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Pablo Sarabia, tortue géniale
Pablo Sarabia n’est pas un homme pressé. Formé au Real Madrid, l’Espagnol de 27 ans débarqué au PSG cet été a connu une ascension lente, mais progressive vers le niveau international. Portrait d’un mec qui aime le foot, le ski et les plaisirs simples de la vie.
L’AJ Auxerre sur la pelouse du Bernabéu sponsorisée par Senoble. Voilà le tableau pour entrer dans l’histoire professionnelle de Pablo Sarabia. Ce 8 décembre 2010, le jeune homme de 18 ans – lancé par José Mourinho – remplace son idole Cristiano Ronaldo à un quart d’heure de la fin. En cette soirée de Ligue des champions, il a mis sa plus belle couche de gel pour coiffer ses cheveux en pics et va se faire remarquer par quelques séries de dribbles sur l’aile gauche. Mais ce 4-0 contre Auxerre sera sa première et sa dernière apparition avec l’équipe première du Real Madrid. Barré par la concurrence chez les Merengues, Pablo quitte son club formateur l’été suivant. Dès lors, l’ascension sera longue jusqu’à sa première sélection avec l’Espagne en septembre dernier. À 27 ans…
Retour en 2001. Pablo a neuf ans et évolue seulement en benjamin quand Javier, son père, est déjà convaincu de son potentiel. « Je me souviens très bien que le père était venu me voir directement pour me dire que son fils allait devenir un footballeur de très haut niveau » , rembobine Ignacio González, le premier entraîneur de Pablo au club EFMO Boadilla, où est passé également un certain Pepe Reina. « Je l’avais déjà entendu de la bouche d’un père, mais avec une assurance et une détermination aussi grande, jamais. »
Le ski, le reggaeton et Burger King
À l’époque, la famille Sarabia vient de déménager de Carabanchel, un district du sud de Madrid, vers Boadilla, un village paisible à une dizaine de kilomètres. « En général, on jouait sur de vrais terrains de football, mais on pouvait aussi taper le ballon dans la rue. En plus des entraînements avec le club, Pablo n’était jamais trop fatigué pour jouer au football » , se souvient Javier García Alcolea, son voisin et son pote à Boadilla. Quand ils ne jouent pas au foot, les deux compères sont fourrés au Burger King ou au cinéma. « On n’allait pas voir de films d’horreur, cela lui faisait faire des cauchemars. Mais les comédies commeTed, il adore » , précise Javier, resté aujourd’hui un ami proche de Pablo. Pendant les vacances d’hiver, Pablo part en famille dans les Pyrénées aragonaises exercer son deuxième sport favori : le ski. Un sport qu’il ne peut plus pratiquer aujourd’hui (c’est interdit dans son contrat), mais qu’il espère bien « reprendre quand sa carrière sera terminée » , dixit Javier.
À l’instar de son père, le fiston supporte le Real Madrid. Il est sélectionné une première fois pour une journée de détection dans son club de cœur, mais n’est pas retenu. Un an plus tard, la deuxième sera la bonne. À douze ans, le jeune milieu offensif intègre le centre de formation de la Maison-Blanche. Parmi ses partenaires de la génération 92, il est proche de Daniel Carvajal, Fran Sol (aujourd’hui au Dynamo Kiev) et Álex Fernández (Cádiz). « Pablo est un gars normal, il ne possède pas de manies particulières ou de détails qui sautent aux yeux. C’est aussi sa simplicité qui le rend attachant » , pose Fernández, avant d’ouvrir la boîte à souvenirs sur leur adolescence à la Fábrica : « Parmi nos jeux préférés, il y avaitFIFA, mais aussiCall of Duty qu’on avait bien poncé. Au niveau musical, on était assez branchés sur le reggaeton. »
Et le footballeur, alors ? Il n’est ni puissant ni très grand (1,74m) et ne court pas super vite non plus. Sarabia présente les qualités typiques du joueur espagnol : un profil technique déroutant, gaucher, à l’aise sur son pied droit, capable de percuter, frapper, dribbler. « Il est hyper rapide dans l’exécution. Et il y a un élément qu’il ne faut pas oublier, c’est sa qualité de centres. Il est très précis, sait bien lire le jeu et le déplacement des autres » , expliquait récemment Wissam Ben Yedder, son acolyte à Séville entre 2016 et 2019, à L’Équipe.
Capitaine des champions d’Europe U19
Le Madrilène est appelé dans toutes les catégories de jeunes de l’équipe nationale d’Espagne. À son tableau de chasse, il y a en 2009 la troisième place du Mondial U17. Il y a surtout le sacre à l’Euro U19 en Roumanie deux ans plus tard. Álvaro Morata finit meilleur buteur, Álex Fernández est élu meilleur joueur et c’est Pablo Sarabia, capitaine nommé par le sélectionneur Ginés Meléndez, qui soulève la coupe. « Lors de ce tournoi, je l’ai vu grandir en tant que joueur : son jeu était devenu encore plus mature avec une qualité technique fidèle à celle que je connaissais déjà » , précise Álex Fernández. De retour en Espagne, Sarabia n’est plus un joueur du Real Madrid. Car le milieu offensif vient de signer un contrat de cinq ans avec Getafe.
Un club qui évolue en Liga, loin des paillettes du Real, mais situé dans la banlieue de Madrid, proche de ses attaches : à première vue, l’espoir espagnol est dans l’environnement idéal pour s’imposer. Sauf que Sarabia ne parviendra pas à obtenir la confiance du coach Luis García Plaza durant les deux premières saisons. Le technicien le fait jouer lors du troisième exercice en 2014-2015, puis saute en cours de saison à cause d’une série de mauvais résultats. Paradoxalement, Sarabia va réussir sa meilleure saison à Getafe en 2015-2016 avec Fran Escribá, quand les Azulones terminent dans la charrette au classement. Le FC Séville, qui vient de remporter trois fois d’affilée la Ligue Europa, saisit alors l’opportunité de le recruter à un prix réduit : 5 millions d’euros.
Le chef Sampaoli et la sauce andalouse
Le Madrilène pense évoluer sous les ordres d’Unai Emery, mais quelques jours après son arrivée, l’entraîneur basque part au PSG, et c’est Jorge Sampaoli qui prend les commandes de l’équipe andalouse. L’Argentin va devenir l’entraîneur le plus important dans la progression de Sarabia. « Il a une façon de voir le football qui a captivé mon attention, explique Sarabia, croc love de son ancien coach, dans les colonnes d’El País en 2018. L’adjectif« vaillant »le décrit parfaitement. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi courageux que lui. » Utilisé dans toutes les positions par Sampaoli, Sarabia devient à cette période un joueur plus complet. « C’est grâce à lui que Pablo parvient à exercer un pressing efficace sur l’adversaire afin de récupérer la balle le plus haut possible sur le terrain » , note Javier, l’ami d’enfance. Lionel Carole et Maxime Gonalons, qui ont côtoyé le milieu offensif à Séville, décrivent également « un soldat » qui « charbonne pour l’équipe, ça saute aux yeux » .
Le départ de Sampaoli à l’issue de la saison 2016-2017 ne va pas stopper l’éclosion de Sarabia chez les Blanquirrojos. Bien au contraire, il s’impose dans la régularité comme un joueur clef de l’équipe sévillane victorieuse à Old Trafford en huitième de finale retour de C1, puis explose ses statistiques la saison dernière sous les ordres de Pablo Machín en claquant 13 buts et 13 passes (co-meilleur passeur de Liga avec Messi). Avec Séville, celui qui préfère jouer « derrière l’attaquant ou sur le côté droit » est devenu légitime pour rejoindre un club du gratin européen. Quand l’occasion se présente en juillet dernier, Sarabia file au PSG, non sans lâcher quelques larmes en remerciant le club, les supporters et la ville pour leur « affection » et leur « soutien » depuis « le premier jour » où il est arrivé à Séville.
Première sélection avec la Roja à 27 ans
Le 5 septembre 2019, Sarabia a enfin disputé sa première cape internationale lors de Roumanie-Espagne (1-2), quelques jours avant de boucler la boucle en retrouvant le Real Madrid sous le maillot du PSG en Ligue des champions. Le paternel avait vu juste sur le talent de son fils. Malheureusement, il n’aura jamais vu Pablo porter le maillot de la Roja ou du PSG : Javier Sarabia est décédé l’année dernière des suites d’une maladie. Quand El País lui demande pourquoi il a été sélectionné en équipe nationale bien après Thiago Alcántara, Koke ou Morata avec qui il avait remporté l’Euro U19 en 2013, Pablo répond à sa manière, en toute simplicité : « Chacun progresse à son rythme, mais j’ai toujours dormi sur mes deux oreilles parce que j’ai tout donné à l’entraînement et aux matchs. Je suis devenu footballeur petit à petit. » Un lièvre et une tortue dans une même personne : Jean de la Fontaine n’y aurait même pas songé.
Par Antoine Donnarieix et Florian Lefèvre
Tous propos recueillis par AD et FL, sauf mentions.