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Paolo Rossi, buteur Nazionale

Par Adrien Candau
5 minutes
Paolo Rossi, buteur Nazionale

Décédé d'une maladie incurable à 64 ans, Paolo Rossi laisse derrière lui un Ballon d’or, une C1 avec la Juve et surtout un Mondial 1982 remporté avec l'Italie, sublime instant de grâce où un type qui se définissait comme « normal » a pourtant réussi à transcender une équipe et une nation entière.

C’est l’histoire d’un type dont la vie a changé en l’espace de 90 minutes. C’est peu. C’est insensé. C’est précisément ce qui rend le destin de Paolo Rossi grandiose. En une heure et demie, le buteur de la Nazionale a mis KO le Brésil, à qui il a inscrit trois buts, dans le match décisif pour la qualification pour les demi-finales du Mondial 1982. Oui, lui, Paolo Rossi. Ce petit gars pas bien costaud, pas bien grand, pas bien rapide non plus. En face, Serginho, Zico, Falcão et Sócrates doivent rendre les armes. C’est l’Italie qui ira dans le dernier carré d’un Mondial qu’elle remportera quelques jours plus tard. Notamment grâce à deux nouveaux buts de Rossi face à la Pologne en demies, puis une nouvelle réalisation de son avant-centre en finale, face à la RFA. Pour l’éternité, l’été 1982 est celui de l’Italie de Paolo Rossi.

Un fantôme et une résurrection

Rend-on justice à la vie d’un homme, d’un joueur, en la réduisant à une épreuve, voire à un match ? Paolo Rossi, disparu prématurément à 64 ans d’une « maladie incurable », selon sa femme, n’y voyait pas d’inconvénient : « Je suis l’attaquant qui a marqué trois buts contre les Brésiliens. C’est au cœur de mon histoire. Il y a d’autres choses, mais c’est essentiellement cela. Je me revois avec le maillot bleu, le numéro vingt, et je suis content parce que l’équipe nationale unit, tandis que les clubs divisent. Parfois, des années passent sans que je reçoive d’appels téléphoniques des journalistes, mais, à deux mois de la Coupe du monde, il se remet à sonner. Et tout le monde me pose des questions sur le Brésil. » Car ce match face aux Auriverdes synthétise peut-être à lui seul toute sa carrière. Au moment d’affronter la Seleção, le Mondial de l’attaquant de la Nazionale a encore des airs de purgatoire. Muet depuis le début de la compétition, férocement ciblé par la presse transalpine, l’avant-centre azzurro est miné par le doute. Il vient alors d’effectuer son retour en équipe nationale à la suite du scandale du Totonero (lui clamera toujours son innocence), à la suite duquel il avait été condamné à une suspension de deux ans.

« Avant d’affronter le Brésil, je n’étais pas en forme, j’avais de grandes difficultés d’un point de vue mental. J’étais un fantôme », concèdera-il bien des années plus tard. Mais la confiance que lui porte le sélectionneur italien Enzo Bearzot est un remède contre le renoncement. « C’est lui qui a insisté pour me laisser jouer même dans les moments de grande difficulté, quand tout le monde demandait ma tête. » La suite, c’est l’histoire d’une résurrection improbable, comme seule le football peut en inventer. Un pion de la tête, une récupération vicelarde à la suite d’une passe ratée de Cerezo pour tromper Waldir Peres, le portier brésilien, et enfin un but de charognard en fin de match ont terrassé le Brésil et sacralisé à jamais la destinée de Paolo Rossi.

Il aura bien gravi d’autres sommets dans sa carrière, notamment en remportant la C1 1985 avec la Juve de Boniek et Platini, mais son Mondial 1982 est incontestablement son Everest, son nirvana à lui. Après avoir gravi la montagne auriverde, il finira d’ailleurs la Coupe du monde 1982 en survolant l’épreuve, inscrivant en tout six pions dans la compétition et remportant dans la foulée le Ballon d’or. La performance est d’autant plus grandiose que, sur un terrain, Paolo Rossi ne dégage a priori rien de sensationnel. C’est peut-être même ce qui aura constitué la principale force de son football, économe, furtif comme un pointard astucieusement placé au milieu des corps qui s’entrechoquent dans la surface de réparation.

Buteur cérébral

Paolo Rossi était de la trempe des attaquants faussement ordinaires. « Je n’étais pas un phénomène sportif, je n’étais même pas un champion… J’étais quelqu’un qui mettait ses qualités au service de sa volonté… Je ne montrais presque jamais de puissance, je gagnais seulement ces deux petits mètres qui coûtent un but à l’adversaire. Pour moi, le jeu sans ballon est fondamental, le démarquage est essentiel. Je n’avais pas un bon physique à un poste où c’était requis, donc, je devais être plus intelligent. » L’avant-centre de la Nazionale n’est ni particulièrement vif, aérien, où même doué balle au pied. Mais il est magnétique. Le ballon vient à lui parce qu’il sait lire les trajectoires. Parce que le timing de ses courses est meilleur. Parce qu’il anticipe où va plonger le gardien. Oui, le football de Paolo Rossi est cérébral. Ses mouvements sont soigneusement étudiés, sa finition clinique. Il a « la grâce du danseur et la froideur impitoyable du torero », comme le décrivait lyriquement le journaliste italien Giorgio Tosatti.

Une intelligence de jeu innée, à en croire le principal intéressé : « 80% du football, c’est de l’instinct. Décider d’aller dans un sens plutôt que dans l’autre sur le terrain est quelque chose d’instinctif. Après un certain temps, cela devient une sorte de mémoire involontaire : vous avez déjà fait ces choses, alors vous les répétez. Mais l’instinct est la chose la plus importante, oui, surtout pour un attaquant. » Cet instinct-là, c’est celui du buteur, cette petite chose invisible, impalpable, que se partagent seulement une poignée d’élus, qui savent se reconnaître entre eux. Qui mieux que Pippo Inzaghi, dès lors, pour dire adieu à Paolo Rossi ? « Pour ceux comme moi qui voulaient être avant-centre, vous étiez une source d’inspiration, écrivait sur les réseaux ce jeudi l’ex-bomber de l’AC Milan. Il était l’idole de mon enfance. Au revoir Paolo, et reposez en paix. » Plus qu’un message de Pippo, un message de tous les Italiens.

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