- Euro 2012 – Quarts de finale
- Angleterre/Italie
Ousmane Dabo : «L’Italie prendra l’initiative»
Qui de mieux qu’Ousmane Dabo pour parler d’une rencontre opposant l’Italie à l’Angleterre ? Le milieu de terrain français a joué dans les deux championnats, connaît bien les tendances et mentalités. Mais on va pas se le cacher, y a quand même une petite prise de position italienne, malgré une admiration pour le faux-chauve Wayne Rooney.
Un quart de finale entre l’Angleterre et l’Italie. Est-ce qu’au départ, franchement, tu t’y attendais ?Oui, quand même. L’Angleterre possède un bel effectif, et l’Italie, à part de rares exceptions, est toujours compétitive et se retrouve toujours au minimum en quarts. Donc non, je ne suis pas étonné.
Pourtant, à la base, ce sont deux équipes qu’on voyait presque sortir dès le premier tour. Le scandale des paris truqués en Italie, la vague de blessures des internationaux anglais… On ne les attendait pas. Bah justement, je connais bien les Italiens, et on les attendait justement pour cette raison : à chaque fois qu’il y a eu un scandale avant une compétition internationale, ils l’ont gagnée. Ça a été le cas en 82 avec le Totonero, en 2006 avec le Calciopoli… Pour l’Angleterre, en effet, ça paraissait moins évident. Mais quand tu regardes l’équipe-type, la plupart des joueurs évoluent dans les gros clubs de Premier League. Et puis bon, franchement, je sais pas si un Lescott est inférieur à un Ferdinand, par exemple.
Ne pas être attendu, n’est-ce pas une force, au final ?Et bien oui, clairement. Ils ont pu jouer avec bien moins de pression que s’ils étaient arrivés en favoris. Cela dit, c’était plutôt incroyable de voir que personne n’y croyait en Angleterre et que la presse s’enthousiasmait pour le premier nul contre la France (rires).
Toi qui a joué et en Angleterre et en Italie, est-ce que les caractéristiques de ces deux championnats s’élargissent aux équipes nationales ? Maintenant l’Angleterre joue comme une équipe continentale, elle joue au ballon, balle à terre. C’est plus le « kick and rush » d’il y a 20 ans. En Premier League, tu vois encore des petites équipes jouer ce jeu-là, du genre Stoke City, Wolverhampton… Là, ce sont des joueurs plutôt limités techniquement, alors que tu regardes l’effectif anglais, tous jouent dans les grands clubs de Premier League, et les grands clubs anglais jouent au ballon. Ils jouent de manière posée, balle à terre, possession de balle… Donc l’équipe d’Angleterre joue de cette manière.
Leurs performances en phase de poule ont parfois été un brin poussives. Laquelle des deux équipes as-tu trouvé la plus convaincante ?L’Italie m’a fait très bonne impression, et sur les trois matchs. Au niveau technique déjà, c’est une équipe qui joue au ballon, qui possède un gros milieu de terrain avec Pirlo-Marchisio, Thiago Motta, pour moi c’est leur grande force. Puis devant, les Cassano, Di Natale et Balotelli sont vraiment talentueux et peuvent faire la différence à n’importe quel moment.
« En fin de carrière, je verrais bien Rooney reculer jusqu’au milieu de terrain »
Comment as-tu trouvé Rooney, qui a réintégré l’effectif des Three Lions pour le match face à l’Ukraine ? Tu le vois déterminant sur ce match ?Ah oui, lui, c’est un très grand joueur, j’adore. Un joueur exemplaire, qui mouille le maillot. Et puis, il a une fine technique. Tellement que je le verrais bien, en fin de carrière, reculer jusqu’au milieu de terrain, comme… Pirlo (rires), pour faire le jeu. C’est vrai qu’il a été plutôt moyen face à l’Ukraine, mais dans un gros match, il sera présent.
La non-sélection de Sturridge, joueur avec lequel tu as joué à City, tu la comprends ?Ah oui, ça, je suis un peu déçu, parce que pour moi, il avait sa place dans le groupe. J’ai pas du tout compris… C’est un joueur d’avenir, qui a une grande qualité technique, il peut faire la différence à tout moment. Puis il fait une bonne saison, moi je l’adore, c’est un mec bien et un super joueur. C’est dommage qu’il ne puisse pas profiter de ce genre de compétition pour acquérir de l’expérience. Ça peut être l’un des futurs cadres de l’équipe d’Angleterre, en plus.
Bon, de l’autre côté, on en vient à parler de Balotelli… Balotelli (Rires)… C’est dommage qu’il ait raté son occasion face à l’Espagne, ça ne lui a pas fait du bien niveau confiance. Bon, après, il a réussi à marquer, et puis c’est le genre de joueur qui peut changer le cours d’un match à lui tout seul. Moi, je miserais clairement sur lui pour le match face à l’Angleterre, aussi parce qu’il connaît bien Lescott…
Le sélectionneur italien Cesare Prandelli semble encore se chercher au niveau du dispositif : 4-3-1-2 ou 3-5-2 juventino. Quel dispositif est le plus efficace, selon toi ? Je les ai trouvés très bons en 3-5-2. Avec De Rossi libéro… franchement c’était super. Ça donnait une alternative derrière pour relancer proprement. De Rossi est un milieu de terrain, il a une très bonne technique, donc ça permet, à chaque fois, si Pirlo est pris, à De Rossi de s’intercaler, relancer… Je trouve que ça donne plus de solutions offensives à l’Italie, en partant de derrière.
Un point commun notable entre les deux équipes : contre une équipe qui joue au ballon, elles ont tendance à se regrouper derrière. Ça a été le cas de l’Angleterre face à la France, de l’Italie face à l’Espagne. Comment ça va se passer ici, alors ? Qui vois-tu prendre l’initiative ?L’Italie, je pense. Ils sont meilleurs dans la possession de balle, je vois plutôt l’Angleterre les attendre. Je pense que les Anglais vont plutôt laisser le jeu à l’Italie.
Bon, ben, du coup, quel est ton pronostic ?J’ai joué plus longtemps en Italie, j’ai pas mal d’amis dans l’équipe, alors je serai pour l’Italie. Objectivement, je les vois plus fort.
Conclusion sur une question d’actu : Arsène Wenger déclarait récemment que la Serie A était un championnat plus faible que la Premier League… D’accord avec ça ?Maintenant oui, dans le passé non. Depuis deux-trois ans, l’Angleterre est un meilleur championnat, mais, auparavant, c’était pas le cas, la Serie A était bien plus relevée. Mais bon, même là, je vois pas une grande différence de niveau entre les deux championnats. En Angleterre, à part les 5-6-7 grosses équipes, le reste c’est vraiment pas terrible, hein ! Ça, on a tendance à l’oublier. L’Italie est un championnat bien plus équilibré, le premier n’est pas sûr de gagner contre le dernier, et ce n’est pas le cas en Angleterre.
Propos recueillis par Alexandre Pauwels