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Papin, la dictature de l’instinct
Un style unique, des buts hors du commun, une efficacité rare, une simplicité dans la manière de jouer. Jean-Pierre Papin est l'un des quatre Français à avoir réussi à obtenir le Ballon d’or, le seul en jouant dans une équipe française. Et tout ça grâce à son instinct.
« Comme elle vient. » Ces trois mots pourraient résumer les innombrables buts inscrits par Jean-Pierre Papin. Une tête, un plat du pied, un ballon piqué, une frappe des 30 mètres, une reprise de volée, un ciseau, un retourné acrobatique, peu importe. Le seul et unique objectif de JPP, c’est de frapper. Le plus vite possible, pour surprendre tout le monde, aussi bien les défenseurs que les gardiens. Et parfois même ses coéquipiers. Des prises de risques inconsidérées pour des joueurs banals, mais qui s’avèrent bien souvent payantes.
Grâce à son instinct de buteur pur et dur, Jean-Pierre Papin sait endosser à la fois la casquette de renard des surfaces et celle de joueur ultra-spectaculaire. Un style de jeu unique, qui lui colle parfaitement à la peau. Au point qu’il fait partie des rares joueurs à donner son nom à un geste. Les « papinades » , singulières, mais terriblement représentantes du joueur qu’il est. Un mec simple, qui élimine tous les gestes superflus, un mec à l’écoute de ses sensations.
Pas de formation, pas formaté
Né à Boulogne-sur-Mer, Jean-Pierre Papin foule ses premières pelouses dans le Nord de la France, à Jeumont. Mais s’il ambitionne rapidement de devenir footballeur professionnel, JPP ne brûle pas les étapes. Jeumont, Trith-Saint-Léger, puis Vichy, le début de carrière de Papin est tout ce qu’il a de plus linéaire. À 18 ans, il évolue en National. À 21, il franchit un cap en rejoignant la Ligue 2 avec Valenciennes, avant de partir pour la Belgique à Bruges à 22 ans. Il joue donc son premier match de Ligue 1 à 23 ans, avec l’Olympique de Marseille. Papin n’a pas connu de centre de formation. Il s’est fait tout seul. Et comme tous les joueurs qui ont vadrouillé dans les divisions inférieures avant de s’imposer, il n’a pas été formaté. Pour percer, il a dû se fier à sa manière propre de jouer. Il a ainsi gardé ce qui fera de lui l’un des meilleurs joueurs de la planète : son instinct, son style libre, sa spontanéité.
Bien sûr, c’est à Marseille que sa manière de jouer se révèle la plus efficace. Meilleur buteur du championnat de France cinq saisons de suite (de 1987 à 1992), il inscrit 292 buts en 525 matchs avec l’OM. En équipe de France, ses statistiques sont tout aussi impressionnantes, avec 30 buts en 54 matchs, soit 0,55 but par match. Un ratio bien supérieur à celui de Thierry Henry (0,41), meilleur buteur de l’histoire de l’EdF. Rapide, puissant et, quoi qu’on en dise, très intelligent dans le jeu, JPP est, grâce à son efficacité, l’un des meilleurs joueurs du monde pendant de nombreuses années. Première preuve, son Ballon d’or décroché en 1991 à l’unanimité avec 141 points sur 145 possibles. Matthaüs, Pancev et Savićević restent bloqués à 99 points. Deuxième point : son transfert en Italie avant l’arrêt Bosman. L’AC Milan, déjà fourni en joueurs étrangers de classe mondiale (Gullit, Van Basten, Savićević, Boban, Rijkaard), mise tout de même sur lui.
Toujours surprenant
« Mes buts spectaculaires, c’est le résultat d’un long travail avec le gardien remplaçant de Marseille de l’époque, Alain Casanova » , expliquait Jean-Pierre Papin en 2013. À l’OM, pendant des heures et des heures, les deux hommes restaient très longtemps à l’entraînement pour travailler. « Pied gauche, pied droit, frappe du coup de pied ou de l’extérieur, tir dans la surface ou en dehors, nous avons tout fait ! » Casanova joue le punching-ball pendant que Papin répète ses gammes inlassablement.
Le travail de fond lui permet de bosser ses points forts (vitesse, détente, puissance de frappe, volées) jusqu’à s’approcher tout près de la perfection. Mais cela n’enlève rien à sa spontanéité. À chaque fois que la balle lui parvient, surtout dans la zone de vérité, il se passe quelque chose d’inattendu, rien de stéréotypé. Le travail ne transforme pas sa manière de jouer en quelque chose d’automatique. Si bien que même lorsqu’il est dans le dur, au Bayern par exemple, les éclairs de génie finissent par resurgir. Suivre son instinct animal, quoi qu’il arrive.
Par Kevin Charnay