’entre eux, soucieux d’agir dans un cadre légal, avaient créé l’association LPA (Liberté pour les Abonnés) en octobre 2010. Face à la difficulté de nouer un dialogue durable avec le club, ils ont fini par se dissoudre en mars 2012.
Récemment, une partie des forces vives de LPA a relancé, avec l’appui d’autres supporters contestataires, une nouvelle structure nommée ADAJIS (Association de Défense et d’Assistance Juridique des Interdits de Stade). Les objectifs de cette association ? Défendre les droits des supporters, mais aussi être force de propositions pour parvenir à ouvrir de nouveau le dialogue avec le club et à faire évoluer l’ambiance du Parc. Pour preuve, ADAJIS a préparé un document intitulé : « Propositions de base de travail pour une concertation entre le club du PSG FC et ses supporters » . Actuellement soumis aux différentes composantes du supportérisme parisien et à des spécialistes de ces sujets, ce document, conçu comme évolutif et amendable, propose de « rétablir une relation de confiance et de respect entre le club et ses abonnés » et plus largement l’ensemble de ses publics. Pour cela, ADAJIS suggère de repenser les relations entre le club et ses supporters, en abandonnant le placement aléatoire et en favorisant la constitution de nouvelles associations de supporters qui s’engageraient, à travers une « charte » , à respecter des devoirs leur permettant de bénéficier de droits particuliers qu’elles pourraient perdre provisoirement ou définitivement en cas de comportements inappropriés.
Après avoir pris connaissance de ce document de travail (qui, du fait de son caractère provisoire, n’est pas encore rendu public par ADAJIS), So Foot a essayé d’en savoir plus sur cette initiative en interrogeant deux responsables de l’association, Mika, son président, et James, son porte-parole officiel. Rencontre avec ceux qui réclament un retour des associations de supporters au Paris Saint-Germain.
Dans quel but avez-vous rédigé cette base de travail ?
Mika : Le but était de mettre des idées cohérentes sur la table afin de réfléchir à une nouvelle manière de concevoir l’accueil et les relations entre le PSG et ses supporters. Nous avons dû agir sans nous soucier de ce que pensait le PSG, puisque celui-ci refuse de nous prendre en considération. Aujourd’hui, l’heure est venue de faire connaître officiellement notre projet. Il s’agit de mettre sur pied une base de travail à laquelle toutes celles et ceux qui veulent réfléchir à un retour des ultras puissent participer. Sans organisation, sans union des supporters, il ne peut y avoir de soutien cohérent à l’équipe. Oui, il faut un plan de sécurité, mais un vrai plan sans amalgames et hypocrisie, sans mettre les supporters de côté.
Mais le PSG et les autorités publiques ne semblent pas vouloir un retour des associations…
Mika : Il se dit pourtant çà et là que, au club, des gens réfléchissent au sujet de l’ambiance. Mais en effet, il n’y a rien de concret. La parole officielle c’est « pas d’ultras, pas d’associations » . Ce qui est étonnant, c’est que lorsque nous avons réalisé une distribution de tracts devant le Parc des Princes avant le match face à Rennes, on a pu prendre le pouls des tribunes. Tous les gens réclament de l’ambiance et beaucoup veulent le retour des ultras.James : On sait très bien où ça bloque ! Ce n’est pas au niveau de Jean-Claude Blanc (le directeur général délégué du PSG, ndlr). La raison du blocage vient principalement du responsable de la sécurité (Jean-Philippe D’Hallivillée, ndlr). Malheureusement, cette personne-là a tout pouvoir quant à la gestion des supporters
Tout tient donc, selon vous, à l’hostilité du responsable sécurité à l’égard des ultras ?
James : C’est le point central du blocage. Pour ce qui est de la sécurité au Parc des Princes, tout le monde s’accorde à dire que, après la mort de Yann Lorence en 2010, il était urgent de faire quelque chose pour revenir à une ambiance plus saine. On n’a jamais remis cela en question. Mais derrière, comment peut-on expliquer aux supporters qu’ils vont être les seuls à payer le prix des erreurs commises par le passé ? Alors que le chef de la sécurité est toujours là et, pire, qu’il est incontournable dans les discussions qu’il y a aujourd’hui à propos du Parc et des supporters…
On s’est adaptés aux méthodes du PSG pour mieux faire valoir nos droits
Quels sont aujourd’hui vos champs d’action ?
Mika : À l’origine, le but de LPA était d’être visible dans et autour des stades. Désormais, via l’association ADAJIS, on est présents sur le terrain juridique pour nous défendre face au PSG, qui veut nous faire taire. Au lieu de subir comme nous le faisions par le passé, nous attaquons en justice tout ce qui nous semble illégal (interdictions administratives de stade, refus de ventes infondés, annulations de billets abusives, arrêtés préfectoraux liberticides). On s’est adaptés aux méthodes du PSG et de l’État français pour mieux faire valoir nos droits. Parce que dans cette affaire, ce n’est pas nous qui sommes hors-la-loi, il faut bien que les gens comprennent ça.
Dans votre plan, vous prônez un retour des associations et la fin du placement aléatoire dans les kops.
James : Oui. Nous avons des discussions avec beaucoup de supporters, au-delà du cercle des contestataires et un constat est partagé par la plupart des gens : effectivement, la sécurité est efficace, mais pas dans des conditions normales d’accueil du public puisqu’une partie de celui-ci est mise à l’écart. Or aujourd’hui, il n’y a pas de dialogue avec le PSG – et nous ne parlons pas simplement de ceux qui contestent sa politique. Même les supporters actuels n’ont pas voix au chapitre. L’argument qui était avancé pour légitimer le placement aléatoire, c’était justement de dire qu’on allait mélanger les publics. En gros, avant, on nous reprochait de ne pas vouloir nous mélanger et aujourd’hui, on nous explique qu’on ne peut plus nous mélanger au public actuel… On sent bien que cette politique ne repose sur rien de logique. Leurs arguments ne tiennent pas la route. Au point d’en arriver à dire tout et son contraire pour justifier l’injustifiable.Mika : On a vu beaucoup de gens qui prônaient notre retour, ce qui veut bien dire qu’on peut se mélanger, il n’y a aucun problème. On n’a rien contre les abonnés actuels, rien du tout.
Ces supporters qui continuent de fréquenter le Parc vous ont-ils donné leur impression sur l’ambiance actuelle dans le stade ?
Mika : Bien sûr. Ils sont dégoûtés. Pour eux, c’est même une honte. Une honte d’avoir un club comme Paris, qui était peut-être l’un des plus grands clubs européens en termes d’ambiance, et d’en être arrivé à ça… C’est affligeant. Le Qatar a mis des millions d’euros pour attirer de grands joueurs, mais il n’y a aucune ambiance. Et pour avoir de l’ambiance, il faut avoir des ultras, il faut avoir des groupes de supporters.
James : C’est d’ailleurs un sujet qui dépasse de loin le seul PSG. Il suffit de voir les résultats de l’enquête réalisée par la Ligue
auprès des supporters français. Pratiquement tous les gens disent que s’ils viennent au stade, ce n’est pas simplement pour voir un match de foot, c’est aussi pour vivre une ambiance puissante et festive.
Vous réclamez aussi une politique tarifaire adaptée à tous les budgets.
Mika : Il faut que le football reste un spectacle populaire. Il faut de tout dans un stade. Il faut des présidentielles, des loges prestige, des familles. Tout ce qu’il y avait avant en fait. Mais il faut aussi des virages avec des groupes de supporters. Un stade de foot, c’est ça. Ça doit représenter toute la société. Actuellement, ce n’est pas le cas. Le club vient encore d’augmenter les tarifs pour la saison prochaine…
James : Le PSG fait partie de l’histoire de la ville de Paris et à ce titre, tout le monde sans exception devrait pouvoir profiter du spectacle offert par les joueurs. Aujourd’hui, le PSG prépare des campagnes internationales de promotion pour toucher des gens de Malaisie ou de Chine, mais ce ne sont pas eux qui iront remplir le Parc toutes les deux semaines. Dans notre document, on n’invente rien, on ne fait que reprendre ce qui a été écrit dans
le Livre Vert du supportérisme en 2010.
Certains abonnés revendent leur place sur Viagogo et en profitent pour faire du business
Vos propositions sont-elles amenées à évoluer ?
Mika : Oui, évidemment. On a proposé ce document à d’autres groupes à Paris et on va continuer de le présenter aux supporters, mais aussi aux médias, aux personnalités qui seraient susceptibles de fournir des avis, des propositions. Le but est de mettre la question du Parc des Princes en place publique afin qu’on arrête de nous faire passer pour des incompétents.
Mais comment faire pour réintégrer des associations de supporters dans un Parc qui est quasiment plein à chaque match ?
Mika :Il y a beaucoup d’abonnés qui ne vont pas à chaque match, il y a un fort turn-over derrière les buts. Certains abonnés revendent leur place sur Viagogo (site de revente de billets en ligne qui a un partenariat avec le PSG, ndlr) et en profitent pour faire du business.James : Il faut bien le savoir, aujourd’hui, les virages ne sont jamais remplis à 100 %. Enormément de places sont vendues par Viagogo, ce qui ne permet pas d’identifier les gens présents. Dans notre document, nous proposons d’en finir avec ce système, qui n’est pas gérable et même dangereux en terme de sécurité.
Point important, justement, de votre base de travail, le rejet de toute violence. Vous pouvez nous en dire plus ?
Mika : C’est indispensable. Dans cette affaire, tout le monde doit faire des efforts, à commencer par les supporters eux-mêmes. Il faut un stade apolitique et non-violent. On réfute clairement la violence.
Mais certains ultras sont ambigus quand il s’agit de parler de la violence..
James : Il n’y a aucune ambiguïté aujourd’hui puisqu’on est clairement contre toute forme de violence. Après, on ne se pose pas en garants universels de la non-violence au Parc. On dit juste qu’on est contre la violence et que les gens qui veulent adhérer à notre projet doivent l’être tout autant. Ensuite, si violence il y a, ça doit être jugé dans un cadre légal. On demande simplement à ce que les supporters soient des justiciables comme les autres, ni plus ni moins.
Comment abordez-vous le sujet des relations Auteuil/Boulogne ?
James : Aujourd’hui, il y a des gens d’Auteuil et de Boulogne qui sont dans le même état d’esprit. Mais dans notre réflexion, on n’esquive pas le sujet des relations entre les deux tribunes et leurs associations. C’est pour cela qu’il faudra obligatoirement encadrer et régir ces relations dans le cadre d’une charte inter-associations. C’est un point sur lequel on insiste vraiment.
Qu’est-ce qui, dans vos propositions, diffère du Parc d’avant le plan Leproux ?
James : L’institutionnalisation du dialogue. On propose un cadre bien défini pour les relations entre le club et ses abonnés, ses associations de supporters et l’ensemble de ses publics. On propose aussi un cadre clair pour les relations entre les différentes associations de supporters. L’important, par la suite, sera de faire respecter ce cadre par tous, supporters et clubs compris.
Combien de personnes seraient intéressées par un tel projet, pour intégrer de nouvelles associations ?
James : C’est impossible à dire aujourd’hui. Cette première ébauche de travail est appelée à être discutée, modifiée et aménagée. Ensuite, les gens adhéreront ou pas. Mais tant qu’on ne se parle pas… De notre côté, nous continuons de fonctionner comme s’il devait y avoir au PSG des interlocuteurs crédibles et prêts à discuter. Il ne faut pas oublier que nous ne sommes pas les seuls interlocuteurs. Tous les supporters devraient avoir leur mot à dire. Même si nous n’étions pas là, le questionnement serait le même : pourquoi y a-t-il au PSG des personnes qui bloquent toute discussion avec les supporters
Vos actions ne sont-elles pas vouées à attendre le départ de QSI ?
James : Encore faudrait-il savoir ce que veut QSI. Est-ce qu’ils sont vraiment contre la ferveur ? Aujourd’hui, qui le sait ? Peut-être que s’ils entendaient un autre son de cloche que la sacro-sainte voix du chef de la sécurité, ils seraient prêts à négocier.Mika : De toute façon, on ira jusqu’au bout. On ne peut pas tomber dans la résignation, le PSG on l’a dans le sang, ça ne s’explique pas. Il reste encore beaucoup à faire, mais on sera toujours là.
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Propos recueillis par Aymeric Le Gall, avec Quentin Blandin.