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Para One: « Nasri est assez charismatique »
À Calvi on the rocks, on croise des cohortes de hipsters se dandinant sur des plages bourrées de mannequins, mais pas seulement. Depuis la fin du siècle écoulé, Para One, prince de la techno hexagonale, distille des tracks aussi millimétrés qu’une transversale de Xabi Alonso. À l’occasion de la sortie de son nouvel album, Passion, né sur les cendres du label Institubes, Jean-Baptiste de Laubier de son vrai nom parle de ballon, de racailles et de charisme.
On supporte qui quand on est d’Orléans ?Je suis né à Orléans, mais je n’ai passé que quatre ans là-bas, je n’ai pas vraiment de souvenir. C’était entre 1979 et 1984. J’ai passé plus de temps à Chambéry, mais là-bas on supporte plutôt le handball.
Les rockers aiment souvent le foot. Les artistes de musique électronique moins ? C’est possible. Ensuite, moi, tous mes potes, c’est des gars de Marble, c’est des fans de foot. On matte les matchs ensemble. Personnellement, moi, je suis quand même plus basket, comme il y a l’origine un peu rap et tout ça. Puis la génération fin années 80 début années 90, c’était la génération Michael Jordan, Magic Johnson, tout était lié avec le rap. J’étais vraiment à balle de basket, j’en ai fait beaucoup.
En définitive, le monde des DJs est-il trop intello, élitiste pour regarder 22 mecs courir en short après un ballon ?Oh, ce n’est pas une question d’élite. Les DJs de minimale sont drogués du matin au soir, on ne parle vraiment pas d’élite, là ! (rires) Y a pas que des Aphex Twin !
La France à l’Euro, vous en avez pensé quoi ?C’était tristounet de mater les matchs. J’ai toujours un truc un peu patriote à la base, je suis chaud pour défendre l’équipe, c’est hyper agréable, c’est une occasion de se retrouver. Mais c’était triste. Je crois toujours que la France va remonter, comme il y a des cycles, j’attends toujours. Je pense aussi que c’est un faux procès qu’on fait. Quand on parle du côté un peu « caillera » de l’équipe, moi, je pense que ça reflète bien. C’est ça aussi. C’est normal, et je trouve que c’est assez stylé au final. Voilà, on ne leur demande pas non plus d’être des agrégés et d’être hyper raffinés, c’est un sport collectif, y a ce paramètre où, à un moment, il faut faire des fautes, il faut s’embrouiller. Ça me paraît normal, je ne suis pas choqué par ça. Je suis choqué par le fait qu’il n’y ait pas de jeu collectif. Chacun pense déjà à sa carrière de l’année, de d’habitude. Et du coup, dès que tu vois d’autres matchs, comme Italie – Allemagne, où ça jouait de ouf, tu te dis qu’à force de mater l’équipe de France, tu ne vois pas de football pendant longtemps.
Et donc le comportement de Nasri, ça t’a plu ?Bah moi, je le trouve assez charismatique, en fait. Ce n’est pas que ça m’a plu, mais je trouve que c’est un peu le jeu. Faut arrêter de nous faire croire que ces mecs-là, ce n’est pas des cailleras. Mais je trouve ça cool, ça me dérange pas. L’extrême de ça, c’est Minute qui fait sa couv’ là-dessus, je trouve ça tellement plus sale, c’est un cauchemar.
En Angleterre, les jeunes qui aiment la musique, et l’art en général, n’ont aucun complexe à aimer le football. En France ou dans certains milieux un peu parisiens, c’est parfois plus difficile, ça peut sembler ringard, voire vulgaire. Est-ce que l’image un peu « banlieue » de l’équipe de France et des joueurs français en général peut en être à l’origine ?Je n’ai pas du tout observé ça. Ensuite, on parle beaucoup des milieux parisiens, mais je ne sais pas vraiment ce que ça signifie. Tous les Parisiens que je connais ne sont pas vraiment des Parisiens, ils viennent de plein d’endroits différents. Je ne l’ai jamais ressenti. À la limite, quand j’étais petit, je faisais du tennis en club et je me souviens qu’il y avait un truc entre les tennismans et les footeux, un truc un peu social, de mépris. Mais c’était un truc de gamin de 10 ans complètement con. Je n’ai jamais repéré ça depuis… Après voilà, il y a des gens qui vont te dire que c’est complètement con de regarder des mecs courir après un ballon, mais, à ce moment-là, y a beaucoup de choses complètement cons dans la vie. Des choses absurdes.
Comme bouger la tête devant un mec qui touche des platines ?Oui voilà, ça, c’est complètement con aussi !
Quel regard as-tu porté sur le rachat du PSG ?Ben moi, j’en parlais avec Lil’ Mike (membre de Birdy Nam Nam, NDLR), mais j’observe, je n’ai pas tellement d’opinion. Mais y a tellement de trucs absurdes. Lui, il a beaucoup d’énergie dans ses arguments en tout cas, ça change beaucoup. Il faudra lui poser la question.
C’est qui le Zidane de la scène électro française ?Le Zidane, je dirais que c’est Jackson. De Jackson & his computer band. Il a influencé beaucoup de gens, il a beaucoup donné, c’est le meilleur de sa génération. Il a été une énorme inspiration et il l’est encore. Et contrairement à Zidane, sa carrière n’est pas terminée.
Vous traînez souvent ensemble ?Oui, on est voisins de studio, à Marble qu’on a créé il y a un peu plus d’un an. Nos portes sont à un centimètre l’une de l’autre. Si je voulais l’éviter, je n’y arriverais pas.
Tu viens de sortir ton album, Passion, mais je sais que tu produis Mickey Green. Tu comptes plus t’orienter vers ça ? T’éloigner du terrain pour t’assoir sur le banc ?
Oh non, je vais faire les deux, en fait. Y a moyen de faire les deux. Notre label, Marble, c’est le meilleur support pour moi pour sortir mes tracks solo et quelques collaborations. La production, c’est un peu autre chose. J’ai beaucoup dit l’année dernière que je voulais faire que de la prod’ et que j’adorais ça, mais là, le fait de sortir mon album, la bonne réception, ça donne envie d’y retourner.
Si tu devais faire un match avec des artistes présents à Calvi on the Rocks, tu choisirais qui ?
À Calvi, il faudrait faire des équipes un peu rivales, ce serait intéressant. On pourrait faire les DJs maximale contre les DJs minimale, on verrait qui gagnerait… Avec un contrôle anti-dopage avant, quand même !
Propos recueillis par Thomas Andrei & François Dag