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Panthère, espèce protégée
Il y a plus de sept ans, Bafétimbi Gomis quittait l'AS Saint-Étienne pour l'Olympique lyonnais contre un chèque de quatorze millions d'euros. Une trahison pour le peuple vert, nourrie depuis par des buts lors de derbys, une signature à Marseille, ou encore des célébrations « panthère » avec un maillot de couleur autre que le vert. Ce qui augure un retour houleux à Geoffroy-Guichard ce mercredi.
« La panthère est devenue un symbole avec Salif Keita, qui, dès sa première saison, a eu des statistiques incroyables. La chansonUn taxi pour Geoffroy-Guichardde Jacques Monty a contribué à sa popularité, et le symbole de la Panthère sur le blason, c’est un hommage à Keita, cela n’appartient pas à Gomis. » Thomas, membre des Green Angels, sait que ce mercredi, Bafétimbi Gomis va recevoir un accueil glacial, voire houleux. Et s’il mentionne la célébration « panthère » de son ancien avant-centre, c’est parce qu’aux yeux du public stéphanois, elle est synonyme de sacrilège. Même Jean-Marc, d’une association de supporters rattachée à l’USS (Union des supporters de Saint-Étienne), ressent une gêne quand le Marseillais se met genoux à terre et mime le félin. « La panthère, c’est la mascotte du club, cela fait partie de notre histoire. Alors quand Alex ou Gomis la font avec le maillot de l’AS Saint-Étienne, on voit cela comme une identification à nos couleurs, cela nous plaît. Mais dès lors qu’il le fait dans un autre club comme Lyon ou Marseille, cela ne passe pas. On a l’impression qu’on nous vole quelque chose qui nous appartient. » Alors quand, en plus, l’attaquant plante pour l’OL pendant plusieurs derbys dans le Chaudron, et exulte à chaque fois sur ses réalisations, forcément, la fracture s’accentue. « Pour mercredi, on réfléchit à lui faire une banderole, histoire de lui rappeler les valeurs de notre club » , avertit déjà Thomas. « J’imagine Loïc Perrin ou Florentin Pogba qui reviendraient à Saint-Étienne sous d’autres couleurs, ils ne célébreraient pas leur but, ils respectent le club et son public. » Avant de se préciser que « de toute façon, des joueurs comme eux n’iraient pas à Lyon » .
« Gomis a tapé dans toutes les crèmeries. » Jean-Marc, supporter stéphanois
Au-delà du rival régional, Bafé Gomis a également eu le tort d’aller à Marseille. « Lyon, c’est le club que l’on apprend à détester tout petit, et l’OM, c’est le rival en matière d’histoire et de popularité, l’OL est plusieurs niveaux en dessous dans ces domaines. » Sans confirmer ce dédain quant au palmarès lyonnais, Jean-Marc souligne le plan de carrière anti-Vert de l’international français : « Il a choisi les deux pires clubs, ce n’est pas à Guingamp ou Lorient qu’il a signé, mais chez les deux ennemis, il ne pouvait pas faire pire pour nous. » S’il reconnaît à un joueur professionnel le droit de monnayer son talent chez l’employeur le plus offrant, il trouve néanmoins que Gomis a eu le tort « de taper dans toutes les crèmeries. » Pas forcément le seul dans ce registre, mais contrairement à Jérémy Clément ou François Clerc, plus « discrets » , Bafé Gomis a un physique et une personnalité trop atypiques pour rester dans le rang : « Jérémy Clément est exemplaire, il se fond dans le collectif, mais Gomis, tout le monde le reconnaît, il dégage une image forte, donc forcément, tout ce qu’il fait prend des proportions importantes » , admet Jean-Marc. Or, quand on « trahit » une ville où « tout tourne autour du football, où même une grand-mère de quatre-vingts ans supporte le maillot vert » , explique Thomas, le pardon est impossible. Et la conclusion visiblement froide, implacable et véhémente : « Pour Bafétimbi Gomis, à Saint-Étienne, c’est mort. Il a beau avoir été formé au club, il ne reviendra plus, même dans l’encadrement. On ne veut plus de lui. »
Tous propos recueillis par Nicolas Jucha