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Paco Molina, le Chili dans le sang

Par Ruben Curiel, à La Serena, au Chili
Paco Molina, le Chili dans le sang

Arrivé au Chili en 1939 à bord d'un bateau français, Paco Molina, né en Espagne, a brillé sous les couleurs de son pays d'accueil. Sauvé par le poète Pablo Neruda, Molina a écrit l'histoire de la Roja, en terminant meilleur buteur de la Copa América de 1953 au Pérou.

Né six ans avant la guerre civile espagnole, en 1930, Francisco Molina n’a pas le temps de grandir sur ses terres natales de Suria, en Catalogne. Ses parents sont contraints à l’exil pour fuir le régime de Franco. Seulement, les recours n’abondent pas. L’aide du poète chilien Pablo Neruda sera cruciale. Le 3 septembre 1939, 2 200 exilés politiques abordent sur le « Winnipeg » , bateau français, mis à disposition par le Parti communiste. Neruda, qui œuvre alors comme consul pour l’immigration espagnole à Paris, aidera ces réfugiés – républicains et communistes – à s’installer de l’autre côté de l’océan Atlantique, au Chili, en provenance du port français de Trompeloup-Pauillac. « Que la critique efface toute ma poésie si bon lui semble, mais ce poème, personne ne pourra l’effacer » écrivait Neruda dans son autobiographie. Effectivement, grâce au Prix Nobel de littérature chilien, Fransicso « Paco » Molina pourra faire carrière, marquant l’histoire de l’Atlético Madrid et de la sélection chilienne de son empreinte.

« Il avait des pieds de petite fille »

En France, Molina ne sera resté que quelque mois, placé dans un camp de réfugiés avec sa mère et sa sœur. Les gendarmes français remarquent très vite le talent du jeune garçon balle au pied : « Nous sommes restés six mois dans ce camp, en ayant froid et faim. Le ballon nous a aidés » , raconte celui qui recevait de la nourriture en échange de sa participation aux parties de football. Puis, en septembre 1939, les réfugiés sont emmenés sur le port qui les mènera à la liberté. Un mois plus tard, les exilés arrivent au port de Valparaíso. La foule les reçoit au son de L’Internationale. Outre l’aide de Neruda, Paco Molina a survécu grâce au médecin à bord de l’embarcation. L’enfant catalan contracte le typhus, et souffre tout le long du voyage. « Deux enfants sont décédés sur le bateau, un autre à l’hôpital de Valparaíso. Un docteur s’est assis sur mon lit et m’a dit que mes deux amis étaient morts, mais que je survivrais. Je n’oublierais jamais le docteur Vizcarra. » Paco Molina commencera sa carrière aux Santagio Wanderers, en 1948. Milieu de terrain ou avant-centre, Paco Molina raconte : « Je n’étais pas un buteur né. J’étais un milieu qui pouvait frapper de loin avec les deux pieds. Je savais que je sortais du lot grâce à ça. Un jour, j’ai demandé à un entraîneur de me mettre en attaque. Il a refusé, arguant que l’équipe ne pourrait plus profiter de mes passes précises en profondeur. » Et d’ajouter : « Après ce précieux conseil, j’ai compris que je pouvais me perfectionner en tant que cerveau du jeu. J’ai pris le goût de la passe décisive, sans perdre mon envie de frapper de loin. » « Il avait des pieds de petite fille (il chaussait du 38), mais il transformait la balle en un obus » raconte Julio Martínez, considéré comme le meilleur journaliste sportif de l’histoire du Chili.

Un triplé contre l’Uruguay en remerciement

En 1951, Molina rejoint la Universidad Católica, où il évoluera durant une saison. En 1953, c’est le tournant de la carrière de Molina. Ayant obtenu la nationalité chilienne en 1942, Molina intègre la Roja pour disputer la Copa América de 1953, qui se déroule au Pérou. Encore nommé « Campeonato Sudamericano » , ce tournoi verra l’avènement de Paco Molina. Le Chili terminera quatrième d’une compétition remportée par le Paraguay. Mais l’essentiel n’est pas là. Molina termine meilleur buteur, et commence à écrire sa légende. « Je m’en rappelle avec beaucoup de nostalgie. J’ai vécu la guerre civile en Espagne, et le Chili m’a sorti de l’enfer. Je serai éternellement reconnaissant envers Pablo Neruda, qui nous a aidés à nous échapper » , raconte Molina dans une interview pour le site officiel de la Copa América. De ce tournoi, Molina retient « le triplé marqué contre l’Uruguay, qui était champion du monde en titre et le doublé contre le Brésil, vice-champion du monde » . Il ajoute : « C’est ainsi que j’ai pu remercier le Chili pour le soutien que ce pays m’a offert, pour l’aide qu’ils nous ont apportée pour sortir de la dictature imposée par un imbécile qui, en voulant diriger le pays, a amené le peuple aux portes de l’enfer. »

Idole à Madrid

Le milieu chilien attire l’attention de l’Atlético Madrid. Il retournera sur sa terre natale en 1953, numéro 8 et maillot des Colchoneros sur les épaules. La première saison, Molina plante quatre buts en dix matchs. Il gagne sa place de titulaire l’année suivante, et marque dix buts en vingt-deux matchs disputés. La saison 1955-1956 sera sa plus complète : Molina, avec dix-sept buts marqués dispute le titre de Pichichi à un certain Alfredo Di Stéfano, qui le devancera tout de même. Le Chilien espagnol gagne les cœurs des supporters de l’Atlético et quittera le club avec le statut d’idole. En 1956, des problèmes à l’estomac et une embrouille avec l’entraîneur le contraignent à quitter l’Atlético. « J’ai vécu des choses que personne n’a connues là-bas. Les supporters ne me lâchaient jamais ! Même la presse s’y mettait : un jour, pour une séance photo, ils m’ont habillé en costume, avec un drapeau et un ballon, pour faire une analogie de mon jeu » se rappelle-t-il. Molina est de fait contraint de quitter le club madrilène : « À la fin de mon premier contrat, j’ai prolongé avec une clause spéciale : ma mère et ma sœur étaient avec moi à Madrid, mais mon père n’avait jamais pu nous rejoindre. J’ai demandé que mon père soit rapatrié. » Évidemment, Franco refuse. « Mon père n’a pas pu venir. Franco pensait certainement que c’était un voleur ou un révolutionnaire. Je suis donc revenu au Chili. » De son épopée madrilène, Molina retient surtout la finale de la Copa del Generalísimo, ancêtre de la Copa del Rey. Contre Bilbao, en 1956, Molina marque et évite du regard la tribune où siège Franco. « Heureusement qu’on a perdu (deux à un, ndlr). Je ne sais pas ce que j’aurais fait si j’avais eu Franco en face de moi. »

De retour à « la maison »

De retour sur sa terre d’accueil, Molina joue pour l’Audax Italiano de 1957 à 1959. Il rejoint ensuite l’Union Española et retourne à la Universidad Católica, clubs où il évoluera une seule saison. Le milieu chilien se retire dans la paisible ville de Coquimbo, à seulement 30 ans, à cause de sa persistante maladie à l’estomac. « Je me souviens qu’une fois, lors d’un match à Bilbao, je suis sorti et j’ai vomi. C’est là qu’a débuté ce problème. Cela m’a suivi et j’ai vite compris que je devais arrêter » , se remémore Paco Molina. Il devient ensuite entraîneur. « Ce n’était pas mon truc. Je préférais le commerce » , confesse-t-il. Pourtant, il emmène le club de O’Higgins en demi-finales de la Copa Libertadores en 1980. À 85 ans, Paco Molina vit à Antofagasta. Et remercie encore le Chili : « Aller à l’école ici me faisait déjà me sentir chilien. Quand j’ai mis le maillot de la sélection pour la première fois, les larmes ont coulé. J’avais besoin de sentir ce sentiment d’appartenance à une patrie. » Et de conclure : « À mon âge, je ne peux toujours pas expliquer mon histoire. Je pense qu’une fois qu’on défend le Chili, on est prêt à donner plus que le nécessaire. »

Par Ruben Curiel, à La Serena, au Chili

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