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Pablo García : « Jouer au Real, c’était faire l’acteur »
Milieu de terrain réputé pour son côté besogneux, Pablo Garcia coule à présent des jours heureux du côté de Salonique. Avant ce classique entre le Bayern Munich et le Real Madrid, El Canario parle de son passé merengue.
Bonjour Pablo, que deviens-tu aujourd’hui ? J’ai terminé de jouer au PAOK Salonique en 2014, et je suis resté là-bas depuis. Ces dernières années, j’ai entraîné les moins de 17 ans du club, et cette année, je suis passé aux moins de 20 ans. En ce moment, je me focalise sur les diplômes pour devenir entraîneur. En Uruguay, j’y retourne toujours en décembre, pour passer Noël en famille. Au moins une fois par an, on va dire.
Tu as même une rue à ton nom en Grèce, dans le village d’Arnaia Halkidiki près de Salonique. Qu’est-ce qui fait que tu sois autant apprécié à Salonique ? Ce panneau est à une heure de là où je vis. C’était il y a deux ans de cela, j’étais là avec les supporters. Ici, les gens sont fanatiques… Même si ça fait deux ans que j’ai terminé ma carrière, les gens continuent de m’offrir des cadeaux, m’invitent à manger. Personnellement, ça me rend très heureux. Cela prouve que mon travail avait été bien fait, que les gens étaient satisfaits.
Retour à l’été 2005. Quand tu arrives au Real Madrid, c’est la période où Ronaldinho est irrésistible avec le Barça, et le Real cherche alors à contrer son rival. Quand tu signes ton contrat, quel doit être ton rôle au sein du Real ? Au Real, nous étions dans une période de transition. Roberto Carlos terminait sa carrière de footballeur à Madrid, comme Zidane, Beckham, Ronaldo… C’était la fin des Galactiques. L’équipe avait tout gagné, et cette saison-là, il faut avouer qu’un vide se ressentait. Ce n’était pas simple d’arriver dans ces conditions. J’arrive de Pampelune, une petite ville, et une mentalité différente. On m’avait recruté pour densifier le milieu de terrain, pour apporter de la présence physique. Il fallait faire un gros travail de récupération, parce que Zidane ou Beckham, ils ne couraient plus comme avant. Et si tout le monde ne court pas, cela devient tout de suite plus compliqué. Surtout quand venaient les Clásicos : avec Xavi, Iniesta, Ronaldinho… Même Messi commençait déjà à éclore. C’était très compliqué (rires) !
Tu signes la même année que Gravesen. Il y avait une vraie volonté de garnir le milieu de terrain avec des guerriers… Il nous fallait ce type de joueurs parce que notre équipe manquait d’impact au milieu. Le Real recherchait un joueur semblable à Makelele, qui avait marqué son époque. Mais dans la pratique, c’était difficile de jouer aussi bien que cette équipe à sa période dorée. C’était une année difficile, il faut le dire.
Tu es un ancien partenaire de Zinédine Zidane au Real… Quels souvenirs en gardes-tu ? J’avais eu l’occasion de lui rendre visite, quand il était encore entraîneur de la Castilla. Il m’avait très bien accueilli, c’est quelqu’un de très sympathique. Pour moi, c’est l’un des meilleurs joueurs, une des meilleures personnes que j’ai pu rencontrer au cours de ma carrière. C’est un homme humble, malgré son énorme talent. Quand je le voyais sur le terrain, c’était El Mago ! Il fait vraiment partie des personnes que j’estime beaucoup.
Tu arrives aussi en même temps que Sergio Ramos, vous aviez la même coupe à cette époque ! Comment est-ce qu’il se comportait dans le vestiaire ? Il était beaucoup plus jeune que moi, mais très vite on sentait que son potentiel était impressionnant. Son physique était bon, il paraissait être un athlète, ses valeurs aussi étaient importantes. C’est pour cela que le Real Madrid l’a engagé. Aujourd’hui, on le voit comme un capitaine très charismatique, mais à l’époque il écoutait, il regardait beaucoup les anciens. C’est comme ça qu’il a appris. Aujourd’hui, je trouve que les jeunes perdent cette habitude. En Grèce, quand je vois certains d’entre eux, ils pensent déjà tout savoir. Ramos, c’était un jeune très attentif à ce que faisaient ceux qui réussissaient. Vivre le football, c’est aussi l’apprendre pour travailler mieux ensuite.
Tu expliquais récemment qu’à ton époque au Real, tu ne te sentais pas à l’aise, car c’était « trop glamour » … Tu étais plus un mec de campagne qu’un gars de la ville. C’était quoi, l’exemple de décalage que tu pouvais avoir ? Quand je jouais pour Osasuna, l’objectif, c’était le maintien. On travaillait pour cela, et sur le terrain comme en dehors, on était soudé en équipe. On ressentait une union forte. Notre entraîneur, Javier Aguirre, c’était aussi quelqu’un capable de rassembler. Quand on faisait un bon entraînement, on se retrouvait le soir pour faire un asado, un truc où tu peux échanger. Au Real Madrid, tu oubliais tout ça. À cette époque, il y avait plusieurs groupes : les Brésiliens, les Espagnols, les joueurs un peu à part comme Beckham… Quand on s’entraînait, Goal 2 était en tournage pendant l’entraînement. Les caméras étaient juste à côté de nous alors qu’on s’entraînait ! Comment un joueur peut se concentrer dans une situation pareille ? C’était un autre travail, c’était faire l’acteur. En tant que footballeur, c’était incompatible. On avait fait notre préparation d’avant-saison en Chine, et là c’était pareil : des caméras de partout, des sollicitations de la télévision, des photos par-ci par-là… Logiquement, notre avant-saison avait été mauvaise, et cela joue beaucoup sur le déroulement de la saison suivante. Je ne sais pas si la politique du club a changé, mais cette surmédiatisation jouait trop sur notre concentration.
En cours de saison, Luxemburgo est démis de ses fonctions, Roberto Carlos expliquait que certains joueurs avaient même demandé à ce qu’il soit viré… Ça te surprenait de voir cette guerre des ego dans une équipe ? C’est clair ! Dans une équipe, l’union est essentielle. Tout le monde doit être derrière le coach. Bon, on ne jouait pas bien aussi, hein. Son éviction après le match contre Getafe, ça se sentait depuis un moment. L’entraîneur était proche des Sud-Américains, donc à ce niveau-là je n’étais pas acteur, mais cela pouvait aussi engendrer de l’incompréhension chez d’autres.
Qu’est-ce qui fait que le Real de ton époque n’était pas aussi fort que le Real actuel ? Je crois que Zidane fait vraiment un bon travail à Madrid, et les joueurs le respectent aussi énormément pour ce qu’il a donné au Real. Zidane a donné une certaine stabilité au club, ce qui est très difficile à faire à Madrid. Et puis maintenant, Zidane a gagné la Ligue des champions. Là-dessus, on ne peut plus lui demander de faire ses preuves ! Le fait qu’il donne sa chance à des jeunes joueurs, c’est aussi une excellente initiative.
Même si le Real Madrid a remporté la Ligue des champions l’an passé, le Bayern Munich peut vraiment lui poser des problèmes. Est-ce que tu ne trouves pas que le Real manque de niaque au milieu pour se retrouver devant Vidal ou Xabi Alonso ? Le Real détient Casemiro dans les joueurs de ce profil. C’est un joueur sérieux, qui fait le sale boulot. Il garde bien le ballon, sait se placer sur le terrain. Ce n’est pas tout à fait le même style que Xabi Alonso, qui lui possède des facultés d’organisation de jeu très développées. Je ne sais pas si Kroos et Modrić vont jouer avec Casemiro, mais je pense que ce trio pourrait être le meilleur pour le Real. Cela va dépendre de la capacité du Real à exploiter les contres, car ils peuvent être dangereux à ce niveau, surtout Cristiano Ronaldo. Mais si l’on doit analyser les équipes dans leur globalité, je vois le Bayern un peu plus fort que le Real. Quoi qu’il arrive, ce sera très intéressant à suivre.
Le Bayern vient tout juste d’écraser Dortmund à domicile. Ce sont de grands joueurs, entraînés par un grand entraîneur… Est-ce que contre un aussi gros adversaire, le Real peut aller chercher une deuxième Ligue des champions consécutive ? C’est le Real Madrid. Avec eux, tout est réalisable. Leurs joueurs sont des références mondiales, et c’est dans les grands rendez-vous que l’on voit qui sont les vrais grands joueurs. Le Bayern, c’est aussi une énorme équipe, mais le Real possède l’avantage de recevoir au match retour. Si le Real perd ce soir et quel que soit le score, il pourra toujours inverser la tendance au Bernabéu.
Propos recueillis par Antoine Donnarieix