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Palacio, brûlé par la lumière

Par Markus Kaufmann, à Santiago du Chili
Palacio, brûlé par la lumière

Un an après l'épopée du Mondial brésilien, l'Argentine est en finale de la Copa América. Elle affrontera le Chili dans ce qui constitue une finale de rêve, faite de rivalité, de coups de génie, de mauvais esprit et de grands champions. Mais il manquera un homme. Un joueur qui a fait partie de la campagne brésilienne en 2014 avant d'être moqué, jeté et enfin oublié. Brûlé par la lumière.

Le 9 juillet 2014 aux alentours de 19 heures, l’Argentine de Sabella jette toutes ses forces dans la bataille qui l’oppose aux Pays-Bas de Van Gaal. Le combat est rude, les deux schémas s’annulent, et Sabella décide de faire entrer les mouvements infatigables de Rodrigo Palacio pour débloquer la rencontre. On joue la 81e minute, le joueur de l’Inter prend la place d’Enzo Pérez, et le coup semble finement joué. À la 115e minute, le numéro 18 se fait même oublier de la défense hollandaise aux six mètres et reçoit un service maradonesque de Messi. La qualification est au bout de son pied, mais Palacio choisit d’utiliser son crâne. Le tir est si mou que Cillessen s’en empare calmement. L’occasion est passée, Palacio ne tirera aucun penalty.

Quatre jours plus tard, l’histoire et Sabella donnent une nouvelle chance à Palacio en finale contre l’Allemagne de Neuer. L’entraîneur fait entrer son attaquant tout-terrain à la 78e à la place d’un Higuaín fatigué d’avoir manqué l’immanquable. Une nouvelle fois, cela semble plutôt bien vu. Le sens du jeu de la Trenza fait la différence, encore. À la 98e minute, sur un centre de Rojo, Palacio se fait oublier d’Hummels et reçoit le ballon dans des conditions idéales. Contrôle de la poitrine, un peu trop long, puis panique : piqué envoyé trop haut et trop à gauche des cages de Neuer, dont les jambes ouvertes semblaient demander un autre sort. Nouvelle occasion, nouveau raté. En juin 2014 au Brésil, Palacio aurait pu devenir un héros national pour tous les Argentins. En échange, il sera toujours associé, avec moquerie, à ce raté. Era por abajo.

Timide intimidé

Quand Palacio se présente à la mise au vert argentine au Brésil, il sort certainement de la meilleure saison européenne de sa carrière. Meilleur buteur et meilleur joueur de l’Inter, l’Argentin marque 17 fois et donne 7 passes décisives en Serie A, plante 5 fois en Coupe, décide le derby milanais d’une madjer à la dernière seconde et porte sur ses épaules toute l’animation offensive du système frileux de Walter Mazzarri. Milan assiste alors au développement d’un footballeur méconnu dont le sens du jeu et l’intelligence des mouvements rendraient de grands services à n’importe quelle formation. L’Argentin étonne, pousse toujours plus, court sans arrêt et gagne 2,5 duels aériens par match du haut de son mètre soixante-quinze. Qui dit mieux ? D’où l’idée de Sabella de poser son nom à coté de ceux de Messi, Agüero et Higuaín, en lieu et place de celui de Tévez. Palacio est alors un professionnel exemplaire au sommet de son art à 32 ans. Le moment est parfait pour couronner de paillettes une carrière faite de timidité. La récompense devait être remise sur la plus grande des scènes. Mais parfois, les scènes changent les acteurs. Comme Higuaín a pu s’en apercevoir, le Maracaña peut être intimidant. Peut-être même que le seul maillot de la Selección les fait trembler.

L’année précédente, Palacio n’avait d’ailleurs marqué qu’un seul but en huit matchs d’éliminatoires, bien loin de son efficacité milanaise. Au Mondial, Palacio aura joué cinq matchs, toujours en tant que remplaçant. Un quart d’heure contre l’Iran, 40 minutes contre la Suisse (dont la prolongation), 20 minutes face à la Belgique, 40 minutes contre les Pays-Bas et l’Allemagne. Il n’aura marqué aucun but, délivré aucune passe décisive et pris aucun carton. Absent des lignes statistiques, mais inoubliable dans les mémoires. Il faut dire qu’il en faut du caractère pour porter l’exigence et les rêves de 40 millions de passionnés argentins. L’histoire de Palacio est celle d’un joueur travailleur et intelligent qui aura tout fait pour aller le plus loin possible avant de manquer la dernière marche. Pour certains, il aura cruellement manqué de talent. Pour d’autres, c’est le mental qui a lâché. Toujours est-il que si Palacio n’avait pas été attaquant, s’il avait été par exemple un milieu travailleur ou un latéral sérieux, il n’aurait pas eu à gérer cette occasion de but brûlante. Mais le destin l’a mis face à la porte de l’histoire. Timide et intimidé, Palacio n’y est pas arrivé. Et il le savait sans doute à l’avance : il aurait pu faire le bon appel et servir anonymement Messi pour le but de la victoire, mais pas l’inverse. « Je n’ai rien d’un capitaine, je laisse d’autres joueurs bien plus à l’aise prendre ces responsabilités » , racontait-il cette saison à la Gazzetta dello Sport à propos du vestiaire d’une Inter où il est pourtant le joueur le plus expérimenté.

Si proche et si loin de Tévez et Messi

Le paradoxe, c’est que Palacio se rapproche et s’éloigne à la fois de Messi et Tévez. Palacio est un Messi sans la grandeur des pieds. Le type qui ne dit rien aux asados, rigole aux blagues des autres et se montre toujours gentil, si tu vas lui parler. La distance des Argentins vis-à-vis de Palacio est l’occasion de se rendre compte à quel point Messi est éloigné du peuple argentin. Même Palacio, joueur à dimension internationale qui est resté jusqu’à 27 ans à Boca, dans l’essence du football argentin de la Primera, a été victime de son manque de charisme. Mais Palacio est aussi un Tévez sans la grandeur du caractère. Alors que cet été a été le théâtre du retour émotionnel de Tévez à Boca, le nom de Palacio n’a étrangement pas été évoqué. Lui qui y a passé ses plus belles années, de 23 à 27 ans, et marqué 54 buts en 131 matchs : le double de Tévez, qui a marqué 26 fois en 75 rencontres pour les Bosteros.

Palacio porte un nom de luxe qui sonne comme celui d’une célébrité prête à traverser les époques, mais sa personnalité indique tout l’inverse. Ainsi, cette saison, Palacio a beaucoup souffert. Ça doit être dur de vivre dans l’ombre et d’échouer à la première tentative dans la lumière. Alors, Palacio est reparti se cacher. On a parlé d’une blessure très douloureuse, à la cheville, mais aussi d’une blessure morale bien plus lourde. Celles que connaissent les types normaux qui passent à ça – c’est-à-dire, tout près – de devenir des héros. Loin à Buenos Aires, Diego Milito en avait parlé en novembre : « Rodrigo fait partie de cette catégorie de joueurs très autocritiques, et en plus en Argentine, après son occasion manquée, ils ne l’ont pas loupé. Et puis ils l’ont critiqué et infiltré, surtout la cheville. C’est pour ça qu’il met autant de temps à revenir. Mais le pire est passé, au téléphone il semble aller beaucoup mieux. » Peut-être que Sabella n’aurait jamais dû l’embarquer dans l’aventure brésilienne. Peut-être que Tévez aurait dû faire face à Neuer en ce 13 juillet, et tirer entre ses jambes. Mais peut-être aussi que Tata Martino aurait dû rappeler Palacio, auteur d’une bonne fin de saison (10 buts depuis février) – ce qui vaut au moins celle de Lavezzi – pour lui donner une nouvelle chance. Et un dernier tir dans la lumière.

Monaco, qu’est-ce que tu as dans le ventre ?

Par Markus Kaufmann, à Santiago du Chili

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