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Palerme, tout n’est plus si rose
Depuis le vrai-faux départ de Maurizio Zamparini à l'été 2017, rien ne va plus pour l'US Palerme. Embourbé en Serie B, le club rosanero est également en proie à un désordre administratif menaçant et à une instabilité financière chronique. Le 25 juin, la presse italienne révélait qu'il ne s'était pas enregistré dans les temps en Serie B : le dernier épisode d'une saga désespérante.
En cette chaude nuit du 25 juin, la foudre semble s’être abattue sur Palerme. Des dizaines d’ultras exaspérés se massent devant le siège du club et font exploser des bombes agricoles. Les forces de police doivent intervenir, et le maire, Leoluca Orlando, prend officiellement la parole pour se faire l’écho de la crainte des Palermitains. En cause, une information dévoilée par la presse italienne : l’US Palerme n’a pas envoyé dans les temps, avant 23h59, les documents nécessaires à son enregistrement en Serie B, si bien qu’il serait tout bonnement disqualifié. À 1h du matin, le club lui-même organise une conférence de presse improvisée pour calmer la situation. « Je peux confirmer que Palerme est inscrit au championnat de Serie B 2019-2020, déclare le président du club, Salvatore Tuttolomondo. Nous ne devions pas enregistrer le dossier avant minuit, c’est faux. C’est le versement qui devait être fait. » De fait, le problème relèverait d’une garantie financière de 800 000 euros, que le club, même s’il a réglé le montant, aurait dû remettre à la ligue en mains propres, ce qu’il n’aurait, à ce jour, toujours pas fait.
Pour l’heure, quoi qu’en dise son président, le sort de l’US Palerme n’est pas connu. C’est désormais à la FIGC, gendarme du football italien, qu’il appartient d’en juger. Celle-ci examinera la situation du club ainsi que les circonstances qui ont mené à la défaillance du 25 juin, le 4 juillet prochain ; sa décision sera publiée le 12 juillet. Si la ligue italienne décide de maintenir le non-enregistrement du club en Serie B, Venise, dernier du dernier exercice, pourrait être maintenu, et Palerme relégué au niveau amateur. Cette issue marquerait un nouveau rebondissement, cataclysmique, dans la trajectoire de plus en plus sinueuse du club rosanero, parcouru depuis quelques années par une déliquescence inexorable.
Manuel de sabordage
À dire vrai, depuis le vrai-faux départ de Maurizio Zamparini à l’été 2017, rien ne semble pouvoir endiguer la chute de Palerme. Dès la saison suivante, les Rosaneri, qui visent la remontée immédiate en Serie A, offrent un aperçu de la recette tragique. Sur le plan administratif, tout est extrêmement flou : si Zamparini reste le propriétaire du club, il n’en est plus officiellement le président depuis la tentative de rachat avortée de Paul Baccaglini, si bien que pendant quelques mois, le poste reste vacant. Paradoxalement, ou très logiquement, c’est au cours de cette période d’incertitude que les résultats sportifs sont les meilleurs, puisque Palerme termine à la première place du championnat à l’issue de la première partie de saison.
Au cours de la seconde, Palerme se saborde. Tandis qu’un comptable, Giovanni Giammarva, est nommé président afin de résoudre les problèmes juridiques du club (bien qu’il soit dépossédé de tout pouvoir décisionnel), Zamparini siège encore au conseil d’administration et reste l’homme fort du club. Après une série de résultats négatifs, l’entraîneur Bruno Tedino, qui nourrit une relation tendue avec Zamparini, est débarqué, au mépris du bon sens, à quatre journées de la fin du championnat. Il est remplacé par Roberto Stellone, qui échoue à redresser la barre et ne parvient pas à obtenir la montée : malgré un périple abouti en play-offs, le club est défait en finale par Frosinone. À l’issue de la saison, les Rosaneri ont tout perdu : sportivement, l’objectif n’est pas rempli ; administrativement, le club est à l’agonie ; économiquement, il fait les frais d’une gestion calamiteuse et subit d’énormes problèmes financiers.
Un jour sans fin
Loin de retenir la leçon, l’US Palerme décide de rééditer l’expérience lors de la saison 2018-2019. Dépouillée de ses meilleurs joueurs, vendus pour renflouer les caisses du club (Antonino La Gumina à Empoli pour neuf millions d’euros, Igor Coronado au Sharjah FC pour six), l’équipe est confiée à… Bruno Tedino. Dans le même temps, le président Giammarva démissionne de son poste, sans être remplacé. Le 26 septembre, malgré des résultats loin d’être catastrophiques (une victoire, deux nuls, une défaite), Tedino est viré à nouveau. Et par qui est-il remplacé ? Roberto Stellone. Comme la saison précédente, l’US Palerme réalise un début de saison abouti puisqu’il trône à la fin de l’année en tête du classement. Et comme la saison précédente, la trêve va faire office de mission suicide. Un jour sans fin.
En effet, au cours du mois de décembre, Zamparini se décide enfin à céder son club, véritablement cette fois. Le 1er décembre, il dévoile la vente de l’US Palerme à un groupe anglais, Sport Capital Group plc, pour le prix « symbolique » et dérisoire de dix euros. En échange, celui-ci s’engage, selon le communiqué du club, à « régler le solde de crédit de Palerme, d’un montant de 22 800 000 euros » . Le 29 décembre, Clive Richardson, patron du fonds d’investissements, devient le nouveau président. Problème : la transition est un fiasco, les tensions se multiplient, et début février, les repreneurs annoncent déjà leur départ. Le club est alors revendu à un consortium mené par des dirigeants du club, en particulier Daniela De Angeli, membre du conseil d’administration. Ils annoncent dès leur intronisation rechercher un nouvel investisseur majeur. Ils le trouveront le 3 mai en la présence de la compagnie de tourisme Arkus, qui affirme dès son arrivée avoir renfloué le capital du club à hauteur de cinq millions d’euros.
La cicatrice Zamparini n’est pas fermée
À l’arrivée des nouveaux propriétaires, menés par Salvatore Tuttolomondo, la situation de Palerme sur le plan sportif s’est dégradée, mais reste largement positive puisque le club sicilien figure à la troisième place du championnat, synonyme de play-offs. Pourtant, dix jours plus tard seulement, la FIGC annonce « renvoyer Palerme à la dernière place du championnat de Serie B » , et donc, en Serie C. Elle reproche au club des irrégularités financières contractées sous la présidence Zamparini.
Le 29 mai, l’appel du club est partiellement entendu : si la rétrogradation directe en Serie C est annulée, le club se voit infliger une pénalité de vingt points pour le prochain exercice. Une saison que Palerme, malgré tous ses efforts, pourrait donc bien ne jamais voir. La faute à un détail, presque anecdotique dans la succession d’aberrations caricaturales vécues par le club palermitain, mais un détail tranchant, qui pourrait bien ne pas pardonner. La descente aux enfers se poursuit, et ne semble pas près de s’arrêter.
Par Valentin Lutz