- France
- Ligue 1 – 7e journée – Montpellier/Rennes
Panne de « mojo » pour Jeannot ?
Le nouvel entraîneur de Montpellier l’a admis en conférence de presse le week-end dernier : il n’a pas de baguette magique. Au vrai, Jeannot Fernandez, 58 printemps, semble l’avoir perdue depuis son passage à Nancy. Lui, le passionné, le coach d’un Sochaux ou d’un FC Metz flamboyant, galère depuis son passage à Marcel-Picot comme s’il avait perdu la recette qui faisait son succès. Un succès peu sexy, mais un succès quand même. Alors, quel avenir pour tonton Jeannot ?
Qu’on se le dise : en football, l’habit fait le moine. À ce petit jeu, force est de constater que juste avant son arrivée à Montpellier, Jean Fernandez était sapé comme un sac. À la tête d’un Nancy répugnant, quand il n’était pas frileux ou limité, le technicien souffre de l’image véhiculée par le club lorrain entre août 2011 et janvier 2013. Aujourd’hui, Jean Fernandez rime avec ennui, maintien et incarne une certaine idée de la France du football : l’Hexagone de la lose, le romantique, celui qui fait des matchs nuls, celui qui défend à cinq, celui dont on aime se plaindre et que l’on adore détester. Pourtant, Jeannot, cette année à la tête d’un champion de France 2012 en reconstruction, n’a pas toujours été cet homme-là. Loin de là. Au vrai, il semble que cet amoureux du foot, usé par 30 années de banc de touche et touché par son échec nancéien, ait perdu sa maestria sur la pelouse synthétique de Marcel-Picot. Alors, plus de mojo pour Jeannot ?
Une vie de football, de sexy-Sochaux et de beau Metz
Non, contrairement à ce que veulent nous faire croire les innombrables documentaires qui retracent la carrière de Zinedine Zidane, Jean Fernandez n’est pas que ce petit vieux qui a découvert le génie à Cannes. Ce fait d’arme-là est le versant bling-bling du livre d’histoire de Jeannot, et dire que l’intéressé déteste les paillettes est un pléonasme. C’est d’ailleurs à l’ombre du show business, dans le Doubs, que Fernandez, entraîneur depuis 1984 et ses trente piges, conquiert ses lettres de noblesses. Plus tiers-état que bourgeoisie, c’est avec un titre de champion de Ligue 2 sur le banc d’un FC Sochaux-Montbéliard sexy qu’il se fait connaître auprès des observateurs les plus contemporains. Une génération folle pré-Sedan, mais dans la même veine que les Ardennais, qui a grandi à l’échelon inférieur avant de terminer cinquième au sein de l’élite avec Pedretti, Pagis, Frau, Santos, Isabey, Daf, Raschke, Chedli et compagnie. Une équipe qui jouait, qui allait jouer les gros avec le couteau entre les dents et surtout, une équipe qui puait le football, la patte Fernandez. Car si, le temps faisant son effet, les équipes du natif de Mostaganem perdent en odeur, l’entraîneur de 58 ans est, en France, celui qui connaît le mieux le football hexagonal et européen. La raison est assez simple : Jean Fernandez se nourrit de football. On parle tout de même d’un homme qui sélectionne ses lieux de vacances en fonction des championnats à regarder, qui va voir des rencontres dès qu’il le peut et qui se lève et se couche avec des journaux français, italiens ou espagnols, tant que cela parle de football. Le ballon rond, les vrais bons souvenirs d’une enfance pas toujours facile entre Algérie française et Sud de la France. « Mon moteur, ce n’est pas l’argent, c’est la passion » , raconte t-il souvent, façon Omar Sharif du ballon rond. Le vrai délire du coach ? Prendre une équipe en Ligue 2, la faire monter et la pérenniser au sein de l’élite. Après Sochaux, il file à Metz où il sort Ribéry, voit les débuts d’Adebayor et les cheveux longs de Patricio D’Amico. Une vie de bohème footballistique. L’évangile selon Jeannot.
L’avion Jeannot explose t-il en vol
Difficile cependant de vivre d’air pur et d’eau fraîche dans le football du début des années 2000. Inexorablement, l’essor du drôle de loustic Fernandez intrigue des écuries plus grosses. C’est à Marseille, où il a joué durant cinq saisons entre 1975 et 1980, été adjoint dans les bonnes années, puis a coaché par interim, que le coach prend pour la première fois les commandes d’un gros avion moderne. Puis Jeannot atterrit à Auxerre où il fait des miracles pour choper une troisième place de Ligue 1 et dispute une Ligue des champions en se payant le Zénith avec une attaque Jelen – Le Tallec – Oliech en tour préliminaire. Faite de légers bas et de sacrés hauts, la carrière de Jean prend une autre tournure à Nancy, dans la galère de Marcel-Picot. Homme brave dans un « métier extraordinaire dans lequel il faut être extrêmement courageux » selon ses dires, il débarque en Lorraine alors que les spécialistes et son entourage lui promettaient l’enfer. « J’étais prêt à me battre » , rappellera-t-il plus tard, au micro du Canal Football Club. Suite à une overdose de défaite, de synthétique et, surtout, de climat délétère au sein d’un club qui a laissé partir Mollo et André Luiz dans son dos, Fernandez démissionne, dégoûté, mais décidé à rebondir.
Quelques mois plus tard, le voilà à la tête d’un Montpellier en reconstruction après son titre de champion de France en 2012. Après six journées, les Héraultais affichent un bilan décevant de 7 points pour une victoire, quatre nuls et une défaite. Jean Fernandez a sa petite explication : « Il faut laisser du temps à ce jeune groupe, car personne ne détient de baguette magique. » Au vrai, Jeannot ne semble simplement plus la détenir. Éprouvé psychologiquement après la fin de son histoire avec Nancy, cet entraîneur respectable semble, à 58 printemps, usé par un football dans lequel il baigne depuis 40 ans. Fernandez semble à court de fluide. Jeannot a perdu son « mojo » cher à Austin Powers. Heureux dans la victoire comme il demeure respectueux dans la défaite, celui qui n’a pas manqué une seule conférence de presse d’après-match dans sa carrière semble aujourd’hui moins épanoui que par le passé. Peut-être ce challenge montpelliérain est-il arrivé trop vite. Peut-être aurait-il fallu qu’il s’offre une nouvelle épopée « en avant vers la Ligue 1 » avec une équipe de deuxième division. Peut-être que Jeannot s’en fout, au fond. Il se fout de ce que pensent les autres, comme son modèle Aimé Jacquet. Après tout, même mal habillé, c’est ça, un moine : un homme solitaire qui comprend parfois des choses que les autres ne peuvent saisir.
Par Swann Borsellino