Panique dans l’oreillette

Le monde du football a décidément la mémoire courte. Phil Brown vient d’en faire l’amère expérience. Les journaux anglais sont unanimes : son aventure avec les Tigers de Hull City arrive à son terme. En gros, soit il ramène trois points de son déplacement à Burnley et il obtient un sursis supplémentaire, soit il fait ses valises. On parle pourtant d’un type qui a pris le club en main en décembre 2006, lorsque celui-ci luttait pour sauver sa place en Championship (Ligue 2 anglaise), pour l’emmener un an et demi plus tard au premier étage du foot anglais, pour la première fois en 104 ans d’existence. Avec Brown, Hull s’est tout de même rendu à Tottenham, à Arsenal ou encore à Newcastle. Et y a gagné.

A leurs débuts, les Tigers et leur coach au casque-oreillette digne d’un head coach de NFL -ou d’un prof de fitness, c’est selon- faisaient souffler un vent d’air frais sur la Premier League quand, surfant encore sur l’enthousiasme de la montée, ils alignaient les victoires inattendues, allant jusqu’à squatter les strapontins pour la C1 jusqu’à la fin des matches aller. La hype Brown battait son plein -on parlait de lui comme d’un futur entraîneur de l’équipe nationale-, et Paul Duffen, le chairman, était souvent cité comme un modèle de gestion.

Un an plus tard, la situation a bien changé. En 2009, les Tigers n’ont enregistré que deux victoires en tout et pour tout. Et Paul Duffen vient juste de démissionner, alors qu’on le disait très proche de Phil Brown, à qui il vouait une confiance aveugle. « Les résultats sont décevants, j’en ai discuté avec le Board et je pense que pour le club, il vaut mieux que je prenne du recul. Je pense avant tout au bien du club » , a-t-il expliqué. Actuellement dans la charrette, Hull réalise un début de saison de merde qui conforte la thèse que même les plus beaux contes de fées ont une fin.

En dix journées seulement, les Tigers ont déjà pris trois cinglantes branlées (4-1 contre Tottenham, 5-1 face à Sunderland et 6-1 à Liverpool), et personne ne voit vraiment comment les coéquipiers de Bernard Mendy peuvent s’en sortir. D’autant plus que la crise économique a laissé des traces. Les raisons du départ de Duffen seraient d’ailleurs autant économiques que sportives. Un audit demandé par la direction a laissé entendre que le club, déjà endetté à hauteur de 27 millions de Livres, pourrait sombrer financièrement en cas de relégation. Ce qui fait désordre quand on fait partie du Top 10 du championnat en matière de masse salariale.

Dommage, l’ancien adjoint de “Big” Sam Allardyce à Bolton était un personnage d’un genre nouveau, capable de prendre le micro et d’entonner un “Good Vibrations” des Beach Boys devant un stade entier un soir de défaite face à MU malgré tout synonyme de maintien. Mais l’image la plus forte que la Premier League retiendra de son expérience dans le Yorkshire restera à coup sûr cette fameuse causerie, lorsque les joueurs, en pleine débâcle face à Manchester City, passèrent la mi-temps sur la pelouse du City of Manchester Stadium à écouter les remontrances de leur coach, devant un public ébahi. S’il ne gagne pas à Burnley, Brown, lui, rentrera définitivement au vestiaire.