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Ousmane Dembélé, l’indépendant de la Catalogne
Passé de héros du Barça à paria en l’espace de six mois, Ousmane Dembélé a pourtant toujours le choix de son avenir. Et il serait bon de rappeler à « l’institution » catalane qu’il existe un truc nommé Code du travail, ou Guía Laboral en VO, et que, jusqu’au 30 juin prochain, « El Mosquito » est salarié du club.
Le 19 juin 2021, alors qu’Ousmane Dembélé quitte la pelouse de la Ferenc-Puskás Arena en grimaçant, il ne s’imagine sans doute pas que son avenir au Barça vient d’être scellé. Ce jour-là, l’attaquant de l’équipe de France a pris un mauvais coup sur le tendon du genou et sort seulement vingt minutes après être entré. « El Mosquito » souffre d’une désinsertion du tendon du biceps fémoral droit. Quatre mois d’absence. La treizième blessure depuis son arrivée au Camp Nou en 2017. Le Barça envisageait de vendre le joueur au mercato estival, étant donné que son contrat expirait l’été suivant, mais sa blessure contraignait alors les Blaugrana à revoir leurs plans. Les voilà obligés de garder Dembouz dans leurs rangs pour la saison qui arrive. Et donc de devoir gérer une prolongation.
Mes que el club
Mateu Alemany, directeur général du club arrivé au Barça avec Joan Laporta en mars, démarre les discussions avec Moussa Sissoko, l’agent d’Ousmane Dembélé. Pendant ce temps, Ousmane récupère. Il revient même un mois plus tôt que prévu sur la pelouse gelée de Kiev en Ligue des champions, puis rechute. Blessure aux ischios cette fois-ci, la quatorzième. Ses prochaines minutes, il les disputera sous la direction de Xavi, dans un Barça dos au mur en Ligue des champions, contraint de gagner face au Benfica s’il ne veut pas jouer sa survie en Bavière. Et le Français apparaît comme LE sauveur du club en l’absence d’Ansu Fati et Pedri. Au Camp Nou, on chante à la gloire d’Ousmane Dembélé sur l’air de « La Marseillaise » . « Malgré les risques de rechute », précisés par Xavi en conférence de presse, le feu follet français prend le risque d’entrer en jeu.
Moins de deux mois plus tard, le numéro 7 est déclaré persona non grata dans l’effectif du Barça, et doit « partir immédiatement » explique Mateu Alemany, tout de suite moins sympathique. Le dirigeant majorquin n’en est pas à son coup d’essai en matière de chantage : en 2018, alors qu’il était directeur sportif de Valence, il avait fait le même coup à Gonzalo Villar, gamin du club qui refusait de prolonger pour partir à Gérone. Résultat : déclaration publique d’Alemany et menace de ne plus jamais jouer pour le club che. Cette fois-ci, le dirigeant avait gagné, et Gonzalo Villar était allé s’excuser avec ses parents, avant d’être vendu dans la foulée à la Roma. Le feuilleton devrait être différent avec Ousmane Dembélé.
Ousmane déblayé
« Dembélé, à sa position, avec du travail, il peut être le meilleur du monde. Je n’ai aucun doute sur ses capacités, il va être un crack mondial. » Le 8 novembre 2021, Xavi vient d’être intronisé nouvel entraîneur du FC Barcelone, et loue déjà les qualités du Français. Pas fou, puisqu’il sait que le club doit le prolonger. Malgré les interminables blessures du Français – il a été blessé lors de 119 des 248 matchs joués par les Blaugrana depuis sa signature – et un ratio de buts mitigé – 31 en quatre ans et demi, soit un tous les quatre matchs -, Xavi avait toujours une confiance aveugle en lui et le considérait comme un pilier fondamental de la reconstruction du nouveau Barça. Le président Joan Laporta se met lui aussi à brosser Dembouz dans le sens du poil un mois après auprès de la chaîne catalane TV3 : « Pour moi, c’est un super joueur. Ses agents veulent le meilleur pour lui, mais parfois le meilleur n’est pas l’argent. » Puis d’ajouter : « Pour moi, Dembélé est meilleur que Mbappé. » Pas étonnant donc que quelques jours plus tard, à la table des négociations, son agent demande un salaire à la hauteur de l’estime que le club semble porter au joueur.
52% – Depuis ses débuts avec Barcelone le 9 septembre 2017, Ousmane Dembélé n’a disputé que 129 des 248 matchs du club catalan toutes compétitions confondues, pour un total de 7520 minutes soit 58 par rencontre en moyenne. AuRevoir. pic.twitter.com/CJvp9K7ohi
— OptaJean (@OptaJean) January 20, 2022
En conférence de presse, Xavi l’assure : Dembélé a toujours voulu continuer. Pourtant, en interne, la prolongation qui est en négociation depuis presque six mois n’avance pas. Le 4 janvier, le technicien blaugrana semble lancer un premier ultimatum à celui qu’on ne s’amuse plus à surnommer « El Mosquito » en Catalogne : « Je ne peux pas faire plus de mon côté avec Dembélé, j’attends simplement de ses nouvelles. J’attends de lui qu’il fasse un effort. Ce qui est sûr, c’est qu’il ne sera pas plus heureux qu’au Barça. » Très peu d’infos sur le dossier sortent dans la presse, et personne ne sait vraiment ce qui se trame. Jusqu’à mercredi. Avant la rencontre contre l’Athletic Bilbao en huitièmes de finale de Coupe du Roi, une rumeur court : Xavi pourrait écarter son ailier du groupe pour faire pression sur son clan. En réponse à Moussa Sissoko qui disait ne pas accepter les coups de pression, l’entraîneur pose un dernier ultimatum : « Soit il prolonge, soit il part. Nous ne pouvons plus attendre. Ce qui prévaut ici, ce sont les intérêts du club. » Vingt-quatre heures plus tard, Ousmane Dembélé est bel et bien absent du voyage pour San Mamés, et se mange un dernier taquet de la part de Mateu Alemany : « On ne veut pas avoir de joueurs qui ne sont pas engagés dans le projet sportif du club et qui ne veulent plus être au Barça. Nous avons communiqué, à lui et son entourage, qu’il devait quitter le club de façon immédiate. »
À qui la faute ?
Ousmane Dembélé, lui, ne compte pas quitter le club de cette façon. « Toujours sous contrat, je suis pleinement concerné et à la disposition de mon club, de mon coach », réagira l’intéressé sur son compte Instagram. Oui, Ousmane Dembélé est toujours un joueur du FC Barcelone. Il a signé un CDD jusqu’en juin 2022 et veut aller au bout. Comme n’importe quel salarié d’une entreprise. Il a le pouvoir actuellement sur le club, qui ne tente que de se racheter une image pour adoucir le fait que sa recrue à 135 millions d’euros en 2017 pour remplacer Neymar s’en ira vraisemblablement gratuitement à l’été. Un mauvais investissement sans doute, mais dont le joueur n’est en aucun cas responsable. En plein chaos sportif et économique, Ousmane Dembélé est finalement l’idiot utile d’un club qui tente de rappeler sa gloire passée. Malgré tous les coups de pression possibles, la balle est toujours dans le camp du Français.
Ce qui permet à Moussa Sissoko de faire des demandes jugées excessives par le Barça : un salaire de 20 millions d’euros nets annuels – soit presque le double de ce qu’il perçoit aujourd’hui – couplé à une prime à la signature estimée à 30 millions. Dans le même temps, le Barça, surendetté, lâche 55 millions d’euros pour le transfert de Ferran Torres. Ce qui interroge le clan Dembélé : est-ce que le FC Barcelone comptait vraiment le garder ? Ou n’est-ce pas finalement le moyen de laisser partir l’un des derniers « boulets » de Bartomeu, après les départs de Griezmann et Coutinho en prêt (avec option d’achat) ? Et que dire des nombreuses rumeurs qui font atterrir Erling Haaland au Barça, alors même que Xavi assurait vouloir faire d’Ousmane son joueur phare ? Même si Dembélé est loin de tous reproches sportifs et comportementaux, il assure qu’il est « un homme qui n’a pas pour habitude de céder aux chantages », et fera donc ce que bon lui semble. Et c’est forcément « l’institution Barça » qui en prendra un coup…
Par Anna Carreau