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Pape Djibril Diaw : « Le 24 février, je me suis dit qu’il fallait partir »

Propos recueillis par Alexis Billebault
Pape Djibril Diaw : « Le 24 février, je me suis dit qu’il fallait partir »

Dans la nuit du 23 au 24 février, Vladimir Poutine envoyait ses troupes en Ukraine. Quelques heures plus tard, l’international sénégalais Pape Djibril Diaw (27 ans), qui avait signé quelques semaines plus tôt au Rukh Lviv FC (D1), décidait de quitter l’Ukraine en voiture, avec d’autres joueurs étrangers. Depuis Paris, l’ancien défenseur d’Angers et Caen continue de suivre la guerre qui frappe un pays où il n’aura passé que quelques semaines.

Quand vous avez signé au Rukh Lviv, en janvier dernier, étiez-vous sensibilisé à la situation en Ukraine ?Oui, je m’étais renseigné. Je venais de Lituanie (Zalgiris Vilnius), et je savais que la situation était tendue, mais surtout à l’est du pays, notamment au Donbass. Quand je suis arrivé à Lviv, les gens parlaient de Poutine, mais ils ne semblaient pas vraiment inquiets. Ils avaient plutôt l’impression que Poutine n’attaquerait pas l’Ukraine, qu’il voulait seulement faire peur et montrer ses muscles. Avec le recul, je me dis que les Ukrainiens avec lesquels je discutais me disaient peut-être cela afin de ne pas trop m’inquiéter en tant qu’étranger…

Racontez-nous cette journée du 24 février…Nous étions revenus quelques jours plus tôt d’un stage en Turquie. Quand je suis arrivé en Ukraine, ma femme et mon enfant étaient avec moi, à l’hôtel, mais ils étaient repartis en France et devaient revenir plus tard, le temps que je trouve un appartement. Donc, depuis le retour de Turquie, je dormais, comme d’autres joueurs, au centre d’entraînement hyper moderne du club. On a été réveillés par les sirènes, et l’entraînement a été annulé. Nous devions jouer le 28 février à domicile, contre Kolos Kovalivka, pour la reprise du championnat. On a appris que la Russie avait attaqué, notamment à l’est du pays, et que le championnat était suspendu pour un mois. Tout de suite, je me suis dit qu’il fallait partir. J’en ai parlé avec le Néerlandais Lassana Faye et l’Anglais Viv-Solomon Otabor. On a rassemblé le maximum d’affaires pour les mettre dans ma voiture pour s’en aller rapidement.

On a aussi croisé des chars de l’armée ukrainienne, qui allaient sans doute vers Kiev ou vers l’est. C’était vraiment une sensation bizarre.

Avez-vous discuté avec les dirigeants du club ?Au départ, ils nous ont dit d’attendre un peu. Mais rapidement, ils ont compris que le mieux était qu’on s’en aille. On a récupéré nos passeports et direction la Pologne.

Vous avez eu la chance d’avoir votre propre voiture…Oui. J’étais venu de Lituanie avec mon véhicule. À mon arrivée à Lviv, les gens me demandaient pourquoi j’avais fait ce choix. Aujourd’hui, je peux dire que j’ai eu de l’intuition. C’était peut-être un message du ciel. (Rires.) Donc, nous avons pris la route, sachant que la frontière polonaise est à environ 70 kilomètres de Lviv. Et sur le trajet, nous avons compris que la situation était grave. Il y avait beaucoup de gens devant les banques, les magasins d’alimentation. Dans certaines stations-service, il n’y avait plus beaucoup de carburant, voire plus du tout. Comme j’avais fait le plein quelques jours plus tôt, je savais que je pourrais faire le trajet sans problème. On a aussi croisé des chars de l’armée ukrainienne, qui allaient sans doute vers Kiev ou vers l’est. C’était vraiment une sensation bizarre. Dans la voiture, Otabor et Faye étaient un peu stressés, ils recevaient des messages de leurs familles. Moi, je me devais d’être plus cool. Être stressé au volant, ce n’est jamais bon…

Avez-vous facilement franchi la frontière ?Cela a pris pas mal de temps. Comme nous étions partis assez tôt, il n’y avait « que » trois kilomètres de queue avant la frontière. Nous sommes arrivés vers 16 heures, et nous sommes passés en territoire polonais vers minuit. Les formalités ont été assez simples : j’ai un passeport sénégalais, une carte de séjour en France, des plaques françaises, Otabor et Faye des passeports anglais et néerlandais. Juste avant la frontière, on a récupéré Ange-Freddy Plumain, un joueur français de l’effectif, qui était parti quelques heures avant nous avec sa famille, mais qui avait dû repasser seul en Ukraine pour y déposer sa voiture de location. Je suis resté une nuit en Pologne pour me reposer, puis j’ai repris la route pour rentrer en France. Otabor, Faye et Plumain ont pris l’avion.

Sur un groupe WhatsApp, il y a des échanges réguliers, on prend des nouvelles des joueurs ukrainiens. À ce jour, ils vont bien. Mais ils sont forcément très inquiets.

Les hommes ukrainiens de 18 à 60 ans ne peuvent pas quitter l’Ukraine, car ils sont mobilisables pour combattre l’envahisseur russe. Avez-vous assisté à des scènes de séparation entre des hommes et leurs familles ?Non, mais je sais qu’il y en a eu. J’ai vu certaines voitures ne pas pouvoir entrer sur le sol polonais, car elles n’étaient pas assurées pour circuler dans ce pays. On m’a aussi dit que des Africains n’avaient pas pu entrer en Pologne, mais personnellement, je n’ai rien vu. Ce que je sais, c’est que tous les joueurs étrangers de Rukh Lviv ont pu quitter l’Ukraine. Les Brésiliens Edson et Talles ont mis plus de temps que les autres, pour des questions de passeport. Sur un groupe WhatsApp, il y a des échanges réguliers, on prend des nouvelles des joueurs ukrainiens. À ce jour, ils vont bien, mais certains d’entre eux sont originaires d’autres régions, notamment à l’est ou à Kiev, où ils ont encore de la famille, et ils sont forcément très inquiets.

Savez-vous si certains envisagent de prendre les armes ?Je n’en sais rien. J’évite de leur poser ce genre de question. Comme j’ai appris que deux joueurs ukrainiens ont été tués au front…

Avez-vous des contacts avec vos dirigeants concernant votre situation avec le club ?Pas pour l’instant. Je sais que la FIFPro, le syndicat mondial des joueurs, travaille avec la FIFA sur le cas des joueurs étrangers évoluant en Ukraine, car tout le monde a compris que le championnat ne va pas reprendre avant longtemps, mais le jour où la guerre sera finie et la situation stabilisée, je pourrais y retourner. Est-ce que nos contrats vont être résiliés ? Où pourrons-nous être prêtés ? On devrait le savoir rapidement. En attendant, je m’entraîne seul, mais je vais contacter des clubs en Île-de-France pour savoir si l’un d’entre eux accepterait que je puisse m’entraîner dans ses installations.

Imaginiez-vous vivre cela en 2022 ?Non, c’est complètement insensé. Ce que fait Poutine ? Pfff… Ce dont je suis convaincu, c’est qu’il n’y aura que des perdants, avec d’énormes dommages collatéraux. Car les conséquences vont s’étendre partout.

Le monde idéal de Philippe Diallo

Propos recueillis par Alexis Billebault

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