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Pablo Fernandez, le préparateur très physique de l’OM
Chauve, argentin, chaud comme la braise : les points communs entre Jorge Sampaoli et Pablo Fernandez sont nombreux. Mais ce dimanche, le préparateur physique de l'OM, qui fréquente Sampaoli depuis 27 ans, est sorti de l’ombre pour s’en prendre à un supporter niçois qui avait attaqué Luan Peres. Relativement méconnu, l’homme de 50 ans est pourtant un rouage essentiel de la machine Sampaoli, en plus d’être un fan de hard rock aux méthodes surprenantes.
« Ce dont je suis sûr, c’est que nous avons besoin de ces explosions de Pablo Fernández et de Jorge Sampaoli pour pouvoir triompher par moments. » Quand Jorge Desio, l’autre adjoint marseillais disait cela à Folha en 2019, il n’imaginait sûrement pas un tel scénario. Dimanche soir, alors que la situation a déjà bien dégénéré en tribunes entre Nice et Marseille, le préparateur physique délaisse son banc où il s’occupait de l’échauffement des remplaçants pour se joindre à la baston. Il assène un coup à un ultra niçois qui venait de s’en prendre à Luan Peres avant de reculer rapidement à la manière d’un boxeur. Un acte pas vraiment surprenant, selon un observateur avisé de l’OM : « C’est l’ambiance sud-américaine où tout le monde tape, alors qu’en France, on aime bien qu’il y ait du monde au milieu. Il agit comme ça car il se dit que c’est un guet-apens. Tout le monde descend, la sécurité est dépassée, ils vont se retrouver à dix contre cent, donc il veut gérer le truc. C’est protecteur vis-à-vis de ses joueurs. » Braulio Leal, capitaine de O’Higgins (D1 chilienne) avec Fernandez dans son staff, confirme : « Son caractère fait qu’il met tout en œuvre pour défendre ses joueurs. Je comprends parfaitement sa réaction quand il a vu que ses joueurs étaient attaqués. À O’Higgins, hormis une ou deux explosions pour des protestations auprès de l’arbitre, il n’a eu aucun problème avec personne parce qu’il est très franc. »
Front contre front avec Valère Germain
À Marseille en revanche, il a déjà connu un épisode volcanique. En fin de saison dernière, certains joueurs de l’OM se sentent un peu moins concernés. Ils savent qu’ils ne joueront pas à Marseille la saison suivante et ne se donnent pas à 100% dans les séances de Jorge Sampaoli. Valère Germain est l’un d’entre eux. Un jour à l’entraînement, une consigne est donnée, et l’attaquant peste en soufflant. Fernandez voit ça, traverse le terrain très rapidement en sa direction pour lui dire : « Tu souffles, toi, tu n’es pas content alors que tu es footballeur, il y a un problème ? » S’ensuit un coup de pression en front contre front, à quoi Germain répondra : « Non rien, désolé. » Bien loin de l’accès de violence de l’Allianz Riviera, mais preuve d’un certain carafon. « Il est chaud, mais c’est la stratégie voulue, glisse un habitué de la Commanderie. Sampaoli observe et il a un staff hyperactif qui donne de la voix. Fernandez joue un peu le rôle du mauvais flic pour mieux laisser au coach le rôle du bon flic. » Paradoxalement, cela le rapproche des joueurs selon Leal : « Pablo est un type qui a un caractère très fort, imposant, et ça en fait un type très proche des joueurs. Il essayait toujours de nous rappeler les endroits où on était né, d’où on venait. Il ne voulait pas qu’on perde cette essence, la manière de jouer au quartier qui nous avait permis de devenir joueur de football. Il déteste les baisses de tension, il exige du sacrifice et de la discipline. Si tu le comprends, tu en tires vraiment profit. Tu crois en sa méthode et ça fonctionne. »
Amis depuis 27 ans
Comme Jorge Desio, autre adjoint au caractère opposé, Pablo Fernandez connaît Jorge Sampaoli depuis 1994. Fraîchement diplômé,« El Profe » débarque au Club Renato Cesarini de Rosario, et c’est là-bas que la rencontre a lieu. La connexion prend tout de suite. Si bien que les deux lascars commencent leur carrière dans le monde amateur main dans la main (Alumni de Casilda, Belgrano de Arequito, Aprendises Casildenses et Argentino de Rosario). Leur route se sépare ensuite quand Fernandez part au Venezuela. Mais, désormais amis, ils se rendent souvent visite lorsqu’ils sont tous les deux au Chili. Ils finissent par retravailler ensemble à Santos, en 2018. Entre-temps, l’ancien joueur au petit niveau a bourlingué et affiné sa méthode avec d’autres entraîneurs (Newell’s, Arabie saoudite, Yokohama Mariners avec Indio Solari ; River Plate, Club América, San Lorenzo, Oxford United avec Ramón Díaz ; O’Higgins, Celta de Vigo, FC Séville et Athletic Bilbao avec Eduardo Berizzo).
Météo et rock argentin
Sa méthode, assez flexible, est pour le moins inédite. « Elle dépend de l’entraîneur et du lieu où tu travailles,expliquait-il au podcast Entre Profes en octobre 2020. Il n’existe pas de formule, tout dépend des caractéristiques. Il faut des joueurs intelligents qui font bien les choses et surtout qui comprennent pourquoi ils le font. Du reste, il faut se passionner pour ce qu’on fait et le faire avec intensité. » Ce qui implique, par exemple, de dégainer régulièrement sa playlist rock du portable. « Avant les matchs, il nous mettait toujours la chanson de Rocky dans les vestiaires, il adorait ça, rembobine Leal. C’est lui qui mettaitEye of the Tigerà chaque fois avant d’entrer sur le terrain. C’est un vrai rockeur à fond. Il écoute énormément de rock argentin. » « Ce n’est pas une méthodologie très conventionnelle, elle ne rentre dans aucune case, détaillait-il en conférence de presse à Bilbao en 2018. Mais j’ai conçu cette manière personnellement, avec des arguments qui la soutiennent et la valident. »Ce n’est pas le Chilien qui va dire le contraire : « Physiquement, j’ai énormément progressé avec lui, j’étais au max. Sa manière de travailler m’a rendu beaucoup plus puissant, agile, j’ai vraiment réalisé les effets du travail qu’on faisait avec lui. L’équipe de O’Higgins de ces années-là avait cette marque de fabrique, on étouffait l’adversaire par notre vivacité, notre intensité. Il a fait un boulot fantastique. On a réussi à gagner des titres grâce à cela. » Dans les pays hispaniques, il garde la réputation de cador. De source argentine, on pense aussi que la carrière de Jorge Sampaoli n’aurait jamais été la même s’il n’avait pas côtoyé Pablo Fernandez à ses débuts. Proches du fait de leurs origines modestes, ils ont tous les deux réussi à atteindre le très haut niveau dans leur métier, en devenant des amis très proches. Unis par un lien très fort. Et unis par l’amour de la castagne.
Par Émile Gillet, avec Arthur Jeanne
Tous propos recueillis par EG et AJ