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Pailladins et Niçois contre la répression

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Pailladins et Niçois contre la répression

Alors que la Ligue de Football Professionnel (LFP) a lancé jeudi dernier une campagne « Sortons la violence des stades », en partenariat avec l'Union des Clubs Professionnels de Football (UCPF) et le ministère de l'Intérieur, les ultras montpelliérains et niçois, dans le collimateur des pouvoirs publics, ont adressé un joli contrepied aux autorités ce dimanche après-midi en marge de la rencontre Montpellier-Nice. Un défilé main dans la main, malgré leur rivalité, contre la répression « abusive » et la « criminalisation » des supporters.

A quelques encablures du stade de la Mosson, dans la discrète zone commerciale de Juvignac, les ultras pailladins (Butte Paillade et Armata Ultras) arrivent par petits groupes. Le rendez-vous est fixé à 14h. Il y a toutes les têtes connues de la tribune et notamment des visages anciens, revenus pour l’occasion. « C’est la première fois que je vois autant de monde de la tribune ensemble » , confie Kevin, un membre du noyau de la Butte Paillade. Les Niçois tardent à se montrer. En compagnie d’une poignée de membres de la Butte et des Armata, ils terminent les banderoles et messages communs prévus pour le cortège.

Tout est organisé depuis près de deux semaines, grâce notamment aux contacts entretenus par Sylvain, « capo » de la Butte Paillade, et Fred, ex-président de la Brigade Sud Nice (BSN). Les membres des groupes ont été prévenus dans la semaine avec la consigne de ne pas diffuser l’information, pour prendre les autorités par surprise, et d’éviter tout débordement. « On voulait marquer les esprits. La situation actuelle des groupes niçois et montpelliérain (ndlr, dissous pour la BSN et suspendu pour la Butte), comme le sentiment d’être parmi les derniers bastions ultras en France, ça a motivé des deux côtés » , explique Cyril, président de la Butte Paillade. Tandis qu’un Armata avertit une dernière fois les troupes: « Pas d’incident pour rester crédibles dans notre démarche » .

Ensemble pour défendre le mouvement ultra

Quelques 80 Niçois de la Populaire Sud, où siégeait la BSN, débarquent bientôt sur le parking de la zone commerciale, applaudis à leur arrivée par leurs homologues montpelliérains. Le mélange des rouge et noir et des orange et bleus se fait aux cris de « Liberté pour les ultras ! » . Le cortège d’environ 250 supporters se met en branle. Direction le stade de la Mosson. Tous derrière une banderole dessinée par les deux camps : « Aujourd’hui, demain : nous ultras, on lâchera rien !! » . Un message soutenu à grand renfort de fumigènes, de calicots revendicatifs contre la Loppsi 2 et de chants véhéments à l’égard des forces de l’ordre et de la Ligue. « Pour le mouvement ultra français, c’est un jour historique » , crie Sylvain. Les responsables ultras de la Paillade marchent en tête de cortège côte à côte avec ceux de la Populaire Sud niçoise. Comme quoi « avec un peu d’expérience, d’intelligence et une vraie mentalité ultra, on peut faire de grandes choses » , affirme encore Sylvain.

Pourquoi les ultras niçois et montpelliérains, qui se détestent, ont-ils décidé d’organiser une action commune ? D’abord pour protester contre la politique répressive des autorités publiques et sportives qu’ils jugent excessive. « On veut être traité comme tout le monde par la police et la justice, précise un Niçois, et non subir un traitement spécial, plus dur que pour les autres citoyens » . Ensuite pour dénoncer une lutte contre le hooliganisme qui s’attaquerait plus largement aux ultras et à leur manière d’animer les stades. « On voudrait pouvoir utiliser librement des fumigènes comme en Allemagne où ils ont fait une manifestation réclamant la liberté pour la pyrotechnie » , explique Doumé, un jeune de la Butte.

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Aussi pour relancer la mobilisation des ultras français. « En 2008, on a fait une très bonne action à Nice avec [les groupes ultras du Sud de la France, mais le lendemain y’avait plus rien. Quand on s’est revu un an après lors d’une réunion entre ultras, j’ai rencontré Fred de la BSN et on a eu l’idée de faire quelque chose en commun à Nice ou à Montpellier. Montrer que même si on s’aime pas, on est capable de passer au-dessus de nos différences pour défendre notre passion » , déclare Sylvain, le capo de la Paillade. Au Gym, c’est un peu le même son de cloche, avec la « Pride of South » en plus, « Personne ne le fait en France, alors on a décidé de le faire ensemble avec les Montpelliérains parce qu’ils sont comme nous dans la mentalité. A Nice on a toujours été là-dedans (dans l’esprit de coordonner les actions des ultras français, ndlr) et on se rend compte que sur ça les ultras montpelliérains nous rejoignent. Mais on aimerait aussi que ça se fasse ailleurs en France » , déclare Tchoa, ancien capo de la BSN.

Et c’est en chantant, « les Pailladins et les Niçois, ils marchent ensemble pour les ultras » , que le cortège a débarqué sur l’avenue du stade face au regard ébahi de la foule comme des quelques centaines de policiers mobilisés pour ce match à « haut risque » . « On a pris tout le monde a contrepied, c’était le but » , se réjouit Sylvain alors que le cortège se scinde, entre le parcage visiteur et la tribune Etang de Thau, celle des ultras locaux. « Merci pour l’accueil, merci à Montpellier. A Nice on lâchera rien : Liberté pour les ultras ! » , conclut Tchoa. A deux reprises, au cours du match, une banderole est soulevée dans la Butte, « Notre passion » , qui trouve écho dans le parcage visiteur, « ne s’éteindra pas » , accompagnée d’incessants « Liberté pour les ultras ! » . Pas d’incident pour défendre leur cause : mission accomplie pour les ultras du Sud. Si cette marche commune est un premier pas intéressant, il en faudra encore beaucoup d’autres. En tout cas, l’avenir du mouvement ultra français dépendra de sa capacité à se responsabiliser, à porter un discours clair sur la violence et à agir de concert comme ce dimanche.

Anthony Cerveaux (à Montpellier)

Photo : Nicolas Deltort

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