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Pana-Olympiakos : le derby des présidents

Par Angelique Chalkia
7 minutes
Pana-Olympiakos : le derby des présidents

Le scénario de GREXIT semble s'éloigner, du moins, provisoirement. Le pays peut se consacrer à son passe-temps favori, à savoir suivre avec passion la rencontre de deux éternels rivaux du foot grec : Olympiakos et Panathinaikos. Soit le leader contre le second. C'est aussi, aujourd'hui, un derby de présidents : Vangelis Marinakis contre Yannis Alafouzos. Qui savent s'écharper. Comparatif.

La filiation paternelle

Carrure imposante, Vangelis Marinakis est fils d’armateur, Miltiadis Marinakis, qui comptait déjà parmi les grands financiers de l’Olympiakos. Après des études à Londres, le fiston revient au pays en 1992 et poursuit avec succès le business maritime familial. Présent aussi dans le domaine de l’énergie, de l’immobilier et sur toute la gamme du commerce maritime, le petit accumule les breloques : en 2009, sa société Capital Ship Management Corp. a été élue « Tanker Company of the Year » et lui-même, en 2010, a été primé « Greek Shipping Newsmaker of the Year » . En 2013, selon la Lloyd’s, Vangelis pèserait comme la 73e personnalité la plus importante du transport maritime mondial. Et pour compléter le tableau, à titre personnel et/ou en tant qu’Olympiakos, Vangelis Marinakis a une présence très active sur le plan caritatif, surtout depuis 2010 et la crise humanitaire qui sévit en Grèce. Plus étonnant ? Encore via l’ONG Greece Debt Free, il milite pour le rachat des parts de la dette faramineuse grecque. Notons aussi que depuis mai 2014, il est élu municipal de la ville du Pirée (plus de 50% des votes), sur la liste du candidat indépendant M. Moralis qui était avant le directeur général de l’Olympiakos…

Yannis Alafouzos, le président élu du Panathinaïkos a les mêmes origines socio-économiques que M. Marinakis : il est le premier fils de l’armateur grec Aristidis Alafouzos, originaire de l’île de Santorin. Doté d’un physique à l’opposé de son rival (petit, débonnaire, parlant vite et parfois maladroitement en public) et bien qu’homme des médias (on y revient…), son image publique est plus que confuse… volontairement ou pas… Officiellement, du moins, nous ne connaissons ni son âge, ni ses études, ni son parcours professionnel. Tout au plus apprend-on qu’il est marié et père de 3 enfants. Du reste, c’est « l’histoire d’un mec » qui cherche sa voie face à un père patriarche – toujours en vie et vaillant malgré ses 90 ans – et aux côtés d’un frère plus discret et semble-t-il plus efficace en affaires. Ce père omniprésent et omnipotent est un supporter inconditionnel de l’Olympiakos, allant jusqu’à promettre une prime importante aux joueurs durant la saison 1974-75. Un championnat remporté d’ailleurs ! La légende raconte aussi que le père aurait cherché à acquérir l’Olympiakos, mais les alliances avec d’autres armateurs ne lui ont jamais permis de réaliser ce rêve.

La prise de contrôle de leur club

« Par amour pour l’équipe » , comme il se plaît à le répéter, M. Marinakis achète en 2010 70% des parts d’Olympiakos S.A. de la part d’un autre fameux entrepreneur grec, M. Sokratis Kokkalis. Ce dernier, actif dans le domaine des télécommunications et des nouvelles technologies et très proche du pouvoir socialiste de PASOK, a allègrement financé l’équipe – avec l’argent de l’État grec, diront certains – la dotant d’infrastructures ultra-modernes, faisant venir des footballeurs-stars (sur le déclin de leur carrière, diront d’autres mauvaises langues). Il a instauré le foot-business en Grèce et transformé l’Olympiakos en une équipe dominatrice au pays et présente en dehors.

Alors que le Pana est au bord de la faillite en 2012, Yannis Alafouzos apparaît et, via une association des supporters du Pana, sous un modèle de gestion populaire et de vote direct, devient président de l’association et, de fait, président du Panathinaïkos. L’association en question – Panathinaiki Simmaxia – détient 79,65% des parts du club. D’après son site officiel, le Panathinaiki Simmaxia compte autour de 8500 membres pour quelque 2,5 millions d’euros d’adhésion. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que ces budgets sont dérisoires pour une équipe lourdement endettée (les rumeurs parlent de 45-50 millions d’euros) et qui veut jouer un rôle de premier plan, fût-ce en championnat grec. C’est néanmoins l’option prise par M. Alafouzos : gestion budgétaire serrée, renvoi des joueurs étrangers sous gros contrat, utilisation des jeunes joueurs grecs et ceux venant des académies du club, abandon du centre sportif historique du club au profit d’un autre centre moins cher.

Leur relation aux médias

Marinakis est un homme secret et maîtrise parfaitement sa communication. Lors d’un entretien accordé au puissant quotidien grec To Vima (La Tribune), il réfute l’accusation de vouloir devenir un Berlusconi grec et déclare tout de go : « Depuis que j’ai l’Olympiakos, tous veulent que je parte, chacun pour ses propres raisons. Mais je ne leur donnerai pas raison. Quand je vois qu’ils ont peur de moi, cela me donne davantage envie d’y rester. Je suis encore trop jeune, et en âge d’être le président de l’Olympiakos. Je resterai donc envers et contre tous ! L’Olympiakos a un grand destin devant lui et avec ses millions de supporters, je l’amènerai très loin, en Grèce et en dehors ! »

Relation très étroite pour Alafouzos qui s’est tout simplement lancé dans les médias dans les années 90, en créant la chaîne TV SKAI, avant que son père ne décide de fermer la boutique en raison d’une ardoise à un milliard de drachmes. Mais la « mif » relance l’activité en 2006, avec, depuis, son Yannis à la tête d’un empire médiatique comprenant SKAI TV, SKAI RADIO et une multitude d’autres sociétés médias couvrant toutes les activités du secteur. Son jeune frère Thémis garde lui la gestion du quotidien de référence Kathimerini (Le journal quotidien). Yannis sait imbriquer ses deux rôles et utiliser la frappe médiatique de ses médias pour dénoncer le « système Marinakis » , en jouant subtilement entre provocation, dénonciation et création des campagnes morales contre son ennemi. Twittos compulsif, il n’hésite pas à intervenir régulièrement pendant les matchs pour se payer l’arbitre. À ses yeux, ces derniers sont tous corrompus et à la botte du « système Marinakis » , de même que les instances officielles dirigeantes du foot grec. Sans aucune preuve pour le moment, ni de poursuites engagées, M. Alafouzos déclare aussi faire entièrement confiance à la justice grecque, avant de repartir en boucle.

Bonus : Et comme on est en Grèce et que tout ou presque est permis, notons que M. Marinakis, de 2008 à 2012, possédait 12,9% des parts de SKAI RADIO.

Les casseroles

Marinakis fait l’objet de poursuites judiciaires sur des soupçons de matchs truqués, d’intimidation des arbitres et de « constitution d’organisation criminelle ayant pour but la mainmise absolue sur le foot grec, professionnel et amateur » . Ce qu’on appelle un beau chef d’accusation. Pour le moment, cette affaire est toujours en instruction. Jusqu’ici, dans toutes les autres affaires « annexes » , Marinakis a toujours été relaxé. Bien entendu, les rumeurs vont bon train, et on lui prête aussi des relations politiques douteuses. Par exemple, une organisation anarchiste l’a publiquement dénoncé en tant qu’argentier du parti néo-nazi Aube Dorée. Lors des dernières élections législatives, certains l’ont vu casser la tradition familiale de soutien indéfectible du parti de la Nouvelle Démocratie (centre droit), au profit de Syriza, le parti de la Gauche radicale qui a finalement gagné les élections. Et cette alliance contre-nature semble s’être scellée peu avant, durant les élections municipales de mai 2014, quand M. Marinakis assure que, s’il n’y avait pas eu sa propre liste municipale, il aurait voté pour celle du candidat de Syriza.

Alafouzos fait état d’une condamnation, en 2001, pour des dettes envers l’État grec ainsi que d’une interdiction de séjour en Roumanie suite à une condamnation pour usurpation de patrimoine national (acquisition frauduleuse de 13 bateaux commerciaux de la flotte publique roumaine). Casseroles qui s’ajoutent donc à l’ardoise d’un milliard de drachmes.

Les résultats sportifs du mandat

M. Marinakis maintient l’Olympiakos sur le devant de la scène : champion de Grèce sans discontinuer depuis la saison 2010/11, dont deux doublés en 2012 et 2013. Mais sa « distinction » personnelle semble être l’Europe et pour y arriver, il n’hésite pas à recruter sur tous les coins du globe, tout comme à changer entraîneurs et joueurs au gré des résultats. Pour le moment, la trajectoire internationale de l’équipe est en dessous de ses espérances, mais il y a une telle différence de budget et de potentiel sportif entre l’Olympiakos et le reste des équipes du championnat grec que cela laisse une marge confortable au capitaine Marinakis.

Le Pana d’Alafouzos est aujourd’hui classé 2e du championnat grec et pourrait revenir à trois points en cas de victoire contre l’ennemi du Pirée. Qui plus est, le Pana a un calendrier de rencontres plus facile que son rival, et l’Olympiakos vient de connaître une défaite cuisante (2-0) contre Dnipro, pour le compte des matchs aller des seizièmes de finale de la Ligue Europa. Donc, forcément la situation fait rêver les fans du Pana. Son président aussi.

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