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Pacheco : « À 13 ans, Falcao vaccinait déjà tous ses adversaires »

Par Javier Prieto-Santos, à Bogota
Pacheco : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>À 13 ans, Falcao vaccinait déjà tous ses adversaires<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Considéré comme l'un des meilleurs formateurs colombiens, Hernan « El Profesor » Pacheco est surtout connu pour avoir fait débuter Falcao chez les pros. Accessoirement, l'entraîneur actuel du club de Fortaleza, fut aussi le professeur d'EPS du jeune Tigre. Rencontre avec un type qui n'hésite pas à arrêter son entraînement pour causer du colombien le plus célèbre du monde. Interview.

Des joueurs comme James Rodríguez, Jackson Martínez ou encore Falcao ont redonné des couleurs au football colombien. Comment expliquez vous l’éclosion d’autant de talents après une longue traversée du désert ?Ces dernières années, on a beaucoup travaillé la formation des jeunes. On est reparti de zéro lorsque Reinaldo Rueda a mis en place une feuille de route à suivre au début des années 2000. Avant d’être sélectionneur colombien, Rueda avait été sélectionneur de toutes les catégories de jeunes. Il savait donc ce qu’il avait sous la main. Aucun jeune talentueux ne lui échappait. Eduardo Lara a ensuite poursuivi le travail de détection initié par Rueda ce qui lui a permis de gagner le Sudamericano (équivalent de l’Euro des moins de 20 ans) avec une équipe où il y avait Falcao, Rodalega, Aguilar. Ce même Lara est ensuite devenu sélectionneur et a continué à faire confiance aux joueurs qu’il avait formés chez les jeunes.

Ça n’explique pas vraiment pourquoi le football colombien est revenu sur le devant de la scène…Disons que Rueda et Lara ne se sont pas contentés de jouer aux scouts. Il y a quelques années quand les équipes de jeunes colombiennes affrontaient le Brésil, l’Argentine, l’Allemagne ou la France, elles se faisaient démolir physiquement. On se faisait humilier. Lara et Rueda ont diagnostiqué que c’était le biotype même des joueurs colombiens sélectionnés qui posait problème. On avait des joueurs techniques, mais sans impact. Pendant longtemps, on a eu une vision romantique du football, où la technique prenait le pas sur l’aspect physique.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui ?Aujourd’hui aucun formateur colombien ne recommandera un joueur à la Fédération s’il n’allie pas puissance, technique et vivacité. On s’est aperçu que nos gardiens et nos défenseurs étaient souvent les plus petits en taille des tournois auxquels on participait. Du coup, on a commencé à chercher des jeunes avec une stature capable de rivaliser avec les Brésiliens et Argentins dans le jeu aérien. Ça ne veut pas dire pour autant qu’on a fait une croix sur les joueurs petits. Au contraire. Disons qu’aujourd’hui, les petits ne jouent plus en défense mais en milieu de terrain.

Messi ne mesure pas 1m70 et pourtant il a quatre Ballons d’or…(Il coupe) Mets Messi en défense centrale et tu peux lui retirer tous ses Ballons d’or. La Colombie d’aujourd’hui, c’est du muscle et des centimètres dans la zone défensive, et de la puissance et de la créativité au milieu et en attaque.

Et le toque dans tout ça ?Il existe encore. On est des latins, pas des bourrins ! C’est la forme des joueurs qui a changé, pas le fonds de jeu. La Colombie a la chance d’être un pays métissé. Le profil des joueurs est très différent selon les régions où tu te trouves. Les joueurs de la côte fournissent souvent les attaquants, les numéros 10 et les défenseurs centraux. Falcao et Valderrama viennent de là-bas par exemple. Et puis tu as la zone d’Antioquia, dans le nord-est du pays, d’où proviennent beaucoup de milieux défensifs. Et puis tu as les joueurs du Valle, dans le sud, d’où sortent beaucoup de joueurs noirs, technique et rapide qui font d’excellents ailiers… Il n’y a pas une Colombie, mais des Colombies. Tous les profils se complètent entre eux et forment une équipe homogène. Voilà pourquoi je dis toujours qu’on vit dans le plus beau pays du monde !

Quels souvenirs gardez-vous de Falcao ?J’étais coordinateur des équipes de jeune à Fair-Play (club amateur formateur de Falcao). Il devait avoir 11 ans quand je l’ai vu pour la première fois et le président du club Silvano Escribano m’a dit : « Oh Pacheco ! Regarde le bien parce que t’as le futur meilleur joueur du monde devant toi ! » Et il avait raison. Falcao était extraordinaire. C’était un petit qui avait un sens du but que je n’ai jamais revu depuis. À l’entraînement, ils les mettaient toutes au fond. En match, il en plantait 6 ou 7. Tu pouvais le faire jouer avec les moins de 13 ou les moins de 15 ans, c’était pareil. Il était toujours le plus jeune sur le terrain…et le plus talentueux. Quand un enfant de 11 ans humilie des ados de 15 ans, ça sent plutôt bon. Tu vois ce que je veux dire ?

Vous avez fait débuter Falcao à l’âge de 13 en première division colombienne. Qu’est-ce qui vous est passé par la tête ?Quand j’ai pris les rennes du groupe pro, mon souhait c’était que certains jeunes s’entraînent avec les plus grands pour qu’ils prennent un peu de bouteille. Je voulais qu’ils observent pour apprendre un peu. La première fois que j’ai invité Falcao à s’entraîner avec les pros, il venait de l’école. Il est arrivé au stade tranquille, avec son nœud de cravate dénoué, comme si de rien n’était. Puis il a commencé à jongler. Il m’a tapé dans l’œil tout de suite. Il était différent. Dans les exercices face au but, c’était un killer. Je lui disais : « Falcao, prends la balle, travaille ton défenseur et essaie de marquer » . Il le faisait peinard. Ce qu’il y a de merveilleux avec Falcao, c’est qu’il ne répétait pas ses gammes. Il n’y avait pas de routine avec lui. À chaque fois qu’il y avait un exercice, il allait au-delà des consignes. Il faisait mieux que ce qu’on lui demandait à la base.

Mais pourquoi avoir pris le risque de le faire jouer aussi jeune ?Cette année là en Colombie, il y avait une règle qui stipulait que chaque équipe devait avoir au moins un mineur dans l’effectif pro. Falcao au départ, on ne comptait pas le faire jouer. On voulait juste qu’il s’habitue au groupe pro pour le faire débuter l’année suivante. Le problème, c’est que Silvano Espindola, son mentor argentin, voulait qu’il s’aguerrisse un peu avant de l’envoyer jouer en Argentine. Il y avait déjà des clubs argentins qui étaient intéressés donc il fallait qu’il prenne un peu de bouteille. On savait très bien qu’on arriverait pas à le cacher longtemps. Donc on a pris la décision de le montrer. Plus il jouait et plus il y avait de clubs intéressés. C’était ça la réflexion qu’on avait à l’époque.

Quels souvenirs gardez-vous du début officiel de Falcao avec les Lanceros de Boyaca (club professionnel colombien de deuxième division, aujourd’hui disparu, qui avait alors un accord avec fair-play, ndlr)?
On jouait contre le Deportivo Pereira, une bonne équipe à l’époque et l’attaquant que j’avais titularisé ne mettait pas un pied devant l’autre. J’ai regardé les solutions que j’avais sur le banc et le seul attaquant à ma dispo, c’était Falcao. Quand je lui ai dis d’aller s’échauffer parce qu’il allait entrer, il n’a rien dit du tout. Pour lui c’était quelque chose de normal. N’importe quel gosse de 13 ans se serait mis la pression tout seul à ce moment-là. Pas lui. Il n’arrêtait pas de sourire.

Il a fait un bon match ce jour là ?Il n’a pas fait le meilleur match de sa vie mais il a été largement à la hauteur. Je me rappelle encore de sa première prise de balle. Il a crocheté son défenseur, mais s’est fait tacler très sévèrement en sortie de dribble. À ce moment-là, je me suis dit : « Ça y est, il est blessé ! » Mais non, il s’est relevé tout de suite. Tout le stade était soulagé. Quand le match s’est fini, je me suis fait incendier par les journalistes. Il disait que j’étais fou, inconscient. Je crois qu’il y en a même un qui m’a traité de criminel. Pendant que je me faisais insulter de tous les noms, Falcao donnait ses premières interviews. On aurait dit qu’il avait fait ça toute sa vie.

Comment vous le faisiez jouer à l’époque ?Je lui donnais une totale liberté. C’était un garçon intelligent qui ne trébuchait jamais sur la même pierre. Moi tout ce que je lui demandais c’était d’essayer de marquer des buts, même s’il avait le numéro 10… On lui avait filé ce numéro pour le vendre un peu. En Amérique du Sud, le 10 appartient aux joueurs les plus talentueux. C’est un numéro qui capte le regard. Mais franchement Falcao n’avait pas besoin de ça pour être repéré. À 13 ans, il vaccinait déjà tous ses adversaires. C’était évident qu’il deviendrait un grand joueur.

Il était comment en dehors du terrain ?C’était un garçon assez réservé. Très timide. Et surtout très humble. Il était très apprécié de ses autres coéquipiers. D’ailleurs ce sont toujours ses meilleurs amis aujourd’hui. Falcao, ce n’est pas quelqu’un qui aime les mondanités ou être le centre d’attention des gens. S’il n’avait pas tous ses contrats de pubs, il resterait chez lui avec sa femme tous les soirs. Quand il vient à Bogota, il passe son temps à l’église et avec ses potes. Ils vont au ciné, ils jouent à l’Atari (sic) et ils se font des barbecues entre eux. Tu ne le verras jamais sortir de boîte de nuit. Ce n’est pas son truc.

Avec le recul, qu’est-ce que vous pensez avoir appris à Falcao ?À utiliser sa puissance convenablement. Falcao était plutôt petit mais très robuste quand il était ado. Je lui ai fait comprendre que même s’il n’était pas le plus fort physiquement, il pouvait prendre le dessus sur des adversaires plus costaud en utilisant son corps de manière intelligente. Quand un joueur avec une bonne technique sait utiliser intelligemment sa puissance, c’est plus facile. Falcao avait ça et aussi beaucoup de caractère. Vous pouvez apprendre beaucoup de choses aux jeunes, mais s’ils n’ont pas la grinta, c’est difficile. Comment on peut jouer au football si on n’a pas de mental ? C’est impossible ! La rage de vaincre, ça ne s’injecte pas. On l’a ou pas. Et Falcao l’a toujours eu.

Est-ce que son jeu a vraiment évolué depuis le temps où vous l’aviez sous vos ordres ?Bien sûr et c’est normal. Par contre ce qui n’a pas changé c’est son sens du but. En Europe, vous hallucinez quand il met des lucarnes, mais je peux vous dire qu’il mettait exactement les mêmes ici. Les retournés c’est pareil. Il en mettait un paquet. La seule chose que je ne lui vois pas faire aujourd’hui ce sont les coups francs. Quand j’étais son coach, c’est lui qui les tirait tous. Depuis qu’il est parti en Europe, il le fait moins. Le jour où il les tirera tous, ça va faire mal. Vous les Européens croyez tout connaître de lui mais en fait vous n’avez encore rien vu.

Vous étiez aussi son professeur d’EPS…(Il coupe) J’ai bossé pendant 15 ans comme professeur d’EPS et le seul gamin qui a eu 10/10 dans mes cours, ça a été lui. Il avait de la coordination, de la force, de l’équilibre et une souplesse incroyable pour son âge. À 13 ans, il connaissait déjà son corps parfaitement. Falcao ça a toujours été un athlète. En athlétisme, il était sensationnel. En basket-ball et en volley-ball, c’était aussi le meilleur. Parce qu’il avait déjà une énorme détente. Dieu lui a donné un réel don. C’est le genre de type qui n’a pas besoin qu’on lui explique pendant des heures la technique à adopter pour tel ou tel sport. Je me rappelle qu’il était plutôt bon en tennis aussi, alors que c’est un sport qui demande beaucoup de coordination de mouvements. Chez lui tout est d’un naturel déconcertant.

Est-ce qu’on peut dire que Falcao est déjà le plus grand joueur colombien de tous les temps à votre avis ?Avant on avait des grands joueurs comme Asprilla ou Valderrama, mais ils n’ont jamais été des icônes universelles comme peut l’être aujourd’hui Falcao. Je ne sais si c’est le meilleur joueur colombien de l’histoire mais en tout cas c’est le meilleur attaquant colombien de tous les temps et c’est surtout le meilleur attaquant actuel du monde. Cette année, il méritait le Ballon d’or. S’il avait joué au Barça ou au Real, on lui aurait donné, c’est sûr. Falcao est en train de révolutionner à lui tout seul les mentalités du football colombien. C’est un exemple à suivre pour tous les Colombiens. Ouais, on est très fier de notre Tigre.

Dans cet article :
Le retour du grand méchant Bayern ?
Dans cet article :

Par Javier Prieto-Santos, à Bogota

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