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Ouissem Belgacem : « J’ai toujours été un agent double, un infiltré parmi les hétéros du foot »

Propos recueillis par Guillaume Vénétitay
17 minutes
Ouissem Belgacem : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J’ai toujours été un agent double, un infiltré parmi les hétéros du foot<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Ouissem Belgacem est passé par le centre de formation du Toulouse FC, où il a côtoyé Moussa Sissoko, Cheikh M’Bengue et Étienne Capoue. Il en est ressorti « éteint », miné par l’homophobie qui touche le milieu du football, et abandonne très vite sa carrière. Dans le livre Adieu ma honte, qui sort demain, il est le premier joueur français homosexuel à témoigner sur cette question encore taboue.

Avoir ton bouquin dans les mains, c’est libérateur ?J’étais ému. Quand Fayard, mon éditeur, m’a appelé pour me dire que le livre était arrivé, je me suis sapé comme si j’allais à un date. C’est l’aboutissement d’années de travail. J’ai toujours aimé écrire. D’ailleurs, un ami d’enfance me l’a rappelé cette semaine : « Ouissem, tu avais 13 ans et tu m’avais dit que tu écrirais un livre un jour ». Ecrire a toujours été un peu thérapeutique pour moi. J’ai mûri l’idée du livre vers 24 ou 25 ans. Je prends réellement la décision de parler lorsque je rencontre à nouveau de l’homophobie via ma boîte, OnTrack, qui forme et accompagne des footballeurs pendant et après leur carrière. Mais ce livre n’est pas une finalité. Il doit servir un combat de tous les instants contre l’homophobie. Apparemment, il y a déjà des commentaires de haine sur les réseaux sociaux. Je suis conscient des foudres que ce livre peut déclencher.

C’était parfois dur pour ma mère : il m’est arrivé de rentrer chez moi et de manger seulement un bout de baguette avec du ketchup et du fromage râpé. J’ai donc l’impression d’être blindé, oui, et je suis prêt à mener ce combat

Tu dis aussi que tu es blindé psychologiquement face à ces commentaires après tout ce que tu as vécu.Mentalement, je suis prêt. La souffrance, je sais ce que c’est. Je dis souvent à mes potes : je reviens de l’enfer. J’ai vécu les deux tiers de ma vie dans le mensonge et la négation de soi. Je viens d’une cité d’Aix-en-Provence et j’ai perdu mon père quand j’étais petit (à huit ans, NDLR). C’était parfois dur pour ma mère : il m’est arrivé de rentrer chez moi et de manger seulement un bout de baguette avec du ketchup et du fromage râpé. J’ai donc l’impression d’être blindé, oui, et je suis prêt à mener ce combat pour toutes les figures de la communauté LGBT qui ont lutté pour que je puisse mieux vivre mon homosexualité. Je pense à Marsha P. Johnson ou à Justin Fashanu, premier footballeur gay à avoir fait son coming-out en Angleterre et qui s’est suicidé en 1998.

Justement, tu dis que l’homophobie est présente à tous les niveaux du foot. Avant même d’entrer au centre de formation du Toulouse FC, tu te souviens de tes matchs à Aix ?L’insulte numéro un, c’est « sale pédé ». Partout, dans le vestiaire, autour du terrain avec des « regarde ce sale pédé, l’action qu’il a loupée. » On entend aussi tout le temps : « On n’est pas des tapettes, des tarlouzes ». Le foot est un sport de contact. Ceux qui n’aiment pas le contact sont considérés comme des tapettes. C’est une insulte homophobe qu’on entend partout. Je l’entendais aussi au quartier. Quand j’étais ado, celui à qui il ne fallait pas ressembler, c’était Steevy, de la Star’Ac.

Ou Gérard, l’homosexuel de la série Les filles d’à côté. Tu as été surnommé ainsi dans ton quartier…
Rien qu’entendre le nom, ça me fait monter en pression (Rires.) Je l’ai dépassé, mais j’ai haï ce surnom, que j’ai eu pendant trois ans. Et c’est juste parti parce que j’ai eu le malheur d’avoir la même coiffure que lui un jour… Les grands du quartier avaient trouvé ça. Et quand je m’embrouillais avec un mec, on me sortait ce surnom car on savait qu’il allait me faire dégoupiller. Et puis, j’étais grande gueule. Mais le football t’apporte beaucoup de respect si tu es bon.

Si tu es agressif, tu es agressif, tu n’as pas besoin de t’inventer une vie à la Gladiator. Il y a plein d’autres leviers de motivation qu’on peut tirer dans la motivation plutôt que cette masculinité toxique.

Sur le terrain, tu as été capitaine dans ton club à Aix et un élément important dans les équipes de jeunes du TFC. Est-ce que tu as tenu des propos homophobes, parce qu’ils sont justement banalisés ?Pas homophobes, mais je pense avoir tenu des propos qui donnent une mauvaise description de ce qu’est un homme. Par exemple, j’ai motivé mes coéquipiers en disant : « Allez les gars, on est des hommes, des bonhommes putain. » En grandissant, j’ai compris qu’on pouvait être un homme avec une part de féminité assumée et mettre un tacle rugueux à des mecs. Et en réalité, on n’a pas besoin de dire qu’il faut être un bonhomme. Si tu es agressif, tu es agressif, tu n’as pas besoin de t’inventer une vie à la Gladiator. Il y a plein d’autres leviers de motivation qu’on peut tirer dans la motivation plutôt que cette masculinité toxique.

Justement, pour toi, c’est quoi être un homme ?Dans le livre, je cite une lettre à ma maman. Je dis qu’être un homme, c’est être droit, prendre ses responsabilités et soin des siens, s’assumer, pouvoir se regarder dans le miroir. Avec la sortie du bouquin, on va m’insulter de pédé et de tapette, mais ce que je fais, c’est un acte d’homme, de courage.

Au centre de formation, tu dis que ce sont plein de petits moments qui forment un système…Mon livre ne s’attaque pas à une personne en particulier pour faire une vendetta, ça ne m’intéresse pas. Je montre que c’est progressif, pernicieux et systémique. Et je veux faire évoluer ce sport que j’aime tant. Je ne me suis jamais senti à l’aise et j’ai compris que cela allait être un problème. Dans le foot, il y a une culture masculiniste très prononcée, avec des propos dégradants vis-à-vis des femmes et des homos. Les gens pensent qu’on parle ballon dans un vestiaire, mais en réalité, ça ne parle que de meufs. Pas une fois, je n’ai entendu un discours positif sur les homos. Par un coach, un président, quelqu’un du staff. Personne. Je n’avais aucune représentation ou égérie dans le foot. À un moment, je me suis dit : « Ouissem, t’es dans la merde. » C’est là que j’ai entamé ce projet de m’hétérosexualiser. Comme je le dis.

Un jour, je me suis même enfermé dans ma chambre, à regarder du porno lesbien. Je me disais : il y a deux femmes, tu ne sors pas tant que tu n’as pas joui.

Tu as tenté une thérapie de conversion ?

Non, en France, c’est très caché ce genre de thérapie. Aux USA, c’est autre chose. Heureusement que je n’étais pas là-bas, sinon, j’aurais pris un abonnement premium… Mais je suis allé consulter des psys. Un jour, je me suis même enfermé dans ma chambre, à regarder du porno lesbien. Je me disais : il y a deux femmes, tu ne sors pas tant que tu n’as pas joui. Je me suis tourné vers la religion et à un moment donné, j’ai cru en ce que m’avait dit l’imam : « Tu n’as pas rencontré la bonne femme, tu vas en trouver une qui te conviendra. » Peu après, j’ai rencontré Ariana. Elle est magnifique, a une passion pour la culture arabo-musulmane, je me dis « Hamdoullah, le ciel m’a entendu, c’est elle qui va me changer. » Et bien non. Je me suis forcé à sortir avec elle et je lui ai fait beaucoup de mal.

Tu as toujours caché ton homosexualité, comment cela s’est-il ressenti sur ta vie et tes performances ?Je n’ai pas pu jouer ma carte à fond car cette situation m’a consumé de l’intérieur. Tout ça m’a éteint. Dans le sport, et encore plus dans le foot vu le niveau de compétitivité, c’est le mental qui détermine si tu perces ou pas. C’est un exploit mental. Au centre de formation, j’étais le deuxième plus endurant, dans le top 10 en vitesse, j’avais une très bonne détente sèche, je savais très bien lire le jeu. Mais mentalement, j’étais torturé. J’étais une bête coincée. J’entendais des discours négatifs de partout. D’abord au sein de mon club. Puis quand j’allais à la mosquée, il y avait des rappels sur le fait que l’homosexualité était un péché. Et puis, tu rentres au quartier… Quand tu es un ado, comment réussir dans ces conditions ? Ce n’est pas normal que ce soit un tel boulet à traîner. Et on trouve un lien avec la définition toxique de la masculinité : tu n’as pas le droit de dire que ça ne va pas. Il ne faut pas montrer ses faiblesses à ses coéquipiers ou au coach. Chaque année, tu as la moitié de l’équipe qui est virée. Si tu montres des carences psychologiques, c’est compliqué. Le foot, c’est la loterie, et c’est le mental qui fait tenir.

Si tout le monde avait su, je me serais fait rejeter de l’équipe. Même avec un beau discours du coach. On était des ados de 15 ans. Personne n’aurait voulu se mettre avec moi dans la chambre et à l’hôtel.

Un de tes anciens coachs à Toulouse t’a dit : « Tu as bien fait de ne pas le dire. Le club se serait débrouillé pour te faire sortir » Mais, avec le recul, est-ce que tu penses que tu aurais pu te confier à certains au sein du club ?
Ce week-end, Jean-François Soucasse m’a envoyé un mail. Il a été directeur du centre de formation, puis directeur général du TFC. Il m’a félicité pour le livre et m’a dit (il lit le mail sur son téléphone) : « À titre personnel, je regrette qu’on n’ait pas pu ou su trouver tous ensemble, au centre de formation, un chemin pour apaiser tes blessures. Je ne sais pas si on aurait pu mieux faire. Mais j’aurais aimé que cela soit le cas. » Et ça m’émeut car il y a une majorité silencieuse. Mais si tout le monde avait su, je me serais fait rejeter de l’équipe. Même avec un beau discours du coach. On était des ados de 15 ans. Personne n’aurait voulu se mettre avec moi dans la chambre et à l’hôtel. Et à la fin, c’est moi qui aurait demandé à partir. Dans le foot, le facteur humain est très important, il y a 1001 raisons pour lesquelles un coach peut décider de ne pas te faire jouer. Il y a une grosse part de subjectivité. C’est donc extrêmement dur pour un footballeur en activité de faire son coming out car la carrière est tellement courte et fragile. Il y a des enjeux financiers. Tu donnes aussi une raison à un coach de te jeter parce qu’il va penser que cela peut soi-disant « perturber » le vestiaire. Tu te bloques pour un transfert.

Pourtant, malgré ce mal-être, tu ne craques pas. Je n’ai jamais explosé parce que j’étais persuadé que j’allais y arriver, mon amour du foot et mon envie de réussir me font tenir. Mais je pars en vrille durant ma cinquième année au centre de formation. C’est la descente aux enfers. Je n’arrive pas à savoir si je suis moins bon parce que ce truc me hante, ou si c’est l’inverse. C’est là que je rejoins une brigade « antigay » .

Ces mecs-là, je ne pourrai jamais aller m’excuser auprès d’eux et leur dire que je suis un des leurs. Ce livre est aussi un mea culpa. Cela fait partie des actions que je ne me pardonnerai jamais.

C’était quoi cette « brigade » ?À côté du centre de formation, il y avait un bois, sur l’île du Ramier. C’était connu que des hommes se rejoignaient là-bas pour faire des rencontres. On allait les chasser et les frapper pour soi-disant « protéger les U14 » d’une mauvaise rencontre. On faisait en plus l’amalgame pédophilie et homosexualité… Et ça me fend le cœur. Ces mecs-là, je ne pourrai jamais aller m’excuser auprès d’eux et leur dire que je suis un des leurs. Ce livre est aussi un mea culpa. Cela fait partie des actions que je ne me pardonnerai jamais. Je sais à quel point c’est dur d’être gay dans une société patriarcale et hétéronormée. En plus, on revenait au centre et on se prenait pour des Marvel, Capitaine America et Iron Man. Quelle honte. Mais c’est une vraie question pour la FFF et les clubs : que permet-on dans notre système et notre culture pour que des jeunes pensent avoir le droit de former une brigade antigay et de frapper des homosexuels ?

Justement, pourquoi le foot est, selon toi, le sport qui a le moins évolué sur la question de l’homophobie ?Le foot est gangrené par l’homophobie. À tous les niveaux. Dans les stades, il y a une minorité de fans qui vient hurler des propos homophobes. À côté, il y a une majorité silencieuse. On devrait pas rester silencieux au stade quand on entend « sale pédé ». Certains me disent que c’est l’équivalent d’un « sale con. » Mais non, au stade il y a aussi des jeunes, qui, à 15 ans, et c’est normal, ne comprennent pas la nuance. Et ça banalise des propos homophobes, qui sont des délits. Les institutions ne reconnaissent pas que l’homophobie est un problème. Tu ne peux pas combattre quelque chose que tu ne reconnais pas. Il faut que la FFF comprenne que l’orientation sexuelle n’a rien à voir dans la performance sportive. Il est possible que les prochains Cristiano Ronaldo et Messi soient gays, mais qu’ils ne jouent jamais au foot parce que l’environnement est trop hostile. On ne peut pas se priver de talents parce qu’ils sont homos.

Lizarazu, j’ai beaucoup de respect pour lui, mais quand il dit que l’homophobie n’existe pas dans le foot et qu’il n’y a aucun problème dans le vestiaire…

Quand tu parles de la FFF, tu penses à Noël Le Graët ?Lorsque je l’entends dire qu’il est d’accord pour arrêter les matchs en cas d’insultes racistes, mais pas lorsqu’il y a des insultes homophobes… Ça me révolte. Je ne supporte pas qu’on hiérarchise les discriminations. On part de loin : Lizarazu, j’ai beaucoup de respect pour lui, mais quand il dit que l’homophobie n’existe pas dans le foot et qu’il n’y a aucun problème dans le vestiaire… Moi, j’allais au vestiaire avec la boule au ventre à chaque fois.

En dehors de l’arrêt des matchs, que faudrait-il faire pour mieux sensibiliser ?Il y a des clips contre le racisme avec des joueurs de Ligue 1. À quand des vidéos pour dire non à l’homophobie ? Il y a des initiatives comme le brassard arc-en-ciel, mais ça, ce sont des trucs à deux balles qui ne changeront rien. Je fais des formations avec ma boîte. Il faut en faire plus, mais pas juste des monologues de 30 à 60 minutes dans un centre de formation et ensuite, on se barre. Il faut former les jeunes sur ces questions de diversité, de respect, de tolérance. Certains d’entre eux vont devenir des stars et des modèles avec des millions de fans. Il faudrait avoir des footballeurs connus qui s’engagent et qu’on arrête d’entendre des footballeurs à chaque fois dire : « Je ne m’exprime pas là-dessus. » À un moment, on ne peut pas être la Suisse tout le temps, il faut se positionner.

Antoine Griezmann avait pris position en faisant la Une du magazine Têtu.
Il est extrêmement courageux. C’est très bien qu’il s’exprime sur le sujet. Il a aussi agi en faveur des Ouïghours. J’espère que d’autres vont suivre. Toutefois, Griezmann est hétéro, ça n’est pas dommageable pour sa carrière. Et une prise de parole aurait eu plus de poids si un joueur homosexuel en activité faisait son coming-out. Mais c’est toujours bien d’avoir un allié, tant mieux, j’ai apprécié.

Tu arrêtes ta carrière presque juste après ta sortie du centre de formation. Et tu rencontres l’homophobie quand tu bosses à Veolia. L’homophobie est transversale. Je l’ai vue dans tous les milieux : éduqués, bobos, cathos… Ce n’est pas que l’islam hein. À Veolia, les directeurs savaient que j’avais joué au foot, ils me disaient : « Alors, avec les meufs à l’hôtel ? ». Ou bien : « Tu as vu la réceptionniste ? » Et tu ne réponds rien, car même si tu le dis de manière diplomatique, ça ne m’aurait pas servi dans ma carrière. Le mec se serait braqué. Sinon, au quartier, on a parfois l’impression que le temps s’est figé, des homosexuels doivent en partir pour vivre tranquillement. Mais je suis la preuve vivante qu’il y a une entente possible entre des communautés que tout semble opposer. Des amis de la cité Beisson viennent parfois en boîte gay avec moi et on passe de bonnes soirées.

Je n’étais pas trop Eddy Bellegueule car je n’ai jamais été l’homo maniéré. J’ai toujours été un agent double, un infiltré parmi les hétéros du foot

Tu t’es beaucoup documenté pour l’ouvrage. Tu as lu quoi ?J’ai lu Retour à Reims de Didier Eribon par exemple. Je me suis reconnu quand il parle d’ascension sociale, mais j’ai eu beaucoup de peine en lisant son texte. Il a subi des ratonnades, et je me suis dit que j’aurais pu lui faire ça. Je ne l’ai jamais rencontré, mais je lui ai envoyé mon livre. Je suis devenu ami avec Edouard Louis, que j’ai d’abord croisé à une conférence. J’avais été bluffé par son discours. Je n’étais pas trop Eddy Bellegueule car je n’ai jamais été l’homo maniéré. J’ai toujours été un agent double, un infiltré parmi les hétéros du foot (Rires.) Edouard m’a donné un cadre avec ses livres, on est resté en contact et il m’a dit de croire en mon histoire, il m’a aidé à avoir plus confiance.

Tu as aussi beaucoup lu sur l’islam. Et tu es toujours croyant, contrairement à une de tes sœurs par exemple. Comment tu l’expliques ?Je me suis éduqué tout seul sur le sujet. J’ai lu le livre de Tahar Ben Jelloul, L’Islam raconté aux enfants notamment, qui évoque les valeurs de l’islam plus que les règles. Jai trouvé mon islam, et je suis en paix avec ça. Je prends cet islam libéral qui me va très bien. Il n’est ni misogyne, ni homophobe. Je respecte entièrement le fait qu’il n’est pas partagé par d’autres. Seul Dieu peut juger, donc qu’on me laisse vivre ma sexualité comme je l’entends. Je suis content d’avoir pu rencontrer Ludovic Mohamed Zahed (imam ouvertement homosexuel, NDLR). J’ai aussi lu Mon islam, ma liberté de Kahina Bahloul, la première femme imam de France. Mon pote Talla m’a dit, quand j’ai fait mon coming-out : « Ouissem, je n’ai pas à te juger. » Cheikh M’Bengue est très pieux aussi, et il a très bien réagi.

Tu avais parlé du livre à tes potes ? Moussa Sissoko, Cheikh M’Bengue et les autres.Tous ceux dont je parle dans le bouquin, Moussa, Cheikh, mais aussi Franck (Tabanou), Étienne (Capoue), je leur ai fait lire. Pas pour leur demander une autorisation, mais par respect pour notre amitié, ce sont des proches. Et je leur avais fait mon coming-out en personne avant.

Cheikh, c’est la famille. On était le tandem en charnière centrale. Lui le gaucher, moi droitier. Lors de mon coming-out, il a dit : c’est Ouiss, c’est mon pote, c’est la famille, et il n’y a rien qui change.

Pour l’ouvrage, ils en pensent quoi ?(Il sort son téléphone) Regarde le SMS, j’écrivais à Cheikh ce matin. Je lui dis que ça me fait plaisir d’avoir son soutien. Il me répond : « Comme je t’ai toujours dit, il y a ta vie privée que je ne jugerai jamais. Et il y a plus de 20 ans d’amitié que je n’oublierai jamais. » Cheikh, c’est la famille. Quand tu es au centre de formation, tu dors ensemble, tu vis ensemble. En plus, nous on était le tandem en charnière centrale. Lui le gaucher, moi droitier. Lors de mon coming-out, il a dit : « c’est Ouiss, c’est mon pote, c’est la famille, et il n’y a rien qui change. »

Depuis l’annonce de la sortie de ton témoignage, des joueurs gays t’ont-ils contacté ? On va voir, je sais qu’il y a des joueurs homosexuels. Avec ma société, j’ai déjà eu des discussions chelous. Le joueur ne savait pas et avec pas mal de sous-entendus, il m’a dit : « Ouissem, tu sais quand tu es footballeur, il y a des choses que tu peux pas dire et que tu ne peux pas être. » J’ai deux joueurs en tête qui sont homos, avec femme et enfants. Ce livre, c’est aussi pour eux. Je ne trahirai jamais leur confiance, c’est à eux de faire leur bout de chemin. Je sais à quel point le milieu est homophobe. Et il faut qu’on détruise ça.

Ouissem Belgacem, avec Eleonore Gurrey. Adieu ma honte (Fayard, sortie le 5 mai).

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Propos recueillis par Guillaume Vénétitay

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