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« Özil tente des choses incroyables »

Propos recueillis par Ali Farhat
7 minutes
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Toujours plus loin, plus forte, plus vite, jusqu’au bout de l’extrême limite: la Mannschaft, c’est le nec plus ultra, en matière de sélection nationale, en ce moment. Justement, Matthias Greulich, le fondateur de « RUND-Magazin », un So Foot à la sauce teutonne, sort un bouquin sur sa team nationale. Un bouquin intitulé "Die Fußball-Nationalmannschaft. Auf der Spur zum Erfolg" (l’équipe nationale de football. Sur le chemin de la victoire). Parce que l’Allemagne a toujours eu la culture de la gagne. Sauf que maintenant, elle y ajoute la manière.

L’un des thèmes principaux de l’ouvrage est la question de l’intégration. Comment explique-t-on que, d’un coup, il y ait autant de joueurs d’origine étrangère en équipe d’Allemagne ?C’est le fruit d’un travail qui remonte à une dizaine d’années. Puis, quand on regarde l’Euro 2009, l’Allemagne est championne d’Europe espoirs avec des joueurs comme Khedira, Boateng… Ces joueurs étaient trop forts, ils devaient un jour où l’autre jouer pour l’équipe nationale. Disons que ça a longtemps macéré, et que pouf, d’un coup, l’équipe d’Allemagne s’est retrouvée avec tous ces joueurs.

Quand un mec comme Jerome Boateng dit: « Je n’ai jamais pensé jouer à une autre équipe nationale que l’Allemagne » , c’est quelque chose d’assez nouveau, non? Qui sont les types que l’on voit jouer dans la rue, aujourd’hui ? Ce sont des gens issus de la troisième génération de travailleurs d’origine turque, par exemple. De même, les Boateng, les Khedira, ce sont des gens qui ont grandi ici. Khedira ne connaît la Tunisie que pour y être allé en vacances, c’est tout. Il est donc normal qu’ils finissent par s’identifier à l’Allemagne. Pour Özil, c’est pareil. Il a toujours voulu jouer pour la Mannschaft. Dans son entourage, il y a des gens qui s’opposaient à sa décision, ils voulaient qu’il joue pour la Turquie. S’il avait pris cette décision, ça n’aurait pas été un choix du cœur. Il est arrivé que certains joueurs qui sont nés et ont grandi en Allemagne aient choisi la sélection du pays d’origine de leurs parents, non pas par choix du cœur, mais simplement parce qu’ils se sont dit que c’était mieux pour leur carrière. Ils ont pensé qu’ils n’auraient pas la possibilité de s’imposer au sein de la Mannschaft.

Quand on lit les différents portraits de joueurs, on se rend compte, qu’au final, il n’y a plus vraiment de grandes gueules comme à l’ancienne ?Le football a énormément évolué depuis quelques années. D’un point de vue du jeu, tout d’abord: les Götze, Kroos, Özil, ce ne sont pas les plus grands de taille, ils ont dû s’adapter puis trouver leurs propres armes pour se faire une place. Ensuite, dans le football d’aujourd’hui, on se rend compte qu’une grande part est consacrée à l’individu. On n’est plus simplement footballeur, on est aussi une personne évoluant dans une société. Le niveau d’éducation des footballeurs est plus élevé qu’il y a quelques années. Aujourd’hui, au sein de la Mannschaft, ils ont tous le bac. Au-delà de ça, ils peuvent provenir de milieux que l’on ne connaissait pas jusqu’à présent: le père de Mario Götze est prof à la fac, par exemple. Il y a une évolution de la société, une évolution des mentalités. Même les types de leaders ont changé. Tout le monde parle de Schweinsteiger, mais à mes yeux, Khedira aussi est un leader, sauf qu’il ne l’exprime pas comme pouvait le faire un Matthäus ou un Effenberg.

En fait, la dernière grande gueule de la Mannschaft, c’est Michael Ballack.Ballack, c’est le trait d’union entre les deux générations. Oui, c’était un commandeur, mais c’était aussi un joueur moderne, d’un point de vue tactique.

Est-ce qu’au final il ne faudrait pas remercier Kevin-Prince Boateng (le 15 mai 2010, en finale de la FA Cup, le « Prince » blesse Ballack à la cheville droite. Celui-ci ratera la Coupe du monde en Afrique du Sud. Ballack absent, la Mannschaft s’est paradoxalement décomplexée et a fait une compétition de feu, ndlr) ?Je ne pense pas que l’on puisse dire ça. Contre l’Espagne, un mec comme Ballack aurait beaucoup apporté, ils n’auraient pas autant galéré au milieu de terrain. Ils auraient eu un peu plus de « respect » , si l’on peut dire. Après, vu comment ça s’est déroulé, peut-être que Ballack n’aurait pas eu sa place, je ne sais pas. Ce que je n’ai pas apprécié, c’est qu’une partie de l’opinion publique l’a complètement dénigré après sa blessure. Il ne faut pas oublier qu’il a marqué un nombre incalculable de buts importants pour la Mannschaft, il l’a porté à bout de bras par moments. Et juste après son retour de blessure, il y avait des tas de gens qui disaient que Ballack ne servait plus à rien. Ça m’a énervé.

On peut établir un lien entre la sélection et la société allemande?Quelque part, oui. Il suffit de voir les gens dans la rue, tout ça. Tout se mélange, de plus en plus. Et puis, on accepte des gens qui proviennent d’horizons différents. Sinon, le travail de Joachim Löw est super important, aussi. Il ne crie pas sur ses joueurs, il est cool avec eux. Il sait comment faire passer son message, il sait comment se comporter avec ses joueurs pour qu’ils donnent leur maximum. De toute façon, chez Löw, quand on voit comment il s’habille, il parle, on voit que tout est soigné, tout est « calculé » , dans le bon sens du terme.

Qu’est-ce qu’on peut dire sur la Mannschaft depuis la Coupe du monde 2010 ?

Quand on voit le match réalisé face aux Pays-Bas (victoire 3-0 à Hambourg, ndlr), on se dit: « quelle finesse, quelle légèreté » . Avant, avec Klinsmann, on jouait souvent en contres. Maintenant, c’est encore mieux: ça combine de plus en plus vite, et ça met l’adversaire hors d’état de nuire. C’est ça qui est beau.

L’Allemagne contrôle-t-elle mieux le jeu ?Oui. Et surtout, elle empêche l’adversaire de se mettre en place. Contre le Brésil (victoire 3-2 à Stuttgart en août 2011, ndlr), les joueurs ont exercé un pressing très haut. Contre les Pays-Bas, ils ne les ont pas laissé respirer non plus. Et peu importe les joueurs qui sont alignés: la concurrence est devenue plus forte. Quand Schweinsteiger ne joue pas, c’est Kroos qui est là; quand c’est pas Özil, c’est Götze, etc.

Le niveau est plus élevé que jamais, en fait.Regarde Özil: il tente des choses incroyables, mais ça reste efficace, malgré tout. Müller, c’est pareil: ce n’est pas un joueur très athlétique, mais il est très très fort. Il est peu insouciant, un peu insolent dans son style de jeu, il n’empêche, il fait toujours des choses incroyables.

Qu’est-ce que vous avez pensé du 3-5-2 tenté par Löw en Ukraine ?Je pense que sur le principe, c’est bien. C’est important de pouvoir tester des choses avant les phases finales. Oui, ça aurait pu tourner au vinaigre (menée 3-1 à la mi-temps, la Mannschaft change de tactique et accroche un match nul 3-3, ndlr), mais il ne s’agit que d’un match amical. Joachim Löw a fait ça pour que les joueurs ne s’endorment pas, en quelque sorte. Au final, Löw se soucie peut du résultat d’un match amical. Il l’a dit lui-même en conférence de presse après le match contre les Pays-Bas: s’il avait fait 2-2, il aurait quand même apprécié le match, parce qu’il aurait vu des choses intéressantes sur lesquelles il aurait pu bosser par la suite.

Le groupe pour l’Euro 2012 est-il déjà dessiné, ou bien il peut y avoir quelques surprises, comme David Odonkor lors de la Coupe du monde 2006?Des surprises, ça risque d’être très difficile. Néanmoins, il se peut que Löw aille jeter un coup d’œil du côté des U21 et qu’il en prenne quelques uns. Lewis Holtby, par exemple (capitaine des U21, Schalke), Moritz Leitner (Borussia Dortmund), Julian Draxler (Schalke)…

Il y a beaucoup de jeunes au sein de la Mannschaft, il y a beaucoup de jeunes qui jouent en Bundesliga. Qui a influencé l’autre ?Je pense que c’est la Mannschaft qui a influencé la Bundesliga. C’est Klinsmann qui a lancé toute cette révolution. Au début, quand il a débarqué avec ses histoires de coach de fitness, tout le monde s’est foutu de sa gueule. On lui disait: « Comme si on n’était pas capables de faire ça nous-mêmes, il faut que ce soit des Américains qui viennent le faire, comme si ça allait changer quelque chose… » . Aujourd’hui, toutes les équipes de Bundesliga en ont un. Klinsmann a permis d’accélérer pas mal de choses en Allemagne. S’il n’était pas venu, nous ne jouerions pas un tel football aujourd’hui.

A lire :Matthias Greulich (Herausgeber), Sven Simon, „Die Fußball-Nationalmannschaft. Auf der Spur zum Erfolg « , Copress Verlag, 2011, 19,90 Euros.

Chez les entraîneurs, des nerfs à manager

Propos recueillis par Ali Farhat

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