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Özil ou le génie allemand
En quatre mois, l'homme à la conjonctivite chronique s'est imposé au milieu du Real comme le nez au milieu de la figure. Après être entré dans le cœur des socios, il va devoir entrer dans la légende madridiste. Première étape, ce soir.
« Mesut a de grosses responsabilités sur les épaules avec nous et avec l’équipe d’Allemagne, qui est une sélection importante. Il y répond avec beaucoup de professionnalisme. Ce qui est le plus remarquable, c’est sa capacité à assimiler des choses nouvelles. Aujourd’hui par exemple, il a joué au poste de Di Maria et par la manière qu’il a eue d’occuper cet espace, il a donné l’impression d’avoir passé toute sa vie sur l’aile. C’est un joueur fantastique (…) il a conquis tout le monde, nous y compris » . A 21 ans, Mesut Ozil a réussi deux exploits : prendre les clés du jeu merengue à la barbe de Ronaldo, Kaka ou Alonso, et devenir le petit chouchou de Mourinho. Certes, « Mesut est un gamin » rappelle l’hyper-coach et il « peut encore progresser » . Mais il y a longtemps maintenant qu’à Madrid on ne vient plus au Bernabeu pour voir Zidane contrôler le ballon. Depuis septembre, on vient au stade pour voir Özil glisser son pied gauche entre les lignes adverses. L’histoire est en marche.
Mais Mourinho est un homme de praxis. Alors quand il aime, il le dit. Mais surtout, il fait. Le Real du Mou c’est Ronaldo + Ozil et les autres. Ces deux-là enfilent le 4-2-3-1 du boss comme un gant. Installé dans l’axe, le Germano-Turc a deux missions : décaler et distribuer. En phase de contre, c’est à lui que revient la divine tâche de fixer la défense puis lancer Ronaldo dans les espaces. En phase placée, il crée les décalages entre les lignes adverses en s’appuyant sur Ronaldo et Marcelo côté gauche ou Di Maria côté droit. Depuis le début de saison, le génie allemand enchaîne des statistiques catalanes et une moyenne de passes réussies hégélienne. Planté au milieu des pressings et des semelles adverses, Ozil cette saison, c’est quand même 80% de passes réussies par match. Douze d’entre elles se sont converties en pion. En deux briques : in-dispensable.
Sprechen Sie Spanien ?
Pourtant la tâche ne s’annonçait pas si facile. « Si on ne se comprend pas avec Mesut, c’est peut-être à cause de la langue. Je ne parle pas allemand et lui à peine l’anglais. En espagnol, il ne sait dire que bonjour » excuse Mou après la non-titularisation du grand homme allemand à Auxerre. Certes, Mourinho ne parle pas la langue de Fichte. Mais c’est à l’histoire qu’il faut en vouloir si personne n’est parvenu à faire oublier ZZ aux socios. Les images des contrôles et amortis du maître sont incrustées jusque dans les piliers du stade. La mediapunta merengue est une croix beaucoup trop lourde à porter. Les talents incompris ont été priés d’aller voir ailleurs (Sneidjer, Van Der Vaart), les faux génies n’ont brillé que par leurs absences (Guti, Casano), les espoirs ont déçu (Canalés) et les stars organisent leur retraite (Kaka). Mais le 11 septembre 2010, Bernabeu se lève quand Ozil quitte la pelouse. Pas mal pour une première. L’histoire peut (re)commencer.
Quatre mois plus tard, Ozil sait dire Ola et quelques mots en plus. Mieux, il s’amuse maintenant : « Quand je me réveille le matin, je suis heureux d’aller à l’entraînement parce qu’on travaille mais surtout parce qu’on s’y sent bien » . Mesut Ozil est une évidence au Real. Pas de recrutement spectaculaire, pas de présentation hollywoodienne, pas de débat entre lui et ses concurrents, pas de problème d’adaptation. Le gamin de 21 ans s’est imposé au poste le plus exigeant du Real sans jamais forcer : « Mourinho m’a appelé quand j’étais au Werder. En une demi-heure, il m’a convaincu de venir. Si je suis au Real, c’est pour Mourinho » . Van der Vaart parti à Tottenham, Kaka en congé de la République et Canales en dépression adulescente : le génie allemand a terrassé la concurrence à son poste sans jamais forcer sur le concept. Du travail de pro.
La raison dans l’histoire
Mourinho fait sa mijaurée en conf’ de presse et préfère maintenir le suspense : « Je ne vous donnerai pas les 11 parce que je suis sûr que Puel aussi aimerait bien le savoir. Je ne parlerai donc ni de Benzema, ni d’Adebayor ni de double ou triple pivot. Je suis le seul à savoir qui jouera. Même les joueurs ne le savent pas » . Mais contre Lyon, Özil jouera, c’est une certitude philosophique. La seule incertitude se concentre sur le dispositif tactique. Soit le 4-2-3-1 avec Ozil dans l’axe, entouré de Ronaldo et Di Maria. Cette composition ne serait une surprise que pour les distraits car c’est l’équipe-type du Mou cette saison. L’alternative pourrait être le 4-3-3 façon Chelsea et utilisée par le Mou à Auxerre pour renforcer son milieu. Dans ce cas, les soldats joueraient au milieu (Khedira-Alonso-Lass) et les artistes en première ligne. Özil glisserait côté droit et Di Maria sortirait de sa boîte en deuxième mi-temps. L’objectif du Mou pour ce soir est clair : contrôler le match, donc l’éliminatoire, donc le milieu. Donc Özil.
Thibaud Leplat, à Madrid
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