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Pacheta, l’entraîneur « terroir » de Villarreal
Habitué à jouer dans la zone ascenseur, José Rojo Martin dit « Pacheta » s'est vu confier à la surprise générale les commandes du Sous-Marin jaune, début septembre, après le licenciement de Quique Setién. Découverte d'un entraîneur convivial.
Pour Rennes, c’était plutôt un bon souvenir. Quand le tirage a désigné Villarreal, les Rouge et Noir pensaient recroiser Quique Setién, l’entraîneur du Betis que les Bretons avaient éliminé en seizièmes de finale de Ligue Europa, en 2019. Mais l’esthète Setién a été licencié dès le 5 septembre, remplacé par « Pacheta », ex-entraîneur de Hércules, Elche ou Numancia. Alors que les noms de l’ex-goleador Raúl Gonzalez Blanco et de Julen Lopetegui avaient filtré, le choix a surpris de la part d’un habitué à l’Europe.
« Sans façon », « humble », « terre à terre », voilà quelques-uns des adjectifs qui collent à José Rojo Martin, dit « Pacheta », qui tient à ce qu’on l’appelle par son surnom qui fleure bon la cerveza et les tapas prises sur un coin de table. À Valladolid, où il vient d’officier pendant deux ans, il n’était d’ailleurs pas rare de le voir prendre l’apéritif au bar du coin, sauf les lendemains de défaites où il devient muet, même avec ses proches. « Il menait une vie de Monsieur Tout-le-monde, se rappelle Manuel Belver, journaliste au Día de Valladolid. Il vivait près du centre, faisait ses courses à pied, discutait de football, mais aussi de tout et de rien avec les supporters. » Sa réaction au moment de son licenciement en avril dernier, alors que Valladolid pointait à la 16e place, en dit d’ailleurs long sur sa conception de son rôle, à l’ère des entraîneurs nomades ultraqualifiés. « À Valladolid, j’ai eu une superbe vie sociale et gastronomique, (…) c’est douloureux, car je m’adapte aux endroits en pensant que je vais y rester dix ans, mais le football est ainsi fait. »
Éloge de la normalité
Il faut dire que pour Pacheta, cette étape de sa carrière avait une signification particulière, lui qui a grandi à un peu plus de 100 kilomètres, à Salas de los Infantes, village de moins de 2000 habitants. Un père agriculteur, une mère meunière, et un début d’âge adulte où il travaille comme menuisier, alors que sa famille connaissait quelques difficultés. Pacheta ne sait peut-être pas se servir d’un iPad, tout du moins il préfère coucher ses analyses de l’adversaire sur papier, mais il pourrait tailler le chêne ou le pin. « Le meilleur compliment que l’on puisse me faire est que je suis un type normal », a-t-il pu dire à Relevo.
L’entraîneur de 55 ans baigne pourtant dans le professionnalisme depuis plus de trois décennies. L’ex-milieu défensif peut ainsi revendiquer plus de 200 matchs de Liga, avec pour modeste sommet ses années à l’Espanyol Barcelone (1994-1999), où le court passage de Marcelo Bielsa l’avait marqué. Comme entraîneur, celui qui est considéré comme un grand psychologue s’est aussi exporté en Pologne et en Thaïlande, avant de commencer à se faire un surnom en faisant monter Elche de la troisième division à l’élite, de 2018 à 2020. « Il avait su redonner confiance aux joueurs et s’adapter à leurs capacités, avec un 4-1-4-1 audacieux », indique le journaliste Jeronimo Tormo, fin connaisseur du club ilicitano. Il avait aussi participé à quelques festivités locales et reste aujourd’hui une idole. « Il sait se vendre », estime Tormo. L’entraîneur un brin old school n’avait pourtant pas officié en Liga avec Elche. Contrat non renouvelé. Cruel.
Alors, l’enfant de Salas de los Infantes est-il vraiment fait pour le football d’élite, lui qui préfère « un gars travailleur et honnête, à un joueur un peu meilleur » ? « C’est une bonne personne, mais dans le foot, il vaut mieux être un dur », répond Belver. Ses débuts à Villarreal n’ont en tout cas rien de prometteur, avec une seule victoire en Liga depuis sa nomination le 9 septembre dernier, et un revers d’entrée en Ligue Europa sur le terrain du Panathinaïkos (0-2). « Mais dans un certain sens, Villarreal est un club humble, qui colle à la personnalité de Pacheta, considère Belver. C’est un club d’une petite ville, même si c’est un habitué de l’Europe. Pour moi, leur choix ressemble à celui de Séville avec Mendilibar. » Si Pacheta fait aussi bien que le coach vainqueur de la dernière Ligue Europa, Villarreal ne pourra que se féliciter de son surprenant choix.
Par Thomas Goubin
Propos recueillis par TG, sauf mention.