Comment est né votre amour pour le foot ?
Ibrahim : Je n’ai pas de passion pour le foot, simplement de l’admiration et du respect.Oxmo : De mon côté, je suis passionné par les gens passionnés par le foot. Je pense que socialement, ça met tout le monde sur un même pied d’égalité. J’y ai d’ailleurs joué en tant que libéro pendant 4-5 ans lorsque j’étais gamin, avant d’être frappé par la beauté du sport individuel et l’esprit qui y règne. J’ai rapidement préféré faire de la corde à sauter, taper dans des sacs ou pratiquer des sports de glisse plutôt que du foot. J’avais beaucoup de mal avec le favoritisme entre les joueurs et les inégalités entre les équipes premières et les équipes réserves. Le foot, ce n’est pas assez sportif pour moi, dans le sens où l’esprit se perd. De même que dans beaucoup d’autres sports.
Vous pensez que le foot éclipse les autres sports ?
Oxmo : Je pense que le foot est bien plus qu’un sport. C’est de l’art, de la danse. Mais il ne devrait pas éclipser les autres disciplines. Après, je dois avouer également que je ne rate aucun match important. Lorsque Messi ou Ronaldo jouent, par exemple, tu sais que tu peux assister à quelque chose d’historique. C’est assez magique comme sensation. Pour la petite anecdote, j’ai assisté au concert de Damon Albarn récemment à Paris et un de ses musiciens m’a avoué que le fait d’avoir rencontré Cantona il y a peu a bouleversé sa vie. C’est étrange, non ? Après tant d’années en dehors du foot, des mecs comme Cantona continuent d’être admirés pour ce qu’ils ont accompli.
On a l’impression que tu as un rapport social au foot ?
Oxmo : Oui, c’est tout à fait ça ! J’ai connu le foot à une époque où ça ne rapportait pas un rond. J’ai vu mon père faire presque une crise cardiaque lors de France-Allemagne 1982 et j’ai eu la chance d’assister à la finale de la Coupe du monde 98 devant le stade de France. C’est absolument fabuleux de voir l’engouement que ça peut susciter. Malheureusement, aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on parle plus des voitures et des femmes des joueurs que de leurs valeurs sur le terrain.
Vous pensez qu’il y a trop de dérives dans le foot actuel ?
Oxmo : Plus il y aura d’argent, plus il y aura de dérives. C’est exponentiel. Mais c’est un problème plus universel qui me hante. Je n’arrête pas de me demander, par exemple, comment on peut être fan d’une équipe aujourd’hui alors que les joueurs qui la composent changent tous les ans. Moi, je suis dans le sentiment, dans l’émotion. Et j’ai l’impression que ça se perd. Je connais des agents, par exemple, dont la vie professionnelle est horrible. Notamment à cause de joueurs qui changent d’avis à la dernière minute parce qu’on leur propose plus d’argent dans un autre club. Je ne me retrouve pas dans ça. Moi, j’ai un rapport de proximité au foot.
Tu es originaire de Paris…
Oxmo : (Il coupe) Oui et je supporte le PSG par principe. Mais je dois avouer que j’ai beaucoup de mal avec le fait qu’il n’y est presque aucun Parisien dans l’équipe. J’ai cette utopie qui voudrait que l’équipe de foot d’une ville ne soit composée que de joueurs nés ou originaires de la ville. Là, le PSG est avant tout une équipe de mercenaires. Moi, ce que j’aime, ce sont les équipes de village, Paris Saint-Georges ou le Paris FC. Des équipes avec lesquelles tu partages un barbecue après le match, où le père d’un des joueurs amène d’autres joueurs au stade et les ramène chez eux après.
Avec tout ça, quel est votre meilleur souvenir footballistique ?
Ibrahim : Le foot n’a jamais eu sa place dans mon éducation ou mon entourage, mais je garde un putain de souvenir d’un Auxerre-Lyon auquel j’ai assisté en 1996 à l’Abbé-Deschamps. Auxerre avait gagné 7-0 ce jour-là, et on m’avait dit que c’était un truc qui n’arrivait jamais. Je suis donc super content d’avoir assisté à quelque chose d’exceptionnel. D’autant plus que c’était la première et la dernière fois que j’ai mis les pieds dans un stade.Oxmo : Moi, ce sont les premiers crampons que m’avait achetés mon père. Ils étaient très bizarres, sans marques et de forme montante. J’ai fini par comprendre au bout d’un certain temps que c’étaient des crampons de rugby (rires).
Ibrahim : Quand j’étais petit, j’étais toujours en retard. Au bout de trois ou quatre retard, on était pénalisés par le prof. Un jour, mon prof de sport m’a donc dit que si j’arrivais encore une fois en retard, je ferais autant de tours de terrain que de minutes de retard. Quelques jours après, je suis arrivé 17 minutes après le début du cours. Je me suis donc tapé 17 tours de terrain, ce qui m’a réellement dégoûté. C’est à ce moment-là que je me suis dit que je ne jouerais plus jamais au foot. C’est dommage, j’aurais peut-être été un grand joueur (rires).
Le rap et le jazz semblent ne pas du tout entretenir le même genre de rapport au foot. Comment l’expliquez-vous ?
Oxmo : C’est vrai que je suis un cas un peu particulier parce que, contrairement à de nombreux rappeurs, je ne suis pas dans le foot. Je n’ai même jamais côtoyé de footballeurs dans mon entourage. Disons que les footballeurs sont des gens de la nuit et que moi, la nuit, je dors. Ibrahim : Les liens entre le jazz et le foot sont vraiment très limités. À l’inverse, on entretient plus de liens avec le cinéma. C’est un peu bizarre comme situation quand on sait que le jazz est lui aussi issu de la rue. Pourtant, à ma connaissance, peu de footballeurs revendiquent un goût pour le jazz et inversement. Je dirais même que les jazzmens n’ont aucun « rappeurs » avec le foot (rires).
Oxmo : Le rap, c’est le sport de la musique. Sa liaison avec le foot est, je pense, avant tout sociale. Avant, il y avait la boxe. On en parle moins parce que ça ne génère pas les mêmes dividendes, mais tous les gens de banlieue avaient un proche dans la boxe ou dans le foot. Ce dernier étant le sport populaire par excellence, tout le monde dans les cités y jouaient. Les rappeurs et les footballeurs se sont donc côtoyés très jeunes et ont continué à traîner ensemble une fois célèbre.
Si le football était une analogie d’Alice au pays des merveilles, qui serait le Chapelier fou ?
Oxmo : Balotelli, à coup sûr. Non seulement pour ses résultats, mais aussi pour son histoire et ses frasques. C’est un cactus de Sibérie, ce gars-là. Si on connaît son histoire, ses mésaventures en Italie, on sait très bien que c’est une ironie du sort, un gars unique.
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